En deux trimestres, le capitalisme antisalarial — système vicié qui enchaînait régulièrement les crises avant de provoquer aux Etats-Unis une crise du surendettement, puis la crise financière, économique et sociale majeure que nous subissons aujourd'hui — nous a fait basculer plus de trois ans en arrière, et l'activité a chuté dans des proportions sans équivalent depuis la Seconde Guerre mondiale.
Dans son dernier numéro, Alternatives Economiques évoque «plusieurs années pour regagner le terrain perdu en termes de production et d’emploi». «Le moment de la reprise demeure incertain. Dans le meilleur des cas, nous touchons peut-être au fond de la récession, mais pas à sa fin. Et si les plus optimistes prévoient un retour à une croissance positive avant la fin de cette année, il faudra deux, trois, voire cinq ans pour remonter la pente et retrouver le niveau de production antérieur à la chute», précise lucidement le magazine.
Un décalage ignoré par les politiques
Juan Somavia, diplomate chilien qui dirige l'OIT depuis 1999, n'y va pas avec le dos de la cuillère. Ouvrant la Conférence annuelle des 183 membres de sa vénérable organisation, il a prévenu : «Le monde peut avoir devant lui une crise de l'emploi et de la protection sociale d'une durée de six ou huit ans». «Il y a de premiers signes bienvenus que la récession ralentit, que la chute libre se freine», reconnaît-il. Cependant, il déplore que «les leaders politiques n'ont pas prêté suffisamment d'attention aux implications humaines et sociales du décalage» entre récupération économique et reprise du marché de l'emploi.
«Pourtant, le monde aurait besoin de créer environ 300 millions de nouveaux emplois d'ici 2015, ne serait-ce que pour absorber l'arrivée sur le marché du travail de 45 millions de personnes supplémentaires chaque année», a-t-il relevé. Or, «les choses vont dans la direction opposée» : l'économie mondiale va se contracter de 1,3% cette année, les faillites augmentent de façon «exponentielle» et le chômage risque d'augmenter encore en 2010 et en 2011.
«Le manque d'emploi et de protection sociale nourrit l'instabilité. Les ferments de la violence, de l'agitation sociale, de la tourmente politique prolifèrent», a-t-il mis en garde en faisant appel à une «solidarité minimum avec les personnes les plus vulnérables». Dans ce but, M. Somavia a préconisé aux membres de l'OIT, réunis jusqu'au 19 juin à Genève, d'adopter un «Pacte mondial pour l'emploi» ayant pour priorité de «faire passer en premier les personnes, pas seulement le dire mais le faire». Sera-t-il entendu ? Nous en doutons.
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