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Accueil Mobilisations, luttes et solidarités La charité, outil d'asservissement des pauvres

La charité, outil d'asservissement des pauvres

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«Au lieu de donner du poisson à celui qui n'a rien à manger, apprenons-lui plutôt à pêcher.» Proverbe bien connu mais pourtant bien négligé, tant il est vrai que la pauvreté est un "business" générateur de richesses, pourvoyeur de statuts, de salaires, de subventions et même de reconnaissance sociale… pour ceux qui sont du bon côté de la soupière.

L'institutionnalisation de la pauvreté n'est guère un signe de vitalité de nos humanités. D'autant qu'il est patent qu'elle profite surtout à ceux qui en jouissent, beaucoup plus qu'à ceux qui la subissent mais pour autant, je pense qu'elle a au minimum le mérite d'exister et donc d'être perfectible. De plus, si les personnes qui agissent sont dans une logique de contre-don, et donc dans une démarche de compensation personnelle, il n'en reste pas moins qu'elles sont sur le terrain et que, dans leur humble mesure, elles contribuent à pallier l'absence d'une remise en question de nos actions sociales, c'est à dire de réfléchir à plutôt s'attaquer aux causes de la précarité, en amont, au lieu d'intervenir lorsque les besoins deviennent cruciaux, et parfois cruellement insoutenables, en aval.

Charity-business et dignité humaine sont-ils compatibles ?

Au moment où l’insécurité de l’avenir s'accroît, le social est un secteur porteur d’une certaine stabilité professionnelle bien compréhensible, et surtout bien légitime, en tant que facteur déterminant dans le choix d’une option de vie. Néanmoins, il ne s’agit pas là de fonctions anodines, loin de là, car ses activités s’adressent certes à des publics différents qui, chacun, possède ses propres spécificités, mais surtout, ce sont des professions qui ciblent essentiellement ce qu’il y a de plus intime, et peut être de plus important chez l’être humain : Sa Dignité. Aussi, il me semble que la validation de réelles motivations, autres que financières, est indispensable et ne saurait se contenter de phrases pré-digérées : L’amour de l’argent est une valeur s’opposant radicalement à la vocation requise pour l'exercice de la profession.

De plus, toutes les démarches qui tendent avec enthousiasme, et même une certaine naïveté, à reconstruire, voire seulement à consolider cette Dignité, relève d’une même logique, inscrite historiquement dans un creuset d’évolutions de pratiques, croyant se renouveler mais se régénérant de ses mêmes erreurs avec une belle allégresse et une grande candeur : Le paternalisme - ou plutôt le maternalisme - qui caractérise les différentes conceptions, teintées plus ou moins de compassion chrétienne, tendent à placer les personnes concernées dans des situations de dépendance plus ou moins obligée par rapport à l’initiateur de l’acte social. Il s’agit là d’une erreur fondamentale, je crois.

Car enfin : Qu’attend un être humain qui a besoin d’être aidé et soutenu ? Des directives ? Des injonctions ? Des exhortations ? A suivre quelques conseils, une procédure, ou une conduite ré-adaptée au contexte qui est le sien ? Avec accessoirement un pécule ? La clé d’un logement ? La promesse d’une amélioration ?
Qui en vérité acquiert de la Dignité : Celui qui donne, ou celui qui reçoit ?

Dépendance, infantilisation… et frustration

Il y a dans cette hiérarchisation de la relation aidant-aidé comme une forme de profonde négligence à l’égard de la personne humaine, très paradoxalement, pour une activité baignant au sein des sciences humaines. Pour certains, cela n’entrainera pas de conséquences vraiment dramatiques sinon celles, parfois, de voir se reproduire les mêmes égarements. Mais pour d’autres, et c’est plus terrible, cela peut induire des blessures intérieures qui jamais ne les soutiendront dans leur espoir d’une vie différente, bien au contraire, produisant parfois même de la souffrance et une violence qui seront d’autant plus grandes que leurs frustrations auront été bafouées.

Pour la plupart, le sentiment d’infantilisation n’amène que des comportements de remerciement éperdu et, fallacieusement, la perception d’une certaine forme de réussite de l’action, dualement partagée. Mais pour les blessés de la vie, il est comme le geste de dégoupiller une grenade qui, vous échappant des mains, explosera tôt ou tard, dans un milieu familial ou autre, sans même d’ailleurs que l’instigateur, à l’origine de l’acte déclencheur, soit informé des répercussions de sa maladresse inconsciente, d’autant moins coupable qu’elle émane d’une bonne intention.

Nous aurions bien plus de victoires dans notre combat contre l’exclusion et la pauvreté si, au lieu de vouloir apporter des réponses à des personnes, nous nous posions plutôt des questions sur nous-mêmes quant à la pertinence de l’action sociale en général, et sur l'efficacité de nos actes en particulier. Si nous pensons aider quelqu’un en lui donnant régulièrement quelque chose, nous nous trompons car nous devenons complices de la pérennité de sa situation, d’une part, et d’autre part, nous lui enlevons la possibilité de retrouver en lui-même les ressources, et surtout le ressort de se battre pour reconquérir sa propre Dignité.

Quand bonne conscience rime avec impuissance

Nous croyons aider un SDF parce qu’il prend une douche ? La belle affaire ! Sans nous, il l’aurait peut être prise de toute façon : la seule différence, c’est notre bonne conscience, que nous avons endormie. Idem lorsque nous donnons deux boîtes de sardines et un kilog de riz, nous n'apaisons que notre mal-être, évacuant ainsi notre pitoyable impuissance : Qui peut croire qu’un SDF ne mange pas ? Très mal, c’est exact, mais les poubelles ne sont pas seulement réservées aux chiens. Dans la rue, pour ne pas sombrer, nous sommes obligés de rester maître de notre destin, et pour se maintenir debout surtout, de ne pas être amenés à dévoiler notre honte à quelqu’un. Nous parlions de Dignité ? Etre redevable, justement, tous les jours, finir par la réduire comme une peau de chagrin, je suis désolé de le dire mais c’est le fond de la vérité, et commencer à renoncer à sa fierté d'être humain, c'est finir par se sentir devenir un moins que rien.

Qui est le plus misérable : Le gueux involontairement négligé ? Ou l’esprit soucieux éperdu de bonté ? Aussi, permettez qu’au lieu de me réjouir de la présence des structures existantes, dont je salue pourtant le dévouement et l’engagement sans pareils, je m’interroge plutôt de savoir si leur présence n’est pas, dans la réalité, du fait même de leur existence, une entrave à des objectifs beaucoup plus ambitieux. Certes cela sonne comme une appréciation brutale, un peu trop expéditive certainement, mais il est bon parfois de bien percuter les esprits afin qu’ils se ressaisissent, et réfléchissent, si toutefois la volonté de véritablement réagir subsiste, au lieu de persister continuellement à vouloir simplement agir avec la seule satisfaction de l'avoir fait, à défaut de mieux, et au nom d'un pseudo-humanitarisme.

Repenser l'action sociale

N’y a-t-il rien à faire ? En l’état : Rien. Qui serait suffisamment téméraire pour aller se confronter à des institutions persuadées de leur bon droit ? Sans moyens, sans pouvoirs et sans réseaux, qui peut faire quelque chose pour modifier et corriger cette grande errance sociale ? Personne. Qui a le pouvoir d’interpeler la conscience morale et humaine des responsables concernés ? Personne, à part eux-mêmes.

Soyons sans illusions : L’être humain ne peut rien pour une autre personne, sinon seulement lui dire, et le lui répéter, jusqu’à l’assourdir si besoin est, ou en le lui criant, si nécessaire, qu’il est un être à part entière, capable de l'affirmer pleinement. Tout le reste est vain et n’a surtout d’utilité en vérité que pour celui qui donne, et non véritablement en profondeur, pour celui qui reçoit, je crois.

Désolé pour ces réponses laconiques, mais je ne peux seulement espérer qu’elles enclenchent une réflexion globale sur ce sujet difficile ... Je le souhaite vivement en tout cas. Mieux : J’y crois encore. Un peu. Sinon je ne me serais pas livré à ce plaidoyer en faveur d’une stratégie nouvelle, pleine d’espérance, c’est vrai, parce que porteuse de réelle Dignité, mais surtout bouillonnante de colères contenues aussi.

Car chaque heure qui passe aggrave les situations personnelles, les rapprochant du délit, du crime... ou du suicide.

Jean Salim R (ancien SDF) pour Brille le soleil

Pour compléter :

Contrats aidés : les Restos du Cœur n'ont rien compris !
C'est un cas d'école : depuis 23 ans, la vénérable institution de Coluche s'englue dans la mission qu'elle s'était fixée. A force de se substituer au rôle de l'Etat, elle finit par contracter des raisonnements faussés et devient, clairement, «une entrave à des objectifs beaucoup plus ambitieux».
Les chômeurs n’ont nul besoin d’«incitations au travail»
Pour sortir de l’«assistanat», les RMIstes et les chômeurs ont simplement besoin de vrais emplois correctement rémunérés (apprendre à pêcher…), et non de dispositifs asservissants qui les emprisonnent dans leur situation (comme ce misérable poisson qu'est le RSA de Martin Hirsch…).

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Mis à jour ( Mardi, 13 Mars 2012 13:26 )  

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