Hier s'est donc ouvert à l'Assemblée Nationale le débat sur la réforme constitutionnelle visant à intégrer dans notre Constitution rien de moins que la pure et simple interdiction des déficits publics.
Au début de l’année 2011, le président de la République avait annoncé son intention de réformer la Constitution. Il s’agit d’y introduire l’obligation «d’équilibre des finances publiques», c’est-à-dire l’instauration permanente de la rigueur au nom de la réduction des déficits. Cette réforme s’inscrit dans le «pacte de compétitivité» que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont fait adopter par le Conseil européen le mois dernier, à Bruxelles.
Si elle était adoptée, cette réforme de la Constitution marquerait :
• un nouveau pas dans la subordination à l’Union européenne, donc aux exigences du capital financier;
• la remise en cause du peu de souveraineté (du Parlement et de la Nation) subsistant après les coups déjà portés par les institutions de la Ve République et l’UE;
• la remise en cause de la possibilité pour les organisations syndicales de négocier sur la base des revendications des salariés, qui pourraient être décrétées «anticonstitutionnelles».
Déjà, depuis l’adoption du traité de Maastricht (1992) en application des décisions de l’UE, nos gouvernements successifs ont organisé toutes les destructions : services publics, désindustrialisation, démantèlement de l’agriculture, déréglementation des droits du travail... Tous les budgets, à tous les niveaux, de l'État aux communes, se sont vu opposer les critères de Maastricht. Le principe de la «concurrence libre et non faussée» a imposé les privatisations.
Demain, si cette réforme de la Constitution était adoptée, un gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, serait «contraint» — sous peine de non-respect de la Constitution — d’appliquer toutes ces exigences fixées par l’Union européenne.
En France, ce serait une nouvelle arme pour le MEDEF dans son offensive pour la destruction de tous les droits collectifs des travailleurs. Demain, la Constitution pourrait ainsi être opposée aux droits des organisations syndicales à représenter les intérêts de la classe ouvrière et à négocier sur la base de ses revendications. Ce serait donc une atteinte d’une gravité exceptionnelle contre la démocratie.
Pour mieux comprendre ce qui est en cause, voyons ce qui se passe au Portugal ou la même politique est mise en chantier :
«Les Portugais éliront une nouvelle majorité le 5 juin, mais ils n’auront pas le choix du programme de droite ou de gauche : le vainqueur devra imposer l’austérité jusqu’en 2014 au moins. Trois semaines plus tôt, chaque grand parti s’y sera engagé individuellement auprès de l’Union européenne et du FMI. Cette perte de contrôle politique est le prix à payer pour un plan (…) décidé hier dans ses grandes lignes par la zone euro, les 27 pays de l’UE et la Banque centrale européenne.» Ce plan, précise Le Figaro du 9 avril d’où ces lignes sont extraites, «vise à mettre l'État portugais au régime sec, à lancer un “ambitieux programme” de privatisation pour réduire la dette publique et, enfin, à assouplir le marché du travail. (…) La préparation [du plan d’austérité] devra commencer immédiatement, en vue d’un accord entre les partis à la mi-mai, et permettre la mise en œuvre sans délai du programme d’ajustement dès la formation du nouveau gouvernement.»
Dans de telles conditions, y a-t-il encore un enjeu à ces élections ? Le Figaro répond : «Pour éviter toute contestation issue des urnes, les Vingt-Sept ne concrétiseront leur aide qu’une fois acquis “le soutien des principaux partis politiques”, indique la déclaration finale. Le futur chef de gouvernement ne pourra qu’appliquer scrupuleusement le remède auquel il aura lui-même souscrit.»
En France, un rapport de l’OCDE félicite notre gouvernement et l’encourage à amplifier les mesures anti-ouvrières — en matière de salaires, Sécurité sociale, hôpitaux, marché du travail, etc. — destinées à revenir aux critères de Maastricht. Le rapport précise : «La France aurait intérêt à se doter d’un cadre budgétaire renforcé et à valeur constitutionnelle. Ce cadre inclurait une règle de déficit structurel, une programmation budgétaire pluriannuelle détaillée et un conseil budgétaire indépendant.»
Certes, la France n’est pas le Portugal... Mais peut-on ignorer que le 3 mai, l’Assemblée nationale entame le débat sur la réforme constitutionnelle qui prétend graver dans le marbre l’interdiction des déficits publics ? Peut-on ignorer que le projet du PS pour 2012 prévoit l’adoption, au lendemain de la présidentielle, d’une «loi de finances publiques quinquennale» fixant les mesures «de maîtrise des déficits et de réduction de la dette» ? Peut-on ignorer que, d’une manière ou d’une autre, tous les candidats institutionnels sacrifient à la nécessité de «réduire les déficits» ?
Le plus surprenant, le plus scandaleux, la pire offense faite à notre peuple est le silence total, lourd et pesant qui entoure toute cette affaire.
[...] Ainsi, si cette politique devait être menée à son terme, nous devrions «choisir» en 2012 entre l'inspirateur de cette politique et son plus fidèle exécutant, entre DSK ou Sarkozy, ainsi quel que soit le candidat élu son programme est déjà écrit à Bruxelles ou Washington.
Ainsi serait mené à son terme le projet dictatorial inscrit dans les traités de l'Union européenne : priver les peuples de tous les attributs de la souveraineté, les plier par la contrainte à toutes les exigences du libéralisme économique, et poursuivre jusqu'à son terme la destruction de tous les acquis ouvriers.
Ainsi, ils en sont parvenu à un tel niveau d'abaissement moral qu'ils s'imaginent que les peuples se soumettront et ramperont, comme peuvent le faire les Papandréou ou Zapatero et leurs amis de la «gauche européenne».
(Source : AgoraVox)
POUR EN SAVOIR PLUS
Lire également cet article de Basta! qui détaille le «pacte pour l'euro».
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