Il faut pourtant rappeler que le Pdg de GDF avait promis la stabilité des tarifs jusqu'en 2010, que son entreprise bat chaque année son niveau record de bénéfices, mais que ses actionnaires exigent des dividendes toujours plus élevés. Au moment où le gouvernement prétend se démener pour lutter contre la baisse du pouvoir d'achat, il donne son aval à une nouvelle ponction sur les revenus sur un poste budgétaire vital. Les ménages modestes qui, déjà, ne s'en sortent plus, seront les premières victimes. Mais les actionnaires du futur GDF-Suez feront bombance.
Deux simples mots : SERVICE PUBLIC. L'idée que certains biens ou prestations ne sont pas des marchandises comme les autres, qu'ils sont indispensables à une existence décente et que le rôle de l'Etat, dans un pays riche, est de s'assurer que ses ressortissants n'en soient pas privés : que chacun dispose d'un minimum, puisse par exemple se nourrir, se soigner s'il est malade, avoir un toit au-dessus de la tête, la possibilité de se chauffer... Une élémentaire solidarité nationale commande que ce type de besoins de base ne soit pas exploité pour que des actionnaires privés touchent de juteux dividendes. (...)
Flash back. Nous sommes en mars 2006 et Gaz de France annonce un bénéfice record de 1,743 milliards d'euros, en hausse de 29%. Son Pdg, Jean-François Cirelli, observe qu'il s'agit "du bénéfice le plus élevé de son histoire". "Nos perspectives de croissance sont favorables", ajoute-t-il. Et le groupe de claironner qu'il vise pour 2006 un bénéfice net supérieur à 2 milliards d'euros et qu'il va verser à ses actionnaires un dividende en hausse de 48% pour 2005, qui "progresse au-delà" de l'objectif fixé par le groupe lors de l'ouverture du capital, se félicite Cirelli.
Formidable donc ? Eh bien non, ce n'est pas assez : il réclame à cor et à cris une augmentation des tarifs du gaz. La précédente remonte à novembre, de 3,8%. Après celle de juillet, de 4%. Avec la régularité d'un métronome, le prix grimpe tous les 5 ou 6 mois : Thierry Breton, alors ministre UMP de l'Economie, accorde une nouvelle augmentation de 5,8%, qui entre en vigueur le 1er mai dernier. On apprend au même moment qu'il donne également son accord à l'augmentation du… salaire du Pdg, de 1,8% - Cirelli émarge désormais à 309.981 € bruts annuels -, assortie pour la première fois d'un bonus sur résultats (plafonné à 40% du fixe). «70% de cette prime sont versés sur des critères purement financiers. En gros, si l'objectif de 2 milliards de résultat net fixé pour 2006 est dépassé, Cirelli touche sa prime.
Or, les seules variables d'ajustement pour le bénéfice, c'est la hausse des tarifs et celle de la productivité», explique alors un responsable de la CGT dans Libération. Pour gagner (encore) plus, le Pdg de Gaz de France n'a donc pas le choix : il doit augmenter la rémunération des actionnaires. Alors il tond la laine sur le dos des 11 millions de particuliers abonnés au gaz. Lors de l'augmentation de mai dernier, il avait pourtant juré qu'il ne s'en produirait plus jusqu'en 2010 ! Il ne fallait pas le croire. Dans le contexte de la fusion annoncée avec Suez, sur le point d'aboutir, alors qu'on promet aux actionnaires une "politique dynamique de distribution de dividende" (+ 50% en 3 ans), il faut prendre l'argent là où il est : dans les poches des usagers !
Alors Christine Lagarde, ardente défenseure du pouvoir d'achat, a donné son feu vert à une nouvelle augmentation. De "moins de 6%", c'est tout ce qu'on sait pour l'instant. La nouvelle est passée discrètement hier, parmi les brèves, sans que les médias ne questionnent la légitimité de l'opération, ni ne rappellent les chiffres : les bénéfices de GDF sont passés de 1,15 milliards d'euros en 2004 à 1,75 milliards en 2005, puis à 2,6 milliards en 2006 et, au premier semestre 2007, GDF a déjà réalisé un bénéfice de 1,51 milliards d'euros. Pendant ce temps-là, si l'on ajoute la hausse vertigineuse du prix du fioul, la voie est ouverte pour que, dans un pays qui compte 12,1% de pauvres vivant avec moins de 817 € par mois, selon la statistique de l'INSEE publiée en juillet dernier, les gens meurent désormais de froid dans leurs maisons, faute de pouvoir payer une énergie de plus en plus chère. Mais pour les actionnaires du futur GDF-Suez, tout va bien !
(Source : Le blog d'Olivier Bonnet)
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