Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Ainsi, en été 2008, le rapport Cahuc, Cette et Zylbenberg, commandé par Matignon, concluait que le Smic n’est pas «un moyen efficace pour réduire la pauvreté et les inégalités» (!!!) et suggérait de «s’appuyer sur des mesures fiscales et des prestations sociales ciblées plutôt que sur un salaire minimum élevé et uniforme»...
D'abord, nos 2,6 millions de Smicards apprécieront le caractère «élevé» des 1.331 € bruts mensuels que leur octroient leurs employeurs pour un boulot à plein-temps (on vous épargne le train de vie somptuaire de ceux qui subissent le temps partiel…). Ensuite, MM. Cahuc, Cette et Zylbenberg semblent ignorer qu'en matière de fiscalité, le gouvernement s'emploie à supprimer les niches qui soulagent les plus modestes. Enfin, vous l'avez compris, ce rapport fut non seulement l'occasion d'asseoir le bien-fondé du RSA en tant que substitut à un salaire minimum désormais jugé obsolète et, de ce fait, menacé de "réforme", mais surtout de faire admettre la nécessité de transférer une part grandissante du coût du travail des entreprises… vers la collectivité.
On prend les mêmes, et on recommence !
Alors que le gouvernement s'apprête à dévoiler, d'ici une quinzaine de jours, sa décision concernant le taux de revalorisation annuel du Smic, un nouveau rapport remis au ministre du Travail Xavier Darcos vient conforter cette idéologie. Elaboré par le «groupe d'experts sur le SMIC» désigné début mai dans le cadre de la réforme du salaire minimum inscrite dans la loi sur les revenus du travail de décembre 2008, il «recommande[nt] à l'unanimité que la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance devant prendre effet au 1er janvier 2010, corresponde à la stricte application des mécanismes légaux». En clair : zéro coup de pouce ! Dans un «contexte conjoncturel encore fragile, (...) il ne faudrait pas compromettre la santé économique et financière des entreprises», figurez-vous.
Et parmi les cinq économistes qui ont pondu cette merveille, on retrouve Gilbert Cette, directeur des études économiques de la Banque de France. Ses acolytes, dont on peut douter de l'indépendance, étant Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique, Martine Durand, directrice adjointe de l'emploi à l'OCDE, Francis Kramarz, directeur du Crest, et Etienne Wasmer, professeur à Sciences Po.
Le Smic, bouc émissaire
Il est évident que, pour lutter contre la pauvreté et l'endettement des ménages, pour éviter à ces millions de gens de devenir des "assistés" à stigmatiser en période pré-électorale, il suffirait d'augmenter leurs salaires ! D'ailleurs, de nombreux économistes - dont Paul Jorion et Frédéric Lordon, pour ne citer qu'eux - ont pourtant démontré que la "modération salariale" instaurée depuis vingt ans est en partie responsable de la crise. Depuis vingt ans, les travailleurs sont sommés de sacrifier leurs émoluments à la bonne marche de l'économie : avant la crise, il fallait contenir l’inflation; au cœur de la crise, y’a plus de pognon.
Droits dans leurs bottes, ces éminents "experts" à la solde de l'UMP et du Medef plaident pour une «gestion prudente du Smic articulée à une politique de maîtrise des coûts salariaux», jumelée à «une politique appropriée de soutien au revenu du travail des familles pauvres». En effet, clament-ils, «les politiques de soutien au revenu du travail [prime pour l'emploi, RSA…] ont contribué de façon très significative à la progression du pouvoir d'achat des salariés rémunérés au Smic au cours des dix dernières années». Pour eux, «les dernières études de l'OCDE démontrent que les prestations liées au travail sont nettement plus efficaces que le salaire minimum pour lutter contre la pauvreté, car mieux ciblées sur les ménages pauvres».
L'imposture est énorme : alors que les salaires sont désespérement bas et ne permettent plus de vivre, pas question d'y remédier, bien au contraire ! Puisqu'une revalorisation du Smic serait préjudiciable à la compétitivité des entreprises, seul un «assistanat» tous azimuts est envisageable afin de compenser sa faiblesse, le plus gros du gâteau étant destiné… au patronat. «Les allégements de cotisations sociales ont fait la preuve de leur efficacité et doivent par conséquent être maintenus», osent affirmer ces économistes. Pourtant, ces exonérations au nom de l'emploi sont un puits sans fond : elles ont coûté cette année 32,6 milliards d'euros à l'Etat et à la Sécurité sociale; même la Cour des Comptes conteste leur efficacité !
Ce qui est bon pour une poignée ne l'est pas pour la masse
Pour les employeurs, les cadeaux fiscaux continuent de pleuvoir : fin de la taxe professionnelle, baisse de la TVA des restaurateurs... Pour nos 15% de Smicards (englobés dans l'ensemble des travailleurs qui gagnent moins de 1.510 € par mois, c'est-à-dire 50% du salariat français), pas question de revaloriser quoi que ce soit : l'indécence salariale reste de mise, avec à la clé une augmentation… des impôts.
Il n'y a qu'au gouvernement que les augmentations de salaires sont encouragées ! Alors que le chômage explose et tire toujours plus les rémunérations vers le bas, dans les cabinets ministériels, les personnels ont vu les leurs augmenter de 56,8% et leurs effectifs de 11% entre 2008 et 2009.
Le gouvernement ne connaît pas la crise et les Smicards, eux, n'ont qu'à aller se brosser. L'indécence illimitée est bien la marque de fabrique du sarkozysme.
SH
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