Le projet nous est vendu comme une «nécessité démographique» alors que l'INSEE a reconnu que la bonne fécondité des Françaises permettait aujourd’hui de ne pas considérer cet argument comme décisif. Qu'à cela ne tienne : puisqu'en réalité il faut travailler plus pour gagner moins, il faudra justifier de 164 trimestres au lieu de 160 pour espérer avoir une pension décente. Et, comme tant d'autres, cette «réforme» sera non seulement injuste mais inefficace.
Injuste, parce que les parcours professionnels sont de plus en plus morcelés, voire réduits : le chômage et la précarité, une tendance lourde entretenue par le patronat et les politiques, gangrènent le salariat à qui on demande de travailler plus longtemps bien que l'emploi ne cesse de se dégrader. De plus, le taux d’activité des jeunes et des seniors reste faible : pour les jeunes, l'entrée dans la vie active est non seulement tardive (études) mais de plus en plus difficile (les employeurs invoquent leur inexpérience pour les cantonner à des petits boulots ou à des stages à répétition) ; quant aux seniors, Xavier Bertrand l'admet, les employeurs n'attendent pas l'âge légal pour s'en débarrasser et, quand ils recrutent, ils discriminent les candidats de plus de 40 ans (trop chers, pas assez malléables). Dans son “Contrat pour la France 2005”, l'ex Premier ministre Jean-Pierre Raffarin constatait qu'en vingt ans la France est devenue «le pays d’une seule génération au travail» : les 25-40. A ce rythme, de plus en plus de personnes savent désormais qu'elles auront du mal à remplir toutes les conditions requises et qu'elles devront se contenter du minimum vieillesse… s'il existe encore.
Inefficace, parce qu'il en faut bien plus pour renflouer les caisses. Tout d'abord, et on le dit haut et fort, le «trou de la Sécu» est un mensonge d'Etat, ce dernier lui étant redevable d'une somme équivalente au budget de la loi Tepa soit plus d'une dizaine de milliards d'euros, à ce jour non compensés. Ensuite, notre système de retraite - et, plus globalement, de protection sociale par répartition - n'étant alimenté que par les revenus du travail, il est mis à mal par le chômage de masse, le sous-emploi et les bas salaires, qui génèrent un inévitable déficit de cotisations.
Il se trouve que, toutes ces années, plus l'emploi s'est dégradé, plus s'est épanoui le capitalisme financier. Dans l'intérêt général, il devient donc impératif de prendre l'argent là où il est en élargissant l'assiette des cotisations sociales (taxer les bénéfices non réinvestis, les stock-options…) et en doublant la taxe sur les revenus du patrimoine et de placement. Enfin, surtout, que les mauvais payeurs - Etat, compagnies d'assurance, entreprises… - remboursent immédiatement ce qu'ils doivent à notre sécurité sociale ! Après, on pourra reparler du déficit des caisses de retraite et de la nécessité de travailler plus longtemps.
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