C'est aujourd'hui que l'ANPE et l'Assedic sont devenues le «Pôle Emploi», conformément au souhait d'un Nicolas Sarkozy qui lorgne sur le modèle britannique. Une inauguration discrète car marquée par une grève, hélas peu suivie malgré des tensions palpables et qui devait se poursuivre jeudi, dans un contexte d'engorgement administratif tout à fait préoccupant.
En effet, depuis octobre, des dizaines de milliers de dossiers de primo-demandeurs sont en attente. Il y a un mois, la direction de l'Unedic a reconnu que 95.000 d'entre eux restaient en souffrance au niveau national. Ce à quoi l'embauche hâtive de 200 CDD, le recours aux heures sup’ (sur la base du volontariat…) et la fermeture au public des antennes Assedic (tant pis pour l'accueil qui est déjà déficient…) devaient remédier.
Alors que 64.000 nouveaux chômeurs se sont inscrits en novembre et que les chiffres des mois à venir devraient être tout aussi catastrophiques, les salariés du Pôle Emploi se voient transformés en marins d'un navire qui prend l'eau de toutes parts, chargés d'écoper péniblement leur embarcation avec des écuelles, tandis que le gouvernement garde le silence sur les progrès effectués.
Tous les chômeurs sont touchés
Or — et c'est un signe —, sur nos forums, de plus en plus d'intervenants se plaignent de ne pas percevoir leur allocation en temps et en heure, ou d'erreurs dans le traitement de leur dossier. Notamment ceux qui, exerçant une «activité réduite», peuvent cumuler un maigre salaire avec un complément Assedic et, l'angoisse au ventre, ont enfin reçu leur aumône… un mois après, si ce n'est plus ! Ou bien des chômeurs en fin de droits qui constatent des erreurs de calcul manifestes dans l'attribution de leur ASS. Ou d'autres, plus «chanceux», qui flairent l'indu.
Visiblement, les primo-demandeurs ne sont pas les seuls à pâtir de la panique générale : les publics déjà connus et dont les dossiers doivent subir un examen particulier sont jugés «non prioritaires», tandis que les changements de situation induisent des bévues. Pour obtenir des explications et régler ces problèmes, c'est la croix et la bannière : la stratégie de l'évitement opère à fond. Seuls sont épargnés les chômeurs dont la situation est stable.
Et ce n'est qu'un début !
Outre la saturation de travail, le recours massif aux CDD est, bien évidemment, source de dysfonctionnements. Même si, sur les 200 actuellement à la tâche, l'Unedic a prévu d'en prolonger certains — qui, on l'espère, auront d'ici là acquis un peu d'expérience —, elle compte en recruter 400 autres afin d'éponger les retards jusqu'à fin mars.
Ces personnes, aussi consciencieuses soient-elles malgré leur statut «jetable», sont-elles suffisamment formées ? Sont-elles capables, en si peu de temps, de traiter avec précision — et motivation — des dossiers plus ou moins complexes ? Certes non. Calculer le montant des allocations en ayant une connaissance exacte des mécanismes de l'indemnisation ne s'improvise pas. C'est d'ailleurs ce qui est reproché à cette fusion puisque, dans des délais record, deux métiers totalement différents n'en feront plus qu'un : les agents de l'Assedic bénéficieront d'une formation-commando de 7 jours pour découvrir les joies de l'orientation et du placement, tandis que les conseillers ANPE n'auront que… 4 jours pour s'initier aux subtilités de l'indemnisation !
Les litiges vont donc s'accumuler. Et le chômeur, inquiet voire lésé, devra se démerder avec le tortueux 3949 ou le nouveau site internet — pour peu qu'ils ne buggent pas… —, autant de barrières technologiques qui creuseront le fossé entre sa détresse et un service public aussi désorganisé que déshumanisé. Quoiqu'il en soit, s'il n'a pas les moyens de trouver ailleurs les réponses à ses questions, il devra subir une attente anxiogène. Dans ce contexte de crise la situation risque, rapidement, de s'avérer explosive.
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Commentaires
Confrontées à une augmentation des inscriptions, les Assedic accusent jusqu’à deux mois de retard dans le versement des allocations.
Les couacs s’accumulent dans la préparation de la fusion entre les Assedic et l’ANPE, qui sera effective sur le papier au 1er janvier. Au report du conseil d’administration fondateur de «Pôle emploi» vient s’ajouter une situation d’engorgement dans les Assedic, qui peinent à faire face à l’afflux de demandes.
Début décembre, la direction de l’Unedic a dû reconnaître qu’à la mi-novembre, pas moins de 95.000 dossiers de demandeurs d’emploi restaient en souffrance au niveau national. Mardi, elle s’est voulu rassurante : selon elle, l’embauche de 200 CDD, le recours à des heures supplémentaires et la fermeture des antennes Assedic au public pour permettre aux employés d’abattre plus de travail auraient permis de faire descendre à 66.000 le nombre de dossiers en instance, alors que le «niveau habituel» se situe à 50.000. La direction a également «tenu à préciser que ces retards n’ont pas d’incidence sur le paiement des allocations de chômage» : selon elle, un pré-tri permet de traiter en priorité les dossiers les plus urgents.
«C’est faux, il y a des retards de paiement malgré les journées de fermeture au public !» conteste Patricia Vincentelli, de la CGT des Assedic Alpes-Provence où 10.000 dossiers sont en souffrance, et où le délai pour toucher les allocations grimpe à deux mois. «Un chômeur qui téléphone aujourd’hui au 3949 pour s’inscrire obtient un rendez-vous pour janvier, puis il y a encore un mois de délai de traitement», explique-t-elle.
La situation est pire pour les publics jugés non prioritaires : les intermittents et les personnes en «activité réduite», qui travaillent à temps partiel mais touchent un complément des Assedic. «Cette situation fait monter l’agressivité des demandeurs d’emploi et c’est bien normal, explique la syndicaliste. Comment ils font pour payer leurs factures pendant ce temps ?»
Cerise sur le gâteau, depuis trois ans les chômeurs ne peuvent plus venir spontanément régler un problème. S’ils se déplacent aux Assedic, ils sont orientés vers un téléphone pour prendre un rendez-vous au 3949.
À Rennes, la situation semble moins tendue. Après deux jours de fermeture au public cette semaine et des heures supplémentaires au volontariat le vendredi soir, «le stock de dossiers a bien diminué», constate Estelle Blancher, secrétaire de la CGT de l’Assedic Bretagne. «Mais on donne en ce moment des rendez-vous d’inscription pour la mi-janvier seulement. On ne respecte plus du tout le délai théorique de 5 jours.»
À Rennes et à Marseille, l’engorgement s’explique par une augmentation sensible des inscriptions au chômage depuis septembre, du fait de la crise. Mais les deux syndicalistes soulignent que cette situation est «récurrente» du fait du sous-effectif, même si c’est la première fois que la direction lance un «plan de résorption» des retards. «En réalité, ce n’est pas par souci pour les chômeurs, c’est juste pour être "clean" pour la fusion au 1er janvier, dénonce Estelle Blancher. C’est là que le grand bazar va commencer». «Ça va être la catastrophe», appuie Patricia Vincentelli de Marseille, où l’intersyndical e Assedic et ANPE appelle aujourd’hui à la grève, avant le mouvement national du 8 janvier.
Fanny Doumayrou Répondre | Répondre avec citation |
Pour le pôle emploi, tapez 1, pour le pôle information, c'est zéro Répondre | Répondre avec citation |
Ça démarre bien! A la question «Vous inscrire ou vous réinscrire comme demandeur d'emploi», le site internet unique du tout nouveau Pôle emploi, ouvert depuis la semaine dernière, déclare régulièrement forfait, étouffé par la demande. De quoi faire sourire si la question n'était pas aussi sérieuse.
«La fusion de l'ANPE et des Assedic me semble une bonne chose mais au quotidien c'est vraiment le grand bazar.» Christine (1), qui réside au sud d'Angoulême, demande un emploi depuis novembre 2006 à la suite d'un licenciement économique. Inscrite à l'ANPE et aux Assedic, l'ancienne assistante de direction a recherché tout de suite du travail. Tout en percevant ses allocations. «Tout va bien tant qu'on ne travaille pas. Dès qu'on trouve un travail, qu'on déclare le nombre d'heures travaillées aux Assedic, ça merde. Et ça devient vite ingérable.» Exemple : Christine a travaillé en intérim 30 heures en novembre puis à nouveau 70 heures en décembre. Consciencieusem ent, elle remplit son dossier via le site internet des Assedic. Mais se heurte vite à des situations ubuesques : «On me demande de dire au 30 du mois combien j'ai touché alors qu'en intérim, on ne perçoit son salaire que le 10 du mois suivant ! Idem pour la photocopie de la feuille de salaire. Le problème, c'est que si on ne fournit pas tout ça, on ne perçoit pas le complément auquel on a droit.»
«Tout le système à revoir»
Pire encore, Christine a reçu un mail sur lequel on peut lire : «Nous avons constaté que nous vous avions versé des sommes supérieures au montant de vos droits. Ces sommes doivent nous être remboursées selon les modalités détaillées dans notre courrier»… «Le problème, s'insurge Christine, c'est que je n'ai reçu aucun courrier et que la somme due n'est inscrite nulle part sur le site internet.»
Alors, en début de semaine, Christine s'est rendue aux Assedic de La Couronne pour tenter d'y voir plus clair. «Je suis tombée sur le seul agent en poste - il y avait une file d'attente incroyable - qui en avait visiblement ras le bol de se faire engueuler, qui était très énervé et qui, au final, a été incapable de me fournir la moindre explication, la moindre information sur mon dossier. Je ne lui en veux pas, mais tout le système est à revoir. Et je ne vous dis pas l'ambiance dans l'agence… C'était dramatique avec des gens qui n'avaient plus un sou pour manger et qui étaient confrontés à un pauvre gars pas formé pour ça.»
«Moi, je suis inscrite à l'ANPE et aux Assedic depuis sept ans et depuis sept ans c'est comme ça», décrit Jocelyne (1), une femme seule qui réside à Angoulême. «Je me suis toujours débrouillée pour trouver du boulot. L'ANPE ne m'a jamais fourni une seule piste, une seule adresse. En sept ans, je crois que j'ai fait toutes les usines d'Angoulême, les maisons de retraite, de la restauration, de la photographie… Et à chaque fin de contrat, ça a été le bordel : dès qu'on bosse, ils sont perdus.» Jocelyne vient de décrocher un CDD dans le service d'aide à la personne mais à temps partiel. «Je suis contente mais le bazar va continuer car tous les mois il va me falloir justifier ceci, cela, puisque les Assedic, pardon, le Pôle emploi, doit compléter mon salaire.»
(1) Les prénoms ont été changés à la demande des deux témoins en recherche d'emploi.
Charente Libre Répondre | Répondre avec citation |
"Les chômeurs ne parviennent pas aujourd'hui à s'inscrire à Pôle Emploi tant ils sont nombreux. Il n'y a pas aujourd'hui le dispositif humain et technique qui permet d'enregistrer le nombre de chômeurs nouveaux qui se présentent aux portes de Pôle Emploi", a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse. Le secrétaire général de la CGT a ajouté qu’"il y a donc des salariés qui sont susceptibles en ce moment de perdre des droits au motif de l'absence de moyens pour les inscrire".
Pôle Emploi, le nouvel organisme chargé du suivi des demandeurs d'emploi né début janvier de la fusion ANPE-Assedic, subit "une forte tension" pour cause d'envolée du chômage, avec 75.000 dossiers de demandeurs d'emploi en souffrance et "environ 10 personnes de plus à suivre par conseiller", avait indiqué lundi son directeur général Christian Charpy, tout en jugeant que "les mesures prises permettent de faire face" jusqu'à présent. Souhaitant "redescendre à 50.000 (dossiers) mi-février", M. Charpy avait assuré que ces "retards de traitement" n'engendraient "pas de retard de paiement". Pôle Emploi, qui a eu recours à 200 personnes supplémentaires en CDD fin 2008, "va recruter au premier trimestre 400 CDD équivalents temps plein pour remplacer les personnes partant en formation et recruter par anticipation les remplaçants des 1.200 personnes partant en retraite en 2009", avait-il dit.
Mais le nombre de demandeurs d'emploi inscrits au chômage en catégorie 1, le baromètre de référence, a subitement augmenté en 2008, atteignant 2,11 millions fin décembre soit 11,4% de plus sur un an (+ 217.000). Répondre | Répondre avec citation |
Il évoque «environ 10 personnes de plus à suivre par conseiller» (à notre avis, c'est sous-évalué), ainsi que 75.000 dossiers en retard de traitement à fin janvier. Vu les chiffres de décembre et l'accélération du chômage attendue pour les mois à venir, le marasme ne fait que commencer !
Pôle Emploi, qui a eu recours à un renfort de 200 CDD fin 2008, «va recruter au premier trimestre 400 CDD équivalents temps plein pour remplacer les personnes partant en formation, et recruter par anticipation les remplaçants des 1.200 personnes partant en retraite en 2009», assure M. Charpy, ajoutant : «Les mesures prises permettent de faire face» (???) mais, «s'il y a besoin à un moment d'augmenter la force de travail, nous ferons les demandes au conseil d'administration de Pôle Emploi et au gouvernement». Nous, on se demande comment les erreurs, pénalisantes pour les chômeurs et de plus en plus nombreuses, pourront être évitées.
Autre confirmation intéressante : la crise a fait baisser de «20 à 30% en janvier les offres déposées auprès de Pôle Emploi, après - 15% à - 20% en novembre et décembre», a avoué le directeur général. Aujourd'hui, par exemple, son site internet n'affiche que… 120.477 offres en ligne. L'objectif des deux offres «raisonnables» à proposer à chaque chômeur (2,11 millions d'inscrits en catégorie 1 alors que 80% de ces emplois disponibles sont précaires) est donc inextinguible, à l'instar du retour au «plein emploi» promis pour 2012… Répondre | Répondre avec citation |