Par exemple, cet article publié sur Cyberpresse : Pour fuir «la galère» en France, ils partent à la conquête du rêve anglais. On y parle de Mohamed, Thibaud ou Vladimir, trois jeunes lassés de la situation de l'emploi dans l'Hexagone (petits boulots ou stages à répétition, discrimination, zéro perspective) et ravis de leur expérience à Londres où, même si on en chie, on trouve facilement un job et on peut, si on en veut, rapidement évoluer. Alors que nos recruteurs sont pétris d'élitisme et nos employeurs bardés d'œillères, la méritocratie sans préjugés est effectivement la grande qualité de nos voisins outre-Manche. Mais à Londres - ou même à Dublin - la vie est très chère, l'insécurité la norme, et leur protection sociale n'arrive pas à la cheville de la nôtre. Taisant que beaucoup de «froggies» en reviennent et que de plus en plus de «rosbifs» s'installent chez nous [1], le journaliste assène le coup de massue final : «Ici [au Royaume-Uni], on peut mourir en attendant un rein. En France, on peut mourir de désespoir».
Et nous voilà avec le «toujours mieux que rien» !
Donc, pour Vladimir, mieux vaut rester malade tout en ayant un boulot que de pouvoir se faire soigner en étant sans emploi. Ce protéiforme et fataliste «toujours mieux que rien» qui intronise la «valeur travail» nous est rabâché dès l'enfance, plus encore quand on est issu des classes défavorisées... Les chômeurs connaissent bien la vulgate «mieux vaut un petit boulot que pas de boulot du tout», comme si, d'abord, le travail (enfin, l'emploi) était le centre de l'existence, unique vecteur de «lien social» et de fierté. Etre au chômage est synonyme de honte. Mais à l'heure où sévit le sous-emploi précaire [2], ne pas pouvoir vivre de son labeur n'est-il pas plus honteux ? Même un patron ne conçoit pas de travailler à perte. Alors pourquoi les salariés devraient-ils accepter cet état de fait, comme si nous étions toujours au XIXe siècle ?
Paradoxalement, si le phénomène des «travailleurs pauvres» émeut les Français, la vulgate du bosser pour la gloire - ou simplement l'honneur - continue de sévir. On le voit avec Nicolas Sarkozy qui, parlant des handicapés, dit que «le but, ce n'est pas d'avoir l'AAH, le but c'est d'avoir un travail» : mais quel travail, et pour quel salaire ? On le voit avec le RSA, projet de Martin Hirsch consistant à cantonner un temps des personnes très éloignées de l'emploi entre petits boulots et assistance pour les sortir, à quelques euros près, des statistiques de la pauvreté. Le «toujours mieux que rien», composante du raisonnement travailliste, fait partie d'un masochisme prolétaire qui, sous couvert de normalité, de «courage» ou de «dignité» (en fait, de sacrifice économique), justifient les reculs sociaux et l'exploitation des individus.
Nicolas Sarkozy a choisi le modèle britannique
Un modèle où les chômeurs (qui perçoivent indifféremment 345 € par mois pendant 6 mois maximum) et les bénéficiaires d'aides sociales sont passés au détecteur de mensonge, où 26% des salariés sont à temps partiel (ici, 17%), où le taux de pauvreté frise les 20% (chez nous, 12%), où le degré de bien-être de ses enfants est le plus faible des pays de l'OCDE... Même les investisseurs étrangers déplorent l'état lamentable de ses infrastructures routières et ferroviaires ! [3]
Ayant échoué à séduire Angela Merkel, le voici parti à Londres en héraut d’«une nouvelle fraternité franco-britannique pour le XXIe siècle». Nicolas Sarkozy persiste et signe : pour faire baisser le chômage et orchestrer la fusion ANPE-Assedic, il s'inspire largement des méthodes anglaises. Plus besoin de prendre l'Eurostar !
[1] Si 15.000 Français partent chaque année travailler au Royaume-Uni, qui abriterait aujourd'hui 250.000 «froggies», l'émigration britannique s'est accélérée depuis dix ans : 360.000 sujets de Sa Majesté la quittent chaque année. Plus de 4,5 millions vivent à l'étranger dont 200.000 chez nous. Auxquels on peut rajouter les retraités qui, à la recherche d'une meilleure qualité de vie, viennent s'installer en France. Un exode jugé inquiétant => LIRE ICI…
[2] En 2007, 70% des embauches ont été des CDD (dont une majorité de contrats de un à six mois), l'intérim a progressé de 6,6% (sachant que la durée moyenne d'une mission est de deux semaines), et plus du tiers des emplois créés concerne le secteur des services à la personne (pour une moyenne de 11 à 12 heures travaillées par semaine) => LIRE ICI…
[3] Voir notre article du 15 Janvier dernier => Tony Blair et l'imposture travailliste, bilan accablant d'un modèle porté - à tort - aux gémonies.
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