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Travail forcé : Pierre Lang plagie David Cameron

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Mercredi dernier, à l'Assemblée nationale, le député-maire UMP de Moselle a déposé une proposition de loi visant à obliger les chômeurs indemnisés depuis plus de six mois ainsi que les bénéficiaires du revenu de solidarité active à effectuer gratuitement des travaux d’intérêt général en contrepartie de leurs allocations.

Cette proposition de loi n°3281 est, pour l'instant, renvoyée à la Commission des affaires sociales, «à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement».

Dans l'exposé des motifs, Pierre Lang ne cache pas s'inspirer de l'initiative du gouvernement britannique de David Cameron (qu'il qualifie pudiquement de «centre-droit» alors qu'il est ultraconservateur). Peut-être encore par pudeur évite-t-il de fustiger ouvertement tous ces oisifs qui profitent de la solidarité nationale. Sous couvert d'humanisme, estimant que «l’absence de travail conduit à une désocialisation progressive et à une perte d’employabilité», il prétend vouloir apporter son aide : «Le but de cette mesure est d’éviter toute exclusion prolongée du monde du travail qui conduit à la perte des repères, des habitudes, et du contact professionnel avec autrui», justifie-t-il.

Il propose donc «de favoriser le retour à l’emploi en demandant aux chômeurs indemnisés depuis plus de six mois, et aux bénéficiaires du revenu de solidarité active, de réaliser 20 heures de travail par semaine au service des collectivités locales (mairies, intercommunalités…) mais aussi des hôpitaux, maisons de retraite, ou de grands établissements publics tels que l’Office national des forêts. Ces personnes pourraient ainsi apporter une contribution au service de la société, en contrepartie des allocations ou des aides perçues [nous y voilà !], afin d’aider à des tâches d’intérêt général : débroussaillage, entretien des forêts, chemins ou espaces publics…»

Le vernis d'humanisme s'effrite rapidement dans les articles 2 et 4 de sa proposition où des sanctions — couper les vivres — en cas de refus sont alors évoquées. L'empressement à réquisitionner cette main d'œuvre dès le sixième mois de chômage laisse pantois, comme si les allocations chômage relevaient de la charité publique et non d'un régime assuranciel pour lequel on a cotisé. On note également que le terme «travaux d’intérêt général» (ou TIG), usuellement employé pour définir une peine prononcée à titre de peine principale ou en complément d'une peine d'emprisonnement avec sursis, crée un amalgame entre chômeurs et délinquants. Quant aux 20 heures hebdomadaires de "bénévolat obligatoire" que ces esclaves d'un nouveau genre devront offrir à une société dite "moderne", mais totalement infichue de fournir à tous des emplois qui permettent de vivre et de se projeter, l'auteur ne précise même pas si elles seront permanentes ou périodiques.

Qui est Pierre Lang ?

A 63 ans, ce pharmacien-biologiste directeur d'un laboratoire d'analyses médicales et maire de la commune de Freyming-Merlebach (57) s'était illustré, au mois de janvier, dans un vaudeville ici relaté par Paris Match. Débouté, le "cocu le plus célèbre de France", qui siège à l'extrême droite de l'hémicycle, fut aussi partisan du rétablissement de la peine de mort pour les auteurs d'actes terroristes (proposition de loi n°1521 du 8 avril 2004 avec MM. Dassault, Vanneste, Auclair, Joissains, Raoult, Myard et Chassain… bref, le gratin des réacs). Cette fois-ci, en ce qui concerne le rétablissement du STO pour les chômeurs et les pauvres, il est seul à plaider.

De la «valeur travail» au travail gratuit

Le gouvernement de Nicolas Sarkozy a supprimé des centaines de milliers d'emplois publics et étranglé financièrement de nombreuses collectivités locales, qui à leur tour cherchent à faire des économies. Pour leur permettre de boucher les trous à moindre coût, le gouvernement a relancé les emplois aidés, que les chômeurs de longue durée sont souvent obligés d'accepter alors qu'ils y perdent. Même chose pour le secteur associatif, dont le rôle se substitue de plus en plus à celui d'un Etat qui non seulement se désengage, mais s'applique à réduire leurs subsides. Afin de maintenir leurs activités, outre le bénévolat, les associations font aussi appel à l'emploi subventionné : bon marché et jetables, contrats aidés et service civique filent bon train.

Du travail, il y en a, mais pas question de le payer à sa juste valeur !
Le dernier «plan emploi» de Nicolas Sarkozy envoie déjà des chômeurs trier des ordures ménagères en CUI. Nettement plus bucolique, Pierre Lang veut les faire débroussailler les forêts gratis. Sa proposition va dans le même sens que la politique d'austérité menée outre Manche par David Cameron, qui a décidé de supprimer 330.000 emplois publics en quatre ans : de quoi dégager des postes pour les chômeurs, désormais obligés de travailler à l'œil pour la collectivité sous couvert de «casser le cycle de la dépendance» et mettre fin à la «culture de l'assistanat» alors qu'il s'agit, tout bêtement, de remédier sans frais à une pénurie orchestrée, la coercition étant le nerf du dispositif.

A cette occasion, dans son article «Sarko en a rêvé, Cameron l'a fait…», le journaliste du Figaro Marc Landré rappelait avec pertinence que faire travailler gratuitement les allocataires de minima sociaux était inscrit dans le "projet pour la France" du chef de l'Etat, véritable torchon publié en 2006.

Le travail forcé est pourtant interdit

Pierre Lang et la plupart de ceux qui nous gouvernent méprisent déjà les articles 23 et 25 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, sans oublier l'article 11 du Préambule de notre Constitution. A force de coups de canif répétés dans notre contrat républicain, l'esprit d'une bonne partie de nos concitoyens a fini par s'accommoder de la trahison permanente de ces textes fondateurs.

Pierre Lang compte aller plus loin en s'asseyant non seulement sur l'article 4 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme («Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude»), mais aussi sur l'article 1er de la Convention sur l'abolition du travail forcé de 1957 adoptée par les membres de l'Organisation internationale du travail — dont fait partie la France ainsi que la Grande-Bretagne et l'Allemagne, pays des jobs à 1 € — qui stipule que ses signataires ne doivent aucunement recourir au travail forcé ou obligatoire, que ce soit «en tant que méthode de mobilisation et d'utilisation de la main-d'oeuvre à des fins de développement économique» [valable pour les contrats aidés ou les jobs à 1 €] ou «en tant que mesure de discipline du travail» [valable pour les chômeurs britanniques].

Grâce à la crise, on n'est plus à une violation près. Ainsi, l'initiative du député Lang confirme la théorie du capitalisme du désastre, brillamment démontrée par Naomi Klein dans son livre «La stratégie du choc» dont nous vous recommandons vivement la lecture. 

SH

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Mis à jour ( Dimanche, 31 Mars 2013 23:31 )  

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