Mais la fois précédente, le Monsieur Anti-fraude du gouvernement s'appelait Eric Woerth (… bonjour la crédibilité) ! Avec lui, malades, privés d'emploi, «modestes» ou pauvres, tous étaient des suspects en puissance et pour les contrôler, Monsieur Woerth avait mis le paquet en créant une cellule spéciale, la DNLF — Délégation nationale de lutte contre la fraude — afin de croiser à la perfection les fichiers informatiques du Fisc, de l'Urssaf, de la Sécurité sociale, de la CAF, de Pôle Emploi et même des Douanes, sur la base du NIR (numéro de Sécu). Imparable !
A l'époque, le magazine L'Expansion — qu'on ne peut qualifier de gauchiste — avait critiqué ces gesticulations gouvernementales avec beaucoup d'objectivité, concluant que «le discours qui vise à traquer les fraudes des profiteurs pauvres, comme les RMIstes, permet de mieux faire passer la pilule auprès des classes moyennes».... Ensuite, à l'occasion d'un rapport de l'Urssaf publié en août dernier (comme par hasard en pleine période de vacances : forcément, les JT ne l'ont pas relevé), L'Expansion a également souligné qu'en matière de fraude sociale, les plus gros fraudeurs sont les entreprises.
Pourtant, à écouter Xavier Bertrand, ce sont toujours les particuliers — salariés en arrêt maladie, allocataires du RSA ou du minimum vieillesse… — que l'on pointe du doigt. Or, le montant annuel des petites fraudes aux différentes prestations versées par le régime général de la Sécurité sociale est évalué entre 2 et 3 milliards d'euros (Cour des comptes, 2010). En comparaison, le manque à gagner annuel causé par le travail dissimulé se situe entre 6 et 12 milliards (Conseil des prélèvements obligatoires, 2007).
Pourtant, à écouter Xavier Bertrand, tous les beaux efforts de la DNLF pour gratter ces 9 à 15 milliards que coûterait la fraude sociale à notre Sécu exsangue, toutes branches confondues, ne suffisent pas : le ministre du Travail et de la Santé veut «passer à la vitesse supérieure». Soit.
Mais que fait Christine Lagarde ?
«Passer à travers les contrôles va devenir mission impossible», promet le ministre. Si seulement son homologue de Bercy pouvait en dire autant à propos de la fraude fiscale ! Car celle-ci représente en moyenne, selon les évaluations, quelque 45 milliards d'euros par an de manque à gagner pour les caisses de l'Etat. A côté, la fraude sociale, c'est de la petite bière !
Mais de cette lutte-là pas un mot, pas une déclaration annuelle, aucun volontarisme fermement affiché. Punir les délits financiers ? Traquer l'évasion fiscale ? Vous n'y pensez pas, ma chère : c'est pas le moment de recruter.
Allez comprendre... Avec l'UMP, la lutte contre la fraude est inversement proportionnelle aux montants qui sont en jeu : plus les pertes sont volumineuses et préjudiciables pour l'économie, moins la lutte est vigoureuse; plus les sommes sont modestes, plus l'arsenal répressif est renforcé. Mamie Zinzin et les voleurs en col blanc peuvent, eux, continuer à dormir tranquille.
SH
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