Depuis l'été 2005, sous couvert de modernisme, l'Assedic a adopté une nouvelle organisation dont l'objectif était d'augmenter la productivité des agents en limitant au maximum les contacts physiques avec les demandeurs d'emploi. Plus question d'accueil «en flux» (confronté à un problème, le chômeur ne peut se présenter spontanément à son antenne afin de le régler rapidement dans un face-à-face direct) mais d'accueil exclusivement «sur rendez-vous». Sinon, il se voit orienté vers des outils «télématiques» : téléphone ou internet. Et s'il apporte des pièces pour son dossier, il peut seulement les déposer… dans une boîte aux lettres. Les échanges de courrier se sont donc multipliés : les allocataires n'attendent plus deux heures sur place mais trois semaines chez eux, avec l'angoisse au ventre si les vivres leur ont été coupées.
Quant au 3949, dernier joujou technologique avec ses menus vocaux et ses options labyrinthiques, il est qualifié de «service à distance» par l'Assedic elle-même. Les agents de l'accueil téléphonique sont également soumis à des exigences de productivité (faire vite).
L'ANPE n'est pas en reste : elle a aussi développé toute une batterie de «services à distance» regroupés sous le curieux acronyme de S@D : dépôt de CV en ligne, abonnement aux offres par messagerie, banque de profils, plateformes téléphoniques, télécandidatures sur les emplois proposés, accès à anpe.fr via plusieurs bornes dans les agences ANPE, «visioguichets»... Si le cyber-chômeur peut les utiliser avec grand profit, le chômeur «papier-crayon», qu'il soit non équipé ou dont le niveau scolaire, l'expérience, la facilité d'apprentissage ne sont pas dans la norme exigée, devient victime de cette modernisation triomphante. Ainsi, le chemin de l'exclusion est pavé de bonnes intentions… technologiques.
La mise en place du Pôle Emploi prévoit une nouvelle version des Plateformes de Services Téléphoniques construites sur le modèle aggravé du 3949, et la fermeture de 800 points d'accueil.
La ministre Christine Lagarde a annoncé que 100 «sites mixtes» seront installés d'ici à la fin de l'année, qui verront des agents de l'ANPE et des salariés de l’Assedic travailler dans les mêmes locaux. Pourtant, la fameuse «proximité des services pour les usagers» (pardon, les «clients») mise en avant pour justifier la fusion ne sera pas au rendez vous : il est en effet prévu qu'à terme environ 800 points d'accueil du public soient supprimés.
Les nouvelles Plateformes de Services Téléphoniques (PST) doivent démarrer le 1er décembre dans de nombreuses régions pour un déploiement complet en janvier 2009. Ce qui resterait d'accueil physique dans les unités est destiné à filtrer les demandeurs d'emploi et à les orienter prioritairement vers les services à distance : internet ou 3949. Les entretiens avec un conseiller ne seraient possibles qu'au moment de l'inscription ou bien à l'occasion des convocations, à défaut sur rendez-vous. Cette construction de l'«offre de service» répond à une conception selon laquelle ce n'est pas au chômeur de choisir le moment où il a besoin d'être reçu. Il n'aura pas davantage le choix des services qu'il peut utiliser.
Pire : l'organisation des PST/3949 sera confiée à des agents spécifiques, ainsi transformés en maîtres des rendez-vous de leurs collègues. Cette nouvelle fonction va leur conférer la responsabilité d'accepter ou non un report de rendez-vous, une excuse d'absence, bref : de déclencher éventuellement une procédure de radiation, avec l'obligation d'en informer le DALE (directeur d'agence) et de la transmettre au conseiller concerné. Le tout sous la houlette d'un «superviseur 3949» qui vérifierait si les procédures réglementaires sont bien appliquées.
Dans ce schéma qui va permettre de multiplier les sanctions/radiations, le conseiller est dessaisi de la maîtrise de sa relation avec le demandeur d'emploi. Cet ersatz d'accueil téléphonique a aussi toutes les allures d'un renforcement du contrôle de l'activité des agents, organisé de façon très systématique et sur fond d'intensification des rythmes de travail (puisqu'il n'est pas question d'augmenter les effectifs du nouvel organisme malgré l'explosion attendue du nombre de chômeurs, la suppression de la DRE et le suivi des 600.000 futurs bénéficiaires du RSA). Faute de pouvoir suivre correctement tous les inscrits, il sera question d'en éjecter un maximum.
C'est ainsi que Pôle Emploi compte grandement faciliter la vie des chômeurs.
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