A peine créé (le 1er juin 2009), le RSA doit (déjà) être réformé !!!
Signe d'impuissance ? Certes, la Cour des comptes vient de pointer ses lacunes en matière d'accompagnement et de retour vers l'emploi. Mais — la faute aux journalistes, aux magistrats de la rue Cambon, ou les deux mon Général ? — l'évidence, pourtant criante, est totalement éludée : tant que l'emploi manquera en masse, n'importe quel accompagnement, le meilleur comme le pire, fera office de pansement sur une jambe de bois...
Une meilleure «réinsertion» via de réelles et solides créations d'emplois n'est pas du tout l'objet des préconisations de Marc-Philippe Daubresse. Celles-ci ne sont qu'un aboutissement de la convention UMP sur la «justice sociale» du 8 juin dernier où il fut question, sur l'impulsion de la «Droite sociale» de Laurent Wauquiez (qui préconisait de lutter contre l’«assistanat», ce «cancer de la société française», en faisant travailler gratuitement quelques heures par semaine les allocataires du RSA sans activité), de mettre en œuvre des mesures «correctives» au dispositif... On chargea alors l'ancien ministre des Solidarités actives de concocter un rapport en ce sens à Nicolas Sarkozy.
Le voici rendu : pour «certains» allocataires du RSA — quelque 150.000, des personnes «très éloignées de l'emploi mais qui sont en état de travailler», soit une «population médiane» ni «employable par les biais classiques», ni «dans des situations nécessitant un accompagnement social» —, l'actuel secrétaire général adjoint du parti présidentiel propose des micro-CUI de 7 heures par semaine et, dans la foulée, une fusion du RSA avec la prime pour l'emploi (PPE) et l'allocation de solidarité spécifique (ASS). De quoi réaliser quelques petites économies...
Le projet est «bien ficelé» et les associations consultées — FNARS, Uniopss, Secours Catholique… — font état de préconisations «quasi définitives» : hallucinant !
Pour des raisons de calendrier, la remise de la copie au chefaillon de l'Etat a été repoussée à fin août [NDLR : il a été remis le 14/09]. La discussion du projet aura donc lieu à la rentrée, sous couvert de «simplification» (un argument qui, hélas, fait toujours mouche) et, certainement, dans l'indifférence générale...
Des micro-CUI, ou «contrats d'utilité sociale»
On ne s'étendra pas sur l’«expérimentation» de ces misérables contrats «de 5 à 10 heures» rendus possibles par dérogation [1] et rémunérés sur la base du Smic horaire : l'UMP laisse le soin aux départements et aux associations, déjà étranglés financièrement, de trouver des volontaires parmi les collectivités territoriales, les organismes d'insertion ou les entreprises chargées de la gestion d'un service public, afin de créer comme par miracle les postes nécessaires et en assumer le coût. Chose faite, les départements devront départager leur stock de «personnes en capacité de travailler» de celles «qui ne le peuvent pas» afin de les leur «proposer» (c'est-à-dire placer sous contrainte cette main d'œuvre à bas coût, ultra-précarisée : en effet, le projet de Marc-Philippe Daubresse précise que, dans le cas où l'allocataire refuserait deux fois ces contrats, son RSA pourra être diminué, puis suspendu).
A noter que ces contrats seraient cofinancés par le Fonds national des solidarités actives (FNSA), excédentaire en 2010. Or, ce fonds finance également la prime de Noël des minima sociaux (400 millions), geste charitable jusqu'à présent rendu possible grâce à cet excédent. Toute action — ici dérisoire — de lutte contre l’«assistanat» via le FNSA remettrait en cause le versement de cette prime qui bénéficie… à des oisifs. Martin Hirsch ne serait pas contre, lui qui estime que l'argent du FNSA, «s'il y a des excédents, il faut les remettre dans la poche des gens modestes qui travaillent» et peu importe si ce retour à l'emploi, aussi merdique soit-il, n'offre aucune perspective aux intéressés, pourvu qu'il permette un recul momentané des chiffres du chômage.
ASS : un minima social trop avantageux pour l'UMP
L'allocation de solidarité spécifique, ancêtre des minima sociaux créé en 1984, gérée par l'Unedic, versée par Pôle Emploi et dont le coût est entièrement assumé par l'Etat (2 milliards/an), se distingue du RSA sur les points suivants :
• elle est réservée aux chômeurs en fin de droits justifiant de 5 ans d'activité salariée sur les 10 dernières années au moment de sa demande,
• elle leur permet de continuer à valider leurs trimestres pour la retraite,
• elle n'est pas assujettie au "forfait logement" dont sont ponctionnés par la CAF 95% des allocataires du RSA,
• attribuée en fonction des revenus du foyer fiscal (et non des "ressources du foyer", qui brassent plus large), elle est renouvelée tous les 6 mois sur la base d'un questionnaire peu intrusif.
En ce qui concerne ses désavantages par rapport au RSA, le nivellement par le bas a été effectué lors de l'abolition du RMI : désormais, à égalité avec l'ASS, les droits connexes (accès à la CMU, exonération de la taxe d'habitation, etc.) ne sont plus accordés en fonction du statut mais des ressources.
Néanmoins, l'ASS demeure la Rolls des minima sociaux : c'est insupportable pour l'UMP qui estime que le RSA doit devenir la référence-étalon du modèle social français. D'ailleurs, lui est insupportable tout ce qu'il faut débourser à destination des exclus et des pauvres. Ainsi, entre autres :
• l'AER (allocation équivalent retraite) a été définitivement supprimée pour une économie de 250 millions d'euros;
• l'AFDEF des chômeurs en formation, dont le montant était égal au dernier montant journalier de l'allocation chômage perçue par l'intéressé à la date d'expiration de ses droits, a été remplacée par la "R2F" (652 €/mois);
• la dotation de l'Etat au Samu social vient d'être réduite du quart.
Nous l'avions déjà dit : à l'instar du Smic, l'ASS est menacée de disparition et des signes ne trompent pas (notamment le fait que le gouvernement ne veuille plus rembourser à l'Unedic ses coûts de gestion pour une économie de 80 millions)...
Cette fusion n'étant pas aisée du fait des importantes disparités entre les deux dispositifs, nous pensions que, d'ici 2012 et vu son impopularité, l'UMP n'aurait pas osé s'y attaquer. Visiblement, nous avons péché par optimisme. Comment le gouvernement compte-t-il s'y prendre ? Affaire à suivre.
SH
[1] La loi de 2008 créant le RSA a en effet instauré les contrats uniques d'insertion — CUI, 20 heures par semaine minimum — mais prévoyait également, à titre dérogatoire, le recours à des contrats de durée inférieure, selon Marc-Philippe Daubresse.
Post-scriptum : Cet article a été remis à jour le 16/09.
Voici comment le rapport Daubresse, remis mercredi 14 à Nicolas Sarkozy, prévoit d'intégrer l'ASS dans le RSA. On peut lire en page 23 :
« Deux possibilités sont envisageables en cas de fusion des deux allocations :
• Hypothèse 1 : le rSa remplacerait l’ASS pour les seuls nouveaux entrants au rSa, ce qui permettrait une entrée progressive dans le nouveau régime (mesure pouvant être mise en oeuvre au début de la nouvelle législature),
• Hypothèse 2 : pour tous les bénéficiaires de l’ASS passant sous le régime du rSa, il y aurait maintien de leur allocation au même niveau, par l'introduction d'un nouveau régime dérogatoire au rSa, par exemple pour tenir compte de la majoration pour enfant à charge, à l'instar du rSa majoré (issu de la fusion RMI-Allocation de Parent Isolé) et du rSa jeunes, à titre provisoire. Les 322.600 bénéficiaires de l’ASS (chiffres 2010) basculant ainsi dans le rSa socle relèveraient des départements, ce qui nécessiterait une nouvelle compensation financière aux départements au titre de l’allocation, voire pour la prise en charge de leur insertion.
Recommandation n°5 : Déposer devant le Parlement avant la fin de l’année 2011 le rapport prévu par la loi du 1er décembre 2008 relatif aux conditions d’intégration de l’ASS dans le rSa. »
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