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Accueil Social, économie et politique Décidément, travailler est une bien piètre façon de gagner sa vie

Décidément, travailler est une bien piètre façon de gagner sa vie

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Capturée sur la page d'accueil du site d'une l'émission télévisée, cette accroche publicitaire m'a aussitôt fait penser à Gérard Mestrallet, qui vient d'empocher 584.000 euros en une journée sans verser une goutte de sueur (tout juste, peut-être, dans une bouffée d'avidité, a-t-il eu les mains moites).

Monsieur Mestrallet est le PDG du groupe français d'énergie GDF-Suez. Mais avant d'y revenir, intéressons-nous à la pub ci-contre, désavouant le slogan le plus célèbre de l'homme qui, grâce à cette monumentale imposture, réussit voici quatre ans à se faire élire à la tête du pays. Hélas, il semble qu'une imposture en vaille bien une autre.

Au moment où je rédige ces lignes, elle figure en page d'accueil du site de "Ce soir ou jamais". Sinon, c'est «David, 32 ans, commercial», qui se vante d'avoir «fait 3.500 € le mois dernier avec le Forex». Forex = FOReign EXchange market ou "marché des devises".

Bien sûr, j'ai cliqué dessus. Et voilà ce que ça donne.
En quelques leçons via un "kit d'apprentissage", Devenez un Vrai Trader ! nous dit-elle, TANT IL EST VRAI QUE LE TRAVAIL NE PAIE PLUS... Pour compenser cette lacune à laquelle personne ne souhaite remédier, on réactive le fantasme de la fortune-éclair. Sauf qu'ici, ça en jette un peu plus que le Loto.

Le RSA "activité" des winners

Attention, il ne s'agit pas de quitter son emploi mais d'améliorer ses fins de mois, même si ce "temps libre" exploité de la façon "la plus lucrative au monde" pourrait, à terme, vous y inciter... Voyez Gérard Mestrallet : bien qu'il puisse se le permettre (nous y reviendrons), il ne cèdera pas son siège. Pour lui, c'est une question de prestige… et d'opérations hautement lucratives à renouveler tant qu'il restera en poste.

Pour l'apprenti-trader, même très doué, garder son emploi est aussi une question de prestige. Car être chômeur et jouir de la solidarité nationale ou toucher un RSA "activité" pour compléter son misérable salaire, c'est tellement dégradant. Non ! Autant "conquérir le marché" et jouir des mouvements spéculatifs (dont les conséquences sont, au final, assumées par la solidarité nationale, que ce soit en revenus de transfert ou en opérations de sauvetage. Mais comme cela se passe de manière indirecte et que le futur trader en herbe ne fait pas le lien, il n'éprouve aucune culpabilité. Pire : il n'y voit rien de déshonorant, trouve ça "moderne" et plutôt ludique, hein).

C'est vrai : quand on voit les bonus que ces messieurs se palpent, ça met en appétit et on se dit qu'on pourrait bien essayer d'en croquer un petit bout. Après tout, ils font partie du club très fermé des winners que la crise n'a même pas touchés et dont Gérard Mestrallet est membre.

44 années de Smic en une journée

Gérard Mestrallet, 61 ans, arrivait déjà en tête du palmarès des plus gros salaires de pédégés des groupes publics avec 3,3 millions gagnés en 2009. Mais plus on en a, plus il en faut. Jeudi 13 janvier — qui fut tout sauf noir pour ce fin boursicoteur —, Monsieur Mestrallet a exercé ses stock-options en acquérant 39.977 actions GDF-Suez au tarif unitaire préférenciel de 12,39 € pour les revendre aussitôt au prix du marché, soit 27 € pièce, empochant illico 584.453 euros. Quel virtuose ! Dire que tant d'abrutis s'échinent une vie entière pour un même résultat... A quelques encablures de la retraite, grâce aux largesses de son entreprise et aux miracles de la Bourse, Monsieur Mestrallet ne finira pas sur la paille.

D'ailleurs, Gérard Mestrallet adore ses actionnaires (dont l'Etat français, qui passent avant le désendettement de son groupe et, cela va sans dire, avant ses salariés) : avec 20,3 milliards reversés pour un taux de redistribution de dividendes de 69%, GDF-Suez est le troisième fleuron du CAC 40 qui les a le mieux bichonnés ces cinq dernières années derrière Total, rentier du pétrole, et France Télécom, expert en suicides.

Pour relancer l'économie, dire qu'il y a des fâcheux comme Frédéric Lordon, qui propose de fermer la Bourse et d'en finir avec la finance actionnariale. Que tous les parasites, petits ou gros, se rassurent : c'est pas demain la veille !

Sophie Hancart

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Mis à jour ( Vendredi, 21 Janvier 2011 08:33 )  

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