Avec la crise et l'absence quasi totale d'emplois, le chômage de longue durée (un an et plus) a bondi, représentant 40% des inscrits à Pôle Emploi, soit 947.000 personnes au 3e trimestre 2009 contre 760.000 sur la même période en 2008. Fin novembre, le nombre de chômeurs en fin de droits avait déjà augmenté de 35,2% en un an. Le 14 décembre, la direction des statistiques, enquêtes et prévisions de Pôle Emploi a remis aux partenaires sociaux un document prévoyant leur nombre à 1 million pour cette année, véritable bombe à retardement passée plus ou moins à la trappe, comme tout ce qui concerne l'actualité sociale depuis l'élection de Nicolas Sarkozy. Une omerta qui s'est accentuée depuis le début de la crise !
600.000 laissés-pour-compte
Sur ce million de chômeurs en fin de droits prévus pour 2010, quelque 17% - soit 170.000 individus - seront théoriquement éligibles à l'Allocation de solidarité spécifique (environ 450 € par mois, versés par l’Etat sous condition de ressources du ménage). En octobre dernier, ils étaient seulement 311.200, cependant la direction des statistiques de Pôle Emploi estime à 149.000 le nombre d’entrées à l'ASS en 2009 : cherchez l'erreur...
Tous les autres, ceux qui ne justifient pas de 5 années d'activité salariée sur les dix dernières années, s'ils ont plus de 25 ans et vivent seuls ou ont un conjoint lui-même pauvre, iront demander le RSA (ex-RMI, environ 400 € par mois versés par la CAF sous condition de ressources et de patrimoine encore plus drastiques). On évalue à 23% - soit 230.000 personnes - les "chanceux" qui pourront rejoindre le bataillon des 1,2 million d'allocataires actuels.
Au total, sur le million de personnes qui vont cette année sortir de l'Assurance chômage, moins de 40% pourront bénéficier de ces misérables revenus de remplacement. Ce qui signifie que quelque 600.000 personnes risquent de ne rien percevoir du tout, soit parce que leur conjoint travaille et gagne "trop" (à partir de 1,04 Smic…), soit parce qu'ils sont trop jeunes.
Hé-hé, Zorro est arrivé !
Mais voici que Laurent Wauquiez, agitant le spectre des fameuses offres d'emploi non pourvues, propose une solution imparable : «L’objectif, c’est "zéro offre d’emploi vacante pendant la crise". En clair, toutes les offres d’emploi devront être pourvues dans les secteurs en tension», a-t-il déclaré au Parisien. Hélas, à ce jour, Pôle Emploi n'a que 123.000 offres en ligne à proposer, dont beaucoup sont plus que précaires, en doublon ou carrément obsolètes. Même souci pour la concurrence : selon le baromètre Keljob de mai 2009, le nombre d'offres d'emplois disponibles sur le Net avait déjà chuté de 52% depuis septembre 2008 ! Entre temps, la situation s'est considérablement dégradée.
Pour les futurs exclus de tout minima social, Laurent Wauquiez invoque la responsabilité des partenaires sociaux alors que ceux-ci, convention Unedic après convention Unedic, n'ont eu de cesse de réduire les droits des chômeurs.
Xavier Bertrand n'est pas en reste. L’ancien ministre du Travail suggère de créer un dispositif spécial pour aider les chômeurs en fin de droits à retrouver un emploi... qui n'existe pas ! «Pour les chômeurs en fin de droits, qui seront sans doute moins nombreux que le million pronostiqué par l’Insee, pourquoi ne pas créer un dispositif spécifique pour les ramener vers l’emploi ? Il existe bien des primes versées aux employeurs pour certaines embauches de jeunes», a-t-il avancé. L'emploi indigne à coût zéro pour l'employeur et subventionné par la collectivité, l'UMP s'y connaît !
Misère, misère...
C'est beau l'impuissance et la manière dont nos politiques escamotent leur incompétence ! En attendant, pour Xavier Timbeau, Directeur adjoint de l'OFCE, la crise «est en train d'accélérer la paupérisation». Selon les premiers résultats d'une étude sur son impact, non seulement elle va accélérer la «dualisation» du marché du travail - c'est-à-dire contribuer à accroître les écarts entre ceux qui ont encore un emploi stable et cette armée de réserve que sont les précaires -, mais entre 500.000 et 1 million de personnes seront passées au-dessous du seuil de pauvreté (880 € par mois) entre 2008 et 2010. Des chiffres, à notre avis, largement sous-estimés.
La décroissance n'est donc pas une utopie qu'il est de bon ton de rejeter : Pour beaucoup, en 2010, elle deviendra concrète… et forcée.
S. H.
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