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Accueil Social, économie et politique Attention, cette crise en cache une autre !

Attention, cette crise en cache une autre !

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Pour l'économiste Frédéric Lordon, nous ne sommes absolument pas au bout de nos peines : au premier «krach» de 2008 succèdera un second, tout aussi désastreux.

Nous ne sommes pas sortis de l'auberge et le pire est à venir : ce scénario noir, si désagréable à entendre pour une majorité de Français démoralisés sinon aveugles, soigneusement occulté par les politiques, les «experts» et les médias dominants, ne fait pas florès. Pourtant, rien ne sert de faire l'autruche : plus que jamais, soit on l'envisage avec lucidité, soit on y va la fleur au fusil comme les Poilus de 14 sont allés au casse-pipe.

Le complexe de Cassandre

On le sait, Actuchomage est un site de mauvaises nouvelles... «Quand tout va bien, ceux qui disent que ça va aller mal ont toujours tort !», expliquait cet été Frédéric Lordon à Arrêt sur Images. Jusqu'à présent nous, chômeurs dans la merde et aux premières loges pour témoigner de la dégradation du monde, avons joué les oiseaux de mauvaise augure en connaissance de cause. Toutes les prédictions ou les analyses formulées ici par nos soins depuis 2005 se sont, hélas, concrétisées. Deux exemples récents : cette arnaque qu'est le Revenu de solidarité active de Martin Hirsch et Nicolas Sarkozy, imposture monumentale que nous dénonçons depuis plus d'un an (et aujourd'hui, ça ne loupe pas : nombreux sont les «pigeons du RSA» qui viennent se plaindre sur nos forums…); le triste score du million de chômeurs supplémentaires que nous annoncions pour 2009 et qui, malgré les habituelles manipulations statistiques, est en passe d'aboutir.

Actuchomage n'a pas été créé pour vous changer les idées mais pour vous inciter à donner du sens aux vôtres, loin des sentiers (re)battus. Si vous êtes prêts à ce nouvel effort intellectuel, question de ne pas être pris au dépourvu lors des années à venir, installez-vous confortablement afin d'écouter des deux oreilles le «professeur Lordon», directeur de recherche au CNRS, au micro de Daniel Mermet sur www.la-bas.org : comptez une heure de votre précieux temps de cerveau disponible.

Une fois de plus, la démonstration est non seulement limpide mais plaisante, car l'homme ne manque pas d'humour, cette «politesse du désespoir»... Et pour ceux/celles qui l'ignorent, Frédéric Lordon fait partie des rares économistes qui ont prévu cette crise dès 2007.

Après les Trente Glorieuses, les Trente Calamiteuses

A la fin des années 70, suite au premier «choc pétrolier», le capitalisme à papa s'est adapté, opérant une mue et édictant de nouvelles règles. Il s'est «financiarisé», utilisant la spéculation pour engranger des profits colossaux au détriment de la production et son outil principal : le travail. Ainsi a-t-il coupé l'économie en deux, l'une étant «réelle» et à la merci de l'autre, boursière.

La mue fut également sémantique : on n'a plus parlé de capitalisme mais de «libéralisme» (puis de «néo-libéralisme»), usurpant ainsi le sens originel d'une philosophie qui date des Lumières afin de mieux camoufler ses noirs desseins. Au nom de l'idée qu'il se fait de la liberté, afin de jouir sans entraves, ce capitalisme aux dents longues s'est «mondialisé», asseyant ainsi sa domination sur toute la planète. Quand au travail lui-même, au nom d'une «modernité» bassement dogmatique qui n'a pour but que l'optimisation du profit, il a été sournoisement dévalorisé, son droit attaqué sans répit et sa forme majeure, l'emploi, consciencieusement déréglementé, réduit à l'état de variable d'ajustement, donc précarisé sinon détruit.

Et depuis 30 ans, devant ce rapace aussi monstrueux qu'insatiable, nous sommes devenus des grenouilles, selon l'éclairante métaphore de l'écrivain et philosophe Olivier Clerc :

Imaginez une marmite remplie d'eau froide dans laquelle nage tranquillement une grenouille. Le feu est allumé sous la marmite, l'eau chauffe doucement. Elle est bientôt tiède. La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue à nager.
La température continue à grimper. L'eau est maintenant chaude. C'est un peu plus que n'apprécie la grenouille, ça la fatigue un peu, mais elle ne s'affole pas pour autant.
L'eau est cette fois vraiment chaude. La grenouille commence à trouver cela désagréable mais elle s'est affaiblie, alors elle supporte et ne fait rien. La température continue à monter jusqu'au moment où la grenouille va tout simplement finir par mourir et cuire, sans jamais avoir fait quelque chose pour s'extraire de la marmite.
Si la même grenouille avait été plongée directement dans l'eau à 50°, elle aurait immédiatement donné le coup de patte qui l'aurait éjectée de la marmite. Cette expérience montre que lorsqu'un changement s'effectue d'une manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps aucune réaction, aucune opposition.


C'est ainsi que «le capitalisme a gagné», comme l'a déclaré Michel Rocard. Bref, nous sommes cuits !

La dictature des (ir)responsables

Cette énième crise — la plus grave depuis 1929 — est, comme on le sait, la conséquence d'un système économique et financier qui s'est appuyé depuis 30 ans sur un endettement généralisé, et qui a engendré/favorisé des monceaux de «dettes pourries» extrêmement dangereuses.

On a eu d'abord le séisme des «subprimes» (ces crédits malhonnêtes vendus par des commerciaux aux abois à des ménages insolvables, eux-mêmes grandes victimes du gel des salaires, de la précarisation/dérèglementation du travail et de l'indispensable «chômage non accélérateur d'inflation»). Séisme qui s'est propagé à toute la finance et à l'économie mondiales.

Mais cette crise, 100% structurelle, c'est-à-dire inhérente à la configuration du capitalisme, en cache une suivante, et pour bientôt. Car si la finance a tout juste l'air de se ressaisir, s'engraissant à nouveau via la spéculation (copieusement «assistée» par l'argent public octroyé par des états hypocrites qui, non contents de ne rien changer à ce système mortifère, empochent même des intérêts !), même si l'on nous martèle que désormais «le plus dur est derrière nous», les banques sont menacées par de nouvelles dettes financières à retardement issues d'une économie réelle mise à mal par le premier krach : dettes privées des ménages dont les salaires sont trop bas et qui vont à leur tour devenir insolvables à cause d'un chômage persistant; dettes des entreprises fragilisées dans un contexte de croissance molle et de sous-consommation durables, sans compter celles qui feront les frais du système LBO.

On continue de scier la branche !

Face à cette catastrophe annoncée, nos gouvernants restent de marbre. Les relations incestueuses entre les élites politiques et financières, les grands chefs d'entreprises et les médias, cette interpénétration entre castes qui détiennent les pouvoirs, s'agrippent à leurs privilèges et ont tout intérêt à ce que rien ne change, bloquent toute issue salvatrice. Afin de canaliser le mécontentement du petit peuple, ces conservateurs acharnés se contentent de désigner quelques boucs-émissaires en prônant des mesurettes qui ne sont pas du tout à la hauteur du désastre.

On se dirige donc vers un deuxième krach qui nous promet une destruction sociale encore plus massive. Face à l'autisme de nos responsables, indéboulonnables de surcroît, l'impuissance est générale. Pour l'instant les syndicats, plongés depuis longtemps dans la marmite de la grenouille, n'ont toujours rien compris et agissent régulièrement en collabos du pouvoir tandis que la souffrance des individus augmente. Démunis, certains retournent toute cette violence contre eux-mêmes. Pour les années à venir, tenez-vous prêts car nous voici tous embringués dans un rouleau compresseur qui fera d'innombrables victimes.

Jusqu'à ce que ça pète enfin ? On ne sait pas quand : d'ici cinq ans ? Dix ans ? Plus encore ? Auront-ils réussi à nous faire crever d'ici là ? Mais le moment venu, ça va saigner car il faudra «couper les têtes» de tous ces nantis, tyrans, dangereux criminels et autres parasites qui tiennent les rênes du monde et en scient la branche depuis 30 ans.

La seule bonne nouvelle, c'est que le capitalisme a visiblement entamé son agonie (et la nôtre avec, hélas). Mais son effondrement, envisagé par Rosa Luxemburg dès 1912, n'est peut-être pas une lubie. L'Histoire nous le dira. Elle est en marche, et nous y sommes plongés jusqu'au cou.

Sophie Hancart
Mis à jour ( Samedi, 28 Février 2015 15:43 )  

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