Au détour d’une loi sur les chambres de commerce et des métiers portant sur «la fourniture de services de placement», le gouvernement a réussi à démanteler encore un peu plus la protection des chômeurs. Pour Sylvette Uzan-Chomat (SNU-Pôle Emploi), « il s’agit d’un véritable retour au XIXe siècle. En 1904, une loi avait limité le champ des activités que l’on pouvait simultanément exercer, interdisant par exemple de cumuler débits de boisson, restauration, hébergement et placement. À cette époque d’exode rural, il n’était pas rare que les chômeurs soient logés par les placeurs, ce qui donnait lieu à leur sur-exploitation. Et lorsqu’on regarde les motivations du texte, qui sont d’améliorer la mobilité des travailleurs en Europe, on peut craindre que le placement ait pour condition de loger dans telle ou telle chaîne d’hôtel ».
Car, avec ce texte, il n’y a plus aucune limite. En 2005, une loi avait déjà entamé le monopole de l’ANPE sur le placement des chômeurs en autorisant les agences d’intérim à proposer des CDI. Mais ce premier texte faisait la distinction entre service public de l’emploi et secteur privé. En outre, il ne pouvait s’agir d’une activité lucrative. Et si les cabinets de conseil en recrutement et certaines officines pouvaient se livrer à ce type d’activité, c’était bien à condition qu’il s’agisse de leur activité principale.
Le chômeur, une marchandise comme une autre
Plus rien de tout cela dans la nouvelle loi : «Dorénavant, n’importe qui pourra faire du placement de demandeurs d’emploi», explique Sylvette Uzan-Chomat. Et le texte prévoit même que cela pourra être une activité lucrative. La rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale, Catherine Vautrin, maîtresse en novlangue, écrit : «Le texte du projet de loi enrichie (sic) cette définition en prévoyant que cette activité peut être exercée à titre lucratif». À défaut d’enrichir la définition d’activité de placement, on peut être sûrs que les officines qui profiteront de la loi verront leurs profits augmenter considérablement. Pire, les déclarations préalables obligatoires pour l’exercice de placement sont supprimées et, par conséquent, le contrôle que pouvait exercer à cette occasion l’Inspection du travail n’existe plus non plus.
La motivation du texte est, comme souvent, l’application en France de directives européennes, en l’occurrence la fameuse directive Bolkestein sur la libéralisation des services, que la population avait majoritairement refusée et qui est revenue par la fenêtre. Mais, là encore, le gouvernement se moque ouvertement de nous. Il se trouve que, justement, le placement des chômeurs — comme la santé ou les jeux de hasard — faisaient partie des exceptions qui ne tombaient pas sous le coup de la directive. Le pouvoir va beaucoup plus loin, il ne connaît aucune limite pour contenter les capitalistes.
En attendant, les salariés de Pôle Emploi viennent d’apprendre de leur ministre de tutelle, Laurent Wauquiez, que leurs effectifs seront réduits de 1,5 % par an à compter de 2011, puisque le non-renouvellement d’un départ à la retraite sur deux leur sera appliqué. Sans compter qu’à la fin de l’année, un millier de CDD embauchés pour faire face au surcroît de travail arriveront à échéance, sans espoir de titularisation.
Pendant ce temps-là, la BCE annonce que le chômage, qui est passé dans la zone euro de 7,8 % en mars 2008 à 10 % en mai 2010, « devrait rester élevé ». Décidément, les années 2010 ressemblent de plus en plus aux années 1930...
(Source : NPA.org)
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