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1993 : le chômage passe la barre des 3 millions. En octobre 1995, sous Chirac, le rapport de la commission Boissonnat (créée par Edouard Balladur) préconisa une réduction du temps de travail de 20% à 25% en 20 ans, ouvrant ainsi la voie à la semaine de 32 heures et à la semaine de 4 jours, modulable sur l'année. Le 11 juin 1996, la loi Robien (co-rédigée par le député UDF Gilles de Robien et un certain Pierre Larrouturou, économiste) est votée : elle propose des allègements de "charges" aux entreprises qui baissent le temps de travail moyen de leur effectif d'au moins 10% et réalisent un nombre d'embauches équivalant à 10% de leur effectif. Ces allègements peuvent ainsi compenser la baisse de salaire des employés dont le temps de travail a diminué, suivant les accords signés aux seins des entreprises. Parmi les bénéficiaires de cette loi, on trouve le Crédit Lyonnais.
A l'arrivée de la gauche au pouvoir, Martine Aubry, ministre du Travail, est chargée de mettre en place les 35 heures, idée initialement proposée par Dominique Strauss-Kahn. Entraînant la non-reconduction des accords Robien sur les 32 heures, les lois "Aubry I" puis "Aubry II", votées entre 1998 et 2000, ont fixé la durée légale du travail à 35 heures et prévu des allègements fiscaux pour les entreprises qui embauchent ou préservent des emplois.
Une loi vidée de sa substance
Mais, comme l'explique l'économiste Jean-Marie Harribey, «dès la seconde "loi Aubry", le ver avait été introduit dans le fruit, puisque le Medef avait obtenu la suppression de la clause faisant obligation aux entreprises de créer 6% d’embauches pour pouvoir bénéficier des allègements de cotisations sociales attribués en compensation de la RTT pour les entreprises. Dès lors, l’effet de création d’emplois permise par la RTT était considérablement amoindri, puisque les gains de productivité absorbaient le passage aux 35 heures. Mais l’arrivée au pouvoir en 2002 du gouvernement Raffarin, suite à la seconde élection de Chirac à la présidence de la République, allait aggraver les choses de plusieurs manières»... Lire la suite ici.
Ainsi, les 35 heures sont-elles devenues inefficaces en matière de lutte contre le chômage et ruineuses pour l'Etat : chaque année, 15 milliards d'euros vont dans la poche des entreprises sans contrepartie sur la création d'emplois, en quantité comme en qualité. En outre, la loi "Aubry II" a annualisé le temps de travail (ce qui a flexibilisé les salariés) et autorisé l'exclusion des temps de pause de son calcul.
Dès 1998, Pierre Larrouturou revient à la charge. Détectant les multiples failles et concessions au patronat des lois Aubry, il publie “35 heures : le double piège”, qui deviendra “Pour la Semaine de 4 Jours – Sortir du piège des 35 heures” (La Découverte - 1999).
1,6 millions d'emplois
Pierre Larrouturou fut adhérent au Parti socialiste de 2002 à 2009. Lassé de l'attitude de ses dirigeants, il anime aujourd'hui les discussions sur le temps de travail à Europe Ecologie-Les Verts. Conseiller régional en Ile-de-France, il défend toujours la semaine de 4 jours à la carte, qui suppose de passer à une moyenne de 32 heures de travail hebdomadaire tout en maintenant le taux d'activité de l'entreprise. Pour cela, elle doit embaucher en CDI l'équivalent d'au moins 10% de ses effectifs, ce qui lui permet de continuer à tourner 5 jours et d'être exonérée de cotisation chômage, soit 8% de sa masse salariale. Une exonération qui compense le coût des embauches. Donc une manœuvre qui ne coûte rien à l'entreprise… ni aux caisses d'assurance chômage, qui n'ont plus à verser les indemnités des chômeurs embauchés. Actuellement, la semaine de 4 jours est une réalité pour quelque 400 PME françaises.
En plus d'avoir un coût nul et un effet direct sur l'emploi, cette mesure, si elle avait été généralisée, aurait eu un effet positif sur la consommation, sur l'entreprise, sur les finances publiques et même l'environnement. Selon une étude du ministère du Travail de 1997, elle pourrait créer 1,6 millions d'emplois.
La réduction du temps de travail et la hausse exponentielle des gains de productivité sont une tendance fondamentale des pays développés. Comme le rappelle sans cesse Gérard Filoche, ce sont les pays les plus pauvres qui ont les durées du travail les plus longues. Or, depuis trente ans, cette productivité profite de plus en plus aux actionnaires; de moins en moins à l'investissement et, surtout, aux travailleurs eux-mêmes. Rétablir une plus juste répartition des richesses est crucial : baisser le temps de travail sans perte de revenu fait partie du processus. Et à l'instar du salaire à vie défendu par l'économiste Bernard Friot, la semaine de 4 jours n'est pas une lubie de "gentils allumés" mais un enjeu civilisationnel avant-gardiste, porté par des individus plus éclairés que la moyenne.
SH
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Commentaires
Et Monsieur voudrait enlever un jour de travail (soit 4 au lieu de 5).
!!!!! Faut arrêter de boire, messieurs les politiques !!!!! Répondre | Répondre avec citation |
De l'autre : "Et Monsieur voudrait enlever un jour de travail (soit 4 au lieu de 5)."
Il est prouvé que la loi Tepa sur les heures sup’ défiscalisées (qui coûte plusieurs milliards par an à l'Etat) joue en défaveur du chômage.
Si l'on pousse jusqu'au bout le raisonnement des 35 heures (travailler moins sans diminution de salaire et avec obligation d'embaucher) avant que la loi Aubry II, sous la pression du patronat, ne les dénature, pourquoi ne pas descendre à 32 heures ? Il faut partager le travail, et que le patronat redistribue ce qu'il nous vole depuis trente ans. Répondre | Répondre avec citation |
Témoignage récent d'un chef d'entreprise (2007):
« Co-dirigeant d'une entreprise de 44 personnes, j'ai eu la chance de rencontrer Pierre LARROUTUROU en 1994. J'ai mis en place un de ses concepts "la semaine de 4 jours" (création d'emplois par la réduction du temps de travail-loi expérimentale de Juin 1996). Après quelques mois d'étude avec le personnel pour réorganiser l'entreprise (ouverture 6 jours par semaine mais 4 jours de travail pour les salariés, la mise en place s'est effectuée avec une incroyable énergie et avec des résultats financiers inespérés. La très grande leçon de cette "aventure" c'est la découverte de la capacité de tous les salariés à trouver des solutions concrètes aux problèmes de l'organisation de chaque service dans la mesure où ils sont impliqués dans le projet. » Répondre | Répondre avec citation |
Chef d'entreprise (2009):
Entreprise de services de comptabilité - 200 salariés:
"Les 33 Heures en 4 jours je les ai mises en place. 10 % d'embauche.
Certains (nes) ont pris le lundi, d'autres le mercredi (pour les enfants) d'autres le vendredi. Les réunions du personnel (information, formation) se faisaient le Mardi ou le Jeudi. L'encadrement parfois, si nécessaire, se réunissait un autre jour.
Certaines qui étaient en temps partiel ont sauté sur l'occasion pour prendre un temps plein avec le mercredi a la maison avec les enfants .
Quelques rares (hommes) ont ralé car ils disaient s'ennuyer a la maison … Sans doute avaient ils du mal a supporter leur femme …(là je suis moqueur, mais c'étaient les gens les plus " fermés ", pas les plus dynamiques).
Les salaires ont été bloqués 2 ans, mais avec les économies de frais de transport et de frais de garde des enfants la plupart des salariés s'y retrouvaient.
… Répondre | Répondre avec citation |
"Moins d'arrèts maladie (bon pour la sécu). Et même moins de frais de téléphone : 1/5 en moins …
Plus de productivité qui nous a fait gagner des parts de marché et améliorer les résultats et les salaires (2/3 des salariés syndiqués, cela motive un patron pour discuter).
Les discussions étaient parfois dures, mais franches et cela finissait toujours par un pot. Je savais que quand il y avait accord, cela suivait derrière.
Alors je ne comprends pas ceux qui sont contre la semaine de 4 jours par principe.
Je comprends ceux qui restent dubitatifs, car il faut l'avoir vécu pour comprendre.
Je rajoute que l'on a écarté la semaine de 4 jours et demi car cela imposait des frais de déplacement correspondant a ceux d'une semaine de 5 jours, et cela aux dépens des salariés et aussi rendait plus difficile l'organisation de la vie de famille.
… Répondre | Répondre avec citation |
"De plus chacun (e) pouvait rallonger (un peu) certaines journées de travail et raccourcir d'autres. De même si l'employé souhaitait pour des raisons d'organisation du boulôt (impératifs de date),
travailler 5 jours une semaine par mois (exceptionnelle ment 2), il le pouvait, et il récupérait ensuite bien sur, et cela lui permettait de faire face a des imprévus tant au boulot qu'à la maison. Il y avait bien sur des limites, suivant les saisons, les réunions de travail communes, mais le calendrier était prévu longtemps a l'avance, au mini 2 mois." Répondre | Répondre avec citation |
www.dailymotion.com/video/x10v9bb_un-patron-4-jours-de-travail-semaine-ca-marche_news#.UcMl49h4_Kc Répondre | Répondre avec citation |