Même un dimanche en plein mois d'août, le gouvernement ne loupe aucune occasion de déployer sa propagande contre les Français les plus démunis, jugés — avec les "immigrés" — responsables de tous nos maux alors qu'ils ne sont que les victimes de la crise et, plus généralement, des politiques néolibérales menées depuis trente ans.
Voici une nouvelle annonce qui va dans le sens de sa croisade contre ce «cancer de la société» (qui n'est pas, à ses yeux, le chômage mais plutôt l’«assistanat») entamée il y a quatre mois par Patrick Buisson, relayée ensuite par Pierre Lang puis le gentil Laurent Wauquiez, chef de file de «la Droite antisociale», autre mouvance de l'UMP. Son but : continuer inlassablement, jusqu'en mai 2012, à jeter l'anathème sur les allocataires du RSA.
Comme le titrait lundi dernier Rue89, la Droite «populaire» — comprenez populiste, siégeant à l'extrême droite de l'hémicycle —, c'est beaucoup de bruit pour pas grand-chose. En effet ce collectif de grandes gueules, dont les plus connues sont Lionnel Luca (avec deux "n" et sans "s") ou Christian Vanneste (célèbre pour ses déclarations homophobes), glane sur les terres du FN tout en titillant le parti présidentiel. Mais ça marche.
Hier, dans une interview au Journal du Dimanche, le ministre des Transports Thierry Mariani a dit : «Contre la fraude, je soutiens la création d’un fichier généralisé des allocataires qui recense toutes les prestations sociales perçues. Cela permettra de constater les abus. Une même personne peut toucher indûment le RSA dans plusieurs départements, car aucun d’entre eux ne croise les dossiers. Cette mesure, imaginée par le député Dominique Tian, va dans le sens de la justice».
Or, cette déclaration est totalement mensongère.
Car le problème est résolu depuis janvier 2008, date où a été rendu opérationnel un fichier national unique des Caisses d'allocations familiales qui, justement, regroupe et croise les données départementales des 123 CAF de France (lire en commentaire). Quand Thierry Mariani prétend qu’«une même personne peut toucher indûment le RSA dans plusieurs départements car aucun d’entre eux ne croise les dossiers», il raconte n'importe quoi !
Parallèlement, en avril 2008, l'inoubliable Eric Woerth avait lancé la Délégation nationale de lutte contre les fraudes (DNLF), une «task force» dotée de «nouveaux instruments» informatiques et juridiques qui lui permettent, notamment, de croiser les fichiers CAF-CNAM-CNAV, Pôle Emploi-Unedic, Urssaf, Fisc et Douanes. A cette occasion, les contrôleurs des organismes sociaux ont été «dotés du même droit de communication que les services fiscaux» pour pouvoir enquêter et «traquer l'information»... Un filet bien serré conçu pour traquer, en priorité, les petits poissons : dans son bilan d'activité 2010, la DNLF a montré que les allocataires du RSA sont les plus contrôlés parmi tous les bénéficiaires de prestations sociales ou de minima sociaux gérés par la branche famille de la Sécu. Ainsi, près de la moitié des contrôles sur place les concernent alors que ceux-ci ne représentent que 16,7% des allocataires des CAF. Efficace, non ?
Donc, on le voit, les dispositifs existent déjà !
Comment l'UMP, qui les a mis en place, peut-elle l'ignorer ?
Comment l'UMP peut-elle sciemment désavouer cette DNLF qu'elle a elle-même fièrement créée ?
Qu'importe : «Je suis tout à fait d'accord avec Thierry Mariani», a réagi hier soir notre ministre du Chômage Xavier Bertrand, annonçant dans la foulée la mise en place d’«un fichier unique des allocataires sociaux avant la fin de l'année» qui serait, selon lui, «la meilleure façon de renforcer la lutte contre des fraudes sociales».
Or, rien n'est plus faux !
Selon le rapport parlementaire de la Mission d'évaluation des comptes de la Sécurité sociale publié en juin dernier, la fraude sociale — qui englobe la fraude aux prestations et aux cotisations —, c'est 20 milliards d'euros par an. Et sur ces 20 milliards, seuls 2 à 3 milliards sont imputables à la fraude aux prestations (arrêts maladie, allocations…) tandis que le reste, 8 à 16 milliards, est le fait d'employeurs qui, sciemment ou non, ne versent pas à l'Urssaf leurs cotisations patronales et salariales.
Donc, il est évident que la création d'un «fichier des allocataires sociaux» — qui existe déjà — ne vise nullement à lutter contre la fraude sociale d'origine patronale, qui est cinq fois plus importante. Comme le dit Gérard Filoche, le gouvernement «est écartelé entre l'objectif annoncé de lutter contre la fraude et la volonté de servir les patrons»...
Dans leurs propos, Xavier Bertrand et Thierry Mariani mettent exclusivement l'accent sur les allocataires du RSA, dont la petite fraude relève davantage de la survie que de l'avidité. Par contre, et comme toujours, la lutte contre la fraude fiscale, qui représente plus de 40 milliards d'euros de manque à gagner annuel pour l'Etat, n'est pas évoquée.
On le répète : avec l'UMP, la lutte contre la fraude est inversement proportionnelle aux montants qui sont en jeu. Plus les pertes sont volumineuses et préjudiciables pour l'économie, moins la lutte est vigoureuse; plus les sommes sont modestes, plus l'arsenal répressif est renforcé.
2012 approchant, l'UMP ne déroge pas à sa politique : Dure avec les faibles mais faible avec les forts. Menteuse et incompétente par dessus le marché !
SH
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