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Danger de récession au Royaume-Uni

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Trop d'austérité tue la croissance. La leçon est claire et c'est le gouvernement britannique qui nous la donne : pour réduire les déficits publics, mieux vaut augmenter les impôts que réduire la dépense.

Le produit intérieur brut britannique a reculé de 0,5% au quatrième trimestre 2010 par rapport au trimestre précédent. La nouvelle est passé relativement inaperçue en France. Pourtant, elle concerne au premier chef notre pays et devrait avoir une incidence forte sur les actuels débats de politique économique.

Que le PIB britannique ait reculé n'est en fait pas un sujet d'étonnement. Seuls les analystes ont été surpris : ils pensaient que l'augmentation du taux de TVA (passé de 17,5% à 20% le 4 janvier dernier) allait susciter des achats anticipés importants. Ces derniers n'ont pas eu lieu, tout simplement parce que le tour de vis sur les dépenses publiques — forte réduction de l'équivalent britannique des prestations familiales, division par deux des aides au logement et relèvement sensible des loyers HLM, multiplication par deux des frais d'inscription en université, etc. — a été plus important encore. Au fond, la sensible réduction de la dépense publique (près de 2% de moins au cours du dernier trimestre) a plombé la demande globale. Et cela risque de ne pas s'arranger cette année, puisque 2011 va voir la suppression de 250.000 postes de fonctionnaires sur un total annoncé de 500.000, et une compression supplémentaire de 4% de la dépense publique, soit environ 30 milliards d'euros. Si bien que l'on s'attend à ce que le Royaume-Uni retombe en récession en 2011.

Or cela nous concerne. Non pas par l'effet d'entraînement que cette baisse probable des importations britanniques risque d'avoir sur l'économie française, somme toute assez faible. Mais par la leçon de choses que cette dégradation de l'économie britannique devrait susciter de ce côté-ci de la Manche, leçon qui peut se résumer ainsi : pour réduire le déficit public, la hausse des impôts est préférable à la baisse des dépenses publiques.

En effet, lorsque ces dernières diminuent, elles exercent un effet dépressif immédiat quasiment à 100% sur l'économie : seules les dépenses consacrées (directement ou indirectement) à des importations de biens ou de services n'exercent pas d'effet dépressif. Ainsi, les primes à la casse versées aux propriétaires de vieilles voitures achetant des véhicules neufs sont, pour une part, «perdues» pour l'économie nationale si les voitures neuves achetées sont importées. Mais la plupart des dépenses publiques consistent en salaires, prestations sociales ou subventions de fonctionnement dont la dépense alimente essentiellement l'économie nationale, même lorsqu'il s'agit de dépenses contestables, comme la détaxation des heures supplémentaires. On peut résumer cela en disant que la dépense publique alimente quasiment à 100% la demande intérieure. Celle-ci est donc réduite presque d'autant quand la dépense publique diminue.

En revanche, les augmentations d'impôts ont un effet proportionnellement bien moindre sur la demande intérieure. S'ils frappent préférentiellement les ménages à pouvoir d'achat élevé, c'est alors leur épargne qui diminue, mais pas leurs dépenses. S'ils frappent tous les ménages (comme c'est le cas pour la TVA), ils frappent autant les produits importés que les produits nationaux, donc leur effet sur la demande intérieure est proportionnellement moindre.

La leçon est claire : si l'on souhaite que la réduction du déficit public – nécessaire – exerce le moins d'effet récessif possible sur l'économie, mieux vaut augmenter les impôts que réduire la dépense. Et mieux vaut augmenter les impôts progressifs, pesant plus lourdement sur les mieux lotis, que les autres. Surtout lorsqu'on s'aperçoit que plus de moitié de l'actuel déficit structurel — celui qui n'est pas dû à la situation conjoncturelle (la crise) — provient des baisses d'impôts effectuées depuis 2004 : le total des prélèvements obligatoires alors effectué par l'Etat s'élevait, cette année-là, à 16,3% du PIB contre 13,7% en 2008, avant que la crise ne commence à faire sentir ses effets. Ces 2,6 points de ressources perdues représenteraient aujourd'hui 50 milliards d'euros, soit à peu près l'équivalent du déficit structurel (55 milliards en 2008).

C'est une leçon que David Thesmar, membre du Conseil d'analyse économique, celui qui est souvent présenté comme un des plus brillants économistes de la jeune génération, semble ignorer. Interrogé par Les Echos du 26 janvier à propos des hausses d'impôts, il répond : «Dans un pays où le taux de prélèvements obligatoires dépasse les 40%, il faut arrêter de réfléchir en termes d'impôts supplémentaires. […] Les Français doivent être sensibilisés au fait que certaines politiques publiques ne peuvent plus être intégralement financées par l'Etat (aides au logement, santé, etc.)». Ces deux exemples sont intéressants : augmenter le coût du logement ou de la santé, c'est, directement, faire payer la réduction des déficits publics par les plus pauvres puisque ce sont eux qui, aujourd'hui, verraient leur pouvoir d'achat le plus ponctionné par de telles hausses de dépenses. Le dixième le moins favorisé des ménages consacre 14,5% de ses dépenses à payer son loyer (22% si l'on y ajoute l'énergie et le chauffage) et 3% aux soins médicaux non remboursés par la Sécurité sociale. Dans le dixième le plus favorisé, les proportions relatives sont 7,4% et 3,5%.

Ainsi, le refus d'augmenter les impôts n'est pas seulement un refus «récessif» (puisque les augmenter aurait un moindre effet récessif que réduire la dépense publique), c'est aussi une forme d'aveuglement social. Pas étonnant que les économistes soient détestés par les couches sociales défavorisées : ils sont le diable quand ils se bouchent les yeux pour ne pas voir les conséquences de leurs propositions.

Denis Clerc pour Alternatives Economiques

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Mis à jour ( Vendredi, 04 Février 2011 14:28 )  

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