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Accueil Social, économie et politique Le Sénat veut épargner les employeurs qui discriminent

Le Sénat veut épargner les employeurs qui discriminent

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Une proposition de loi a été déposée le 21 novembre dernier par le sénateur UMP Jean-Jacques Hyest pour réduire à 5 ans au lieu de 30 la durée de prescription des procédures civiles contre les discriminations. Les sénateurs se sont empressés de l'adopter à la quasi-unanimité (seul le PCF s'est abstenu). L'Assemblée devrait l'examiner prochainement.

Passée presque inaperçue, c'est à Noël que le monde syndical s'est agité. Les discriminations au travail sont concernées au premier chef : même une victoire d'un préjudice reconnu verrait les indemnités accordées réduites aux cinq dernières années. Autant dire clairement aux entreprises que même si la discrimination est interdite par la loi, le risque financier s'affaiblit.

L'origine de la proposition s'appuie sur les conclusions d'une mission d'information sur les règles en matière de discrimination. Celle-ci soulève le manque de cohérence des règles et dénombre plus de deux cent cinquante délais de prescription différents.

Fallait-il rationaliser ? Peut être, mais si cette loi est votée ainsi, elle sera plus nuisible que bénéfique… sauf pour les «présumés coupables». Elle assèchera les nombreux procès gagnés depuis quinze ans par les victimes de discrimination, fortes indemnisations à la clef. La Cour de cassation l'a rappelé à maintes reprises : les dommages et intérêts accordés par les juges dans les affaires de discrimination dans l'emploi sont couverts par la prescription de trente ans. En effet, la discrimination est un processus qui se déroule dans le temps ; il permet de mesurer son ampleur et de réparer les carrières tronquées des victimes.

Depuis la fin des années 1990, les syndicats ont réussi à prouver les discriminations subies par leurs militants dans les entreprises. Notamment en utilisant la méthode mise au point par François Clerc - ancien mécano de chez Peugeot - établissant l'existence d'une discrimination, mesurant le préjudice subi et le réparant. Tribunaux et inspecteurs du travail l'ont accepté au point d'officialiser la «méthode Clerc» dans les cas de discrimination sexiste ou raciale.

Les milieux juridiques patronaux cherchaient encore le moyen d'y riposter : le Sénat ne pouvait pas leur faire plus beau cadeau ! Trop heureux qu'une telle réforme rende impossible tout recours à la négociation, l'entreprise serait délivrée du rapport de force que créait la menace du procès.

François Clerc ne capitule pas et a constitué un groupe de travail formé d'avocats, de professeurs de droit et de responsables CGT pour sensibiliser les députés et empêcher ce volet de la réforme de passer le cap de l'Assemblée. Espérons aussi que la HALDE - Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité - se saisira du dossier pour rendre un avis éclairé au Parlement.

A l'heure où l'objectif de lutte contre la discrimination et l'inégalité salariale est proclamé jusqu'au plus haut niveau de l'Etat, le message est paradoxal : les entreprises prônent la diversité, veulent bien changer leurs pratiques, mais ne pas réparer le passé...

Vincent de ROCHER-LECLERCQ

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Mis à jour ( Mardi, 18 Mars 2008 13:43 )  

Commentaires 

 
0 # superuser 2008-03-18 12:54 Une proposition passée inaperçue réduirait la prescription des procédures civiles de trente ans à cinq ans.

C’est une proposition de loi susceptible de «réduire à néant» toute la jurisprudence en matière de discrimination au travail, qu’elle soit fondée sur le genre, l’appartenance syndicale ou religieuse, l’orientation sexuelle. C’est ce qu’affirment les syndicats de la magistrature et des avocats de France, la CGT et de nombreuses associations de lutte contre l’homophobie, réunies en collectif, dans un appel lancé aujourd’hui.

Pourtant, personne ne s’en était rendu compte de prime abord. La proposition de loi du sénateur (UMP) Jean-Jacques Hyest a été présentée le 21 novembre. Elle vise à réduire à cinq ans, au lieu de trente aujourd’hui, la durée de prescription des procédures civiles. Immédiatement adoptée par les sénateurs, elle attend son passage à l’Assemblée.

C’est seulement à Noël que le monde syndical s’est agité. Car, parmi les centaines de cas portés devant une juridiction civile (droit immobilier, familial…), il y a aussi les discriminations au travail. Les victimes n’auraient plus que cinq ans pour porter plainte et, si le préjudice est reconnu, les indemnités ne porteraient plus que sur les cinq dernières années. «Ce serait un message clair adressé aux employeurs, explique le collectif dans son appel, que Libération a pu lire hier. Certes, la discrimination resterait interdite en droit ; en fait, elle pourrait perdurer puisque la contraction des délais de prescription indiquerait aux chefs d’entreprise qu’ils n’auraient à courir qu’un très faible risque financier en persévérant dans la transgression de la loi.»

«Proportionné». François Clerc est un ancien mécano de chez Peugeot. Il a voué une bonne partie de sa vie syndicale - à la CGT - à la lutte contre la discrimination. Et inventé un modèle de courbes croisées infaillible pour révéler les discriminations salariales, si difficiles à prouver devant les tribunaux. «La discrimination est ce qu’on appelle en droit pénal un délit continu : en se prolongeant tout au long de la carrière, les inégalités se cumulent et s’accroissent», explique-t-il. Réparer le préjudice sur les seules cinq dernières années serait donc injuste. Et contraire au droit européen, selon Michel Miné, juriste : «D’après celui-ci, en matière de discrimination, la sanction doit être effective, proportionnée et dissuasive. Ne prendre en compte que les cinq dernières années n’a rien de "proportionné".»

Cinq ans, c’est court aussi pour se décider à porter plainte. «Il faut rassembler les preuves, les témoignages, éplucher les registres du personnel… En moyenne, monter un dossier prend deux ans», rapporte l’avocate Emmanuelle Boussard-Verrecchia, qui a plusieurs fois accompagné des salariés devant les tribunaux.

Les initiateurs de la proposition de loi, eux, parlent dans l’exposé des motifs de «souci de sécurité juridique» et d’harmonisation : si, en 1804, la prescription devant une juridiction civile a été fixée à trente ans (une génération), il existe aujourd’hui 250 délais de prescription différents, de trente ans à un mois. «Les règles de la prescription civile sont inadaptées à l’évolution de la société et à l’environnement juridique actuel», estiment les auteurs, notamment parce qu’«une durée de prescription aussi longue ne semble plus nécessaire dans la mesure où les acteurs juridiques ont un accès plus aisé qu’auparavant aux informations indispensables pour exercer leurs droits».

Pénal. Sécuriser les rapports sociaux en entreprise, c’est aussi une demande récurrente des organisations patronales. Eviter les tribunaux et la loi. Faire confiance aux négociations entre partenaires sociaux. Car aujourd’hui, la jurisprudence est plutôt favorable aux salariés discriminés. Et les sommes que les entreprises sont condamnées à verser peuvent être élevées : «Pour un ouvrier, on est vite à 50.000 €», note l’ancien mécano François Clerc. «Cette proposition de loi est évidemment favorable aux entreprises, explique un juriste. Mais aussi au contribuable. Les contentieux sur trente ans sont très chronophages : réduire la prescription à cinq ans sera du temps gagné pour les juges. De plus, entre les fusions, les rachats… Il est difficile pour une entreprise de se défendre et de faire la preuve de ce qu’il s’est passé il y a trente ans.»

La réduction de la prescription sécurisera-t-elle le monde du travail ? Pas sûr. Limités au civil, salariés et syndicats pourraient préférer porter plainte au pénal, démarche plus lourde en terme d’image pour l’entreprise car plus médiatique. Mieux : même lourde - et sans doute justement grâce à cela -, la menace de sanction financière au civil a favorisé le dialogue social. Depuis la fin des années 90, de grosses entreprises ont ainsi négocié un rattrapage financier pour discriminations syndicales - plus rarement des inégalités touchant les femmes. «PSA, la Snecma, EADS ou Matra ont montré leur capacité à négocier, note Emmanuelle Boussard-Verrecchia. Ce qui fait peur aux employeurs, c’est qu’après les affaires de syndicalistes discriminés arrivent celles des femmes, plus nombreuses. Si cette réforme passe, c’est la génération des femmes arrivées sur le marché du travail dans les années 70 qu’on sacrifie.»

La proposition du sénateur Hyest doit bientôt passer à l’Assemblée. C’est amusant. Car le 25 mars, justement, Xavier Bertrand examinera un projet de loi visant à transposer dans le droit français une directive européenne contre la discrimination. «Un signal fort contre les employeurs qui discriminent, souligne François Clerc. Qui sera vite suivi, si la proposition du Sénat est adoptée, d’un : "Mais rassurez-vous, vous ne risquez rien à le faire !"»

(Source : Libération)
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