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Accueil Mobilisations, luttes et solidarités Un «modèle allemand»… en carton-pâte

Un «modèle allemand»… en carton-pâte

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Le chômage continue de reculer en Allemagne, lit-on un peu partout. En mars, il s'est établi à 7,1%, «le taux le plus bas enregistré depuis la réunification du pays». Sauf que, là-bas, emploi rime avec austérité et précarité.

Augmenter les salaires en Europe «serait la dernière des bêtises à faire», sermonnait M. Jean-Claude Trichet le 20 février sur Europe 1. Pour le patron de la Banque centrale européenne, il ne fait aucun doute, en effet, que le «grand succès» de l’Allemagne en matière de «réduction du chômage» s’explique par la frugalité salariale de ses travailleurs : «depuis la création de la zone euro», les fiches de paie dans la fonction publique n’ont augmenté que de 17% outre-Rhin contre «environ 35%» en France. Or, le taux de chômage est tombé à 7,1% chez nos voisins quand il caracole à près de 10% dans l’Hexagone. La conclusion s’impose : emploi rime avec austérité. Mais aussi avec précarité.

Comme le rappelle Dominique Vidal en ouverture de la nouvelle livraison de "Manière de voir", «43% des emplois créés en 2010 étaient intérimaires, 42% à durée déterminée (CDD) et 15% à durée indéterminée (CDI). Et l’on compte officiellement 13% de pauvres dans les anciens Länder, 19% dans les nouveaux et, globalement, 25% parmi les moins de 25 ans».

Deuxième pays exportateur, l’Allemagne ne vend pas seulement des voitures, mais aussi le carburant idéologique qui alimente la dérégulation à l’échelle européenne. Ses exploits commerciaux ne constituent pourtant qu’une «victoire à la Pyrrhus» : pour que Berlin écoule sa marchandise, il faut que «tous ses partenaires continuent de creuser leurs déficits commerciaux» — lesquels, en produisant de la dette extérieure, fragilisent leur solvabilité et les «exposent à la spéculation financière».

Pour remettre en perspective les ingrédients de ce «modèle», il n’est pas inutile d’en revenir à la chute du Mur. Selon un évangile toujours en vigueur, l’absorption de l’Est par l’Ouest aurait durement pénalisé l’économie allemande, obligeant le gouvernement de M. Helmut Kohl à réduire les prestations sociales. Pourtant, explique Jay Rowell dans "Les vrais profiteurs de l’unification", «les profits des entreprises allemandes ont presque doublé dans les cinq ans qui ont suivi». Cette «reconstruction» a fourni à Berlin une occasion historique de démanteler l’Etat-providence, de privatiser les services publics, de déréguler le marché du travail et de réduire de neuf points l’impôt sur les sociétés (Laurent Carroué, "Restructuration libérale à marche forcée"). Les «paysages en fleur» promis par M. Kohl verront éclore un élan de nostalgie pour la défunte République démocratique allemande (Peter Linden, Dominique Vidal et Benjamin Wuttke, "L’Ostalgie, pourquoi ?") ainsi qu’une flambée d’attentats racistes (Brigitte Pätzold, "A Solingen, les Turcs n’ont pas oublié").

Arrivé au pouvoir en 1998 à la tête d’une coalition «rouge verte», le social-démocrate Gerhard Schröder améliore encore ce «modèle» en allégeant l’impôt pour les plus riches et en instaurant le dispositif d’assurance-chômage le plus coercitif d’Europe. En février 2008, l’Organisation de coopération et de développement économiques constatait que «les inégalités sociales et la pauvreté se sont développées plus vite en Allemagne que dans n’importe quel autre pays de l’OCDE». La politique turbo-libérale du prédécesseur de Mme Angela Merkel a beau écœurer ses électeurs (Matthias Greffrath, "La chute de la maison SPD") et stimuler la dissidence de gauche (Peter Linden, "Die Linke bouscule le paysage politique"), elle reste un exemple à suivre pour les aumôniers de la «bonne gestion» ultralibérale...

Olivier Cyran pour Le Monde Diplomatique

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Mis à jour ( Mercredi, 05 Octobre 2011 15:23 )  

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