On est habitué à un président de la République qui, même avant la crise et sur des sujets purement franco-français, n'a jamais obtenu aucun résultat sur le plan économique. Sauf pour les plus riches qui paient de moins en moins d'impôt grâce au «bouclier» fiscal et autres «niches», et pour les affairistes dont les délits financiers sont de moins en moins réprimés. On le sait : c'est pour eux que Nicolas Sarkozy travaille, au détriment de l'argent public qu'il dilapide et de l'intérêt général qu'il sacrifie au nom d'une certaine «modernité», en opposition à cette «pensée unique» qui l'obsède tant...
Mais quand il a dit, la semaine dernière, qu'il a l'impression que les fonctionnaires ne se rendent pas compte de la gravité de la crise, on peut aisément lui retourner le compliment !
Car, en réalité, que propose-t-il ? Du réchauffé et du cher pour un résultat plus qu’hypothétique.
Nicolas Sarkozy invoque des entreprises qui ont «tant de difficultés à recruter» alors qu’elles s'apprêtent à licencier massivement. Par ailleurs, il promet d'être vigilant sur celles qui profiteront de la crise pour réduire leurs effectifs : une petite menace qui ne mange pas de pain. Car «les droits et les devoirs», ce n'est pas pour elles mais plutôt pour les salariés qui iront pointer à l'Assedic dans les mois qui viennent !
330.000 contrats aidés en 2009. Soit 330.000 chômeurs qui sortiront les statistiques grâce à ces emplois à temps partiel et jetables (au moins, les «emplois jeunes» de la gauche s'étalaient sur cinq ans alors que ceux-ci atteignent rarement deux ans, et plus rares encore sont ceux qu'on pérennise à leur issue), réservés à des gens «qui ne sont pas prêts» à retravailler dans le secteur marchand, a-t-il dit. Une erreur de jugement volontairement monumentale, qui justifie la promotion de l'emploi dégradé dans le secteur non-marchand, c'est-à-dire le secteur associatif et surtout public, saigné par les suppressions de postes (éducation nationale, sanitaire & social). Ces emplois précaires et misérables, cautionnés par le RSA de Martin Hirsch, serviront de voie de garage aux intéressés, contraints d'y souscrire contre sanctions même s'ils sont tout à fait capables — et désireux — de travailler à temps complet.
Par contre, ce sera tout bénéf’ pour les employeurs : en 2006, les 358.000 contrats aidés en circulation leur ont permis d'empocher les 8,5 milliards d'€ de contribution de l'Etat : une arme coûteuse pour un piètre résultat en matière de réinsertion professionnelle. Mais Nicolas Sarkozy remet le couvert, car il s'agit de ménager des statistiques défaillantes. Tant pis pour la «mauvaise politique de l’emploi»...
Etendre le CTP. Nicolas Sarkozy a reconnu que la CRP — Convention de reclassement personnalisé — ne marchait pas, son taux de retour à l'emploi étant trop faible (25%). Par contre, il a encensé le Contrat de transition professionnelle qui, selon lui, serait un «dispositif extrêmement puissant» qu'il souhaite élargir… aux frais de l'assurance-chômage, bien sûr.
Mais si la CRP «ne marche pas», outre le fait qu'elle ne s'assortit d'aucune formation qualifiante, c'est d'abord parce qu'il n'y a pas assez d'emplois pour reclasser tout le monde ! Pourquoi serait-ce, comme par miracle, subitement différent pour le CTP alors que les destructions d'emplois seront le lot des mois à venir, réduisant mécaniquement son «efficacité» ? De plus, ces dispositifs ne concernent que les salariés qui font l'objet d'une procédure de licenciement économique : or on sait qu’actuellement, 75% des licenciements sont pour motif personnel.
Quant à son coût, il représenterait 3 milliards d’€ pour l'Unedic s'il bénéficiait à 160.000 personnes ainsi escamotées de la catégorie 1, puisque l'ANPE les place en catégorie 4 (stagiaires de la formation professionnelle).
Revoilà les emplois de service ! Selon le président, qui veut les promouvoir, ils «contribuent puissamment à l'activité économique». Une fois de plus, le RSA servira de tampon à l'emploi en miettes : le RSA est la seule garantie offerte à ces salariés victimes du temps partiel subi et de la précarité, tandis que les employeurs potentiels bénéficieront d'un soutien fiscal immédiat.
Revoilà le travail du dimanche ! Sarko-le-clown nous a refait le coup des Champs-Elysées, puis du soi-disant «volontariat» et du «payé double» alors que sur ces deux points cruciaux, le projet de loi qu'il prépare est totalement évasif.
La fausse «sécurité sociale professionnelle». Avançant une meilleure gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) dans les entreprises, il a promis de faire en sorte que la formation continue bénéficie à ceux qui en ont le plus besoin : une occasion de focaliser les modules sur les métiers dits «en tension» alors qu'il s'apprête à couper les crédits de l'AFF. Il veut également lever les «restrictions» sur les contrats à durée déterminée — qui ne sont pas assez souples — sous prétexte de soutenir l'emploi dans les PME… alors que 75% des embauches se font déjà par ce biais ! Puis il compte faire pression sur les partenaires sociaux de l'Unedic afin que l'indemnisation du chômage soit «plus juste», bien que le patronat qui y siège ne le souhaite habituellement pas, et que son premier ministre compte réduire les cotisations chômage au bénéfice des cotisations retraite.
Enfin, dans ce contexte, le nouveau «Pôle Emploi» et ses «guichets uniques» résoudront les problèmes. Selon lui, il faut tout essayer et «on ne va jamais assez vite»… même en dépit du bon sens !
Pour nous qui connaissons le sujet sur le bout des doigts, les propositions de Nicolas Sarkozy font preuve d'un aveuglement qu'on ne peut assimiler à de l'amateurisme, mais à une réelle volonté de s'exonérer de ses responsabilités en matière d'emploi et de chômage (qui, dans un système économique libéral, n'est pas un problème mais la solution). Pour le président de la République, le plus gros est fait vis-à-vis des banques et des «entreprises stratégiques» : après moi le déluge, et le reste suivra...
Ce discours d'une heure, à moitié lu et fort pénible à supporter (d'ailleurs, dans la salle des fêtes de Rethel, nombreux étaient ceux qui n'applaudissaient pas), lui a servi essentiellement à taper sur le parti socialiste, à expliquer «sans tabou» — mais avec pléthore de couleuvres géantes — le bien-fondé de ses mesures anti-sociales, puis à vanter son action «à tous les coins de la planète» afin de lutter contre la crise (SuperSarko), le tout émaillé d'un humour bidon (M’sieur Sarkozy) et d'un français souvent approximatif. Affligeant.
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