Le chômage est reparti à la hausse, et vigoureusement. A titre d'exemple, il n'y a qu'à suivre les variations annuelles de la catégorie A en métropole depuis le début de l'année : +1,4% en janvier, +1,3% en février, +0,7% en mars, +0,2% en avril (là, on a frôlé la stabilisation. Puis la tendance s'est inversée…), +0,3% en mai, +1,5% en juin… et +2,8% en juillet.
Mais pour les catégories B et C, il n'y a pas eu d'amélioration. La première (activité réduite inférieure à 78h/mois) a affiché une progression annuelle stable autour de 5%. La seconde (activité réduite supérieure à 78h/mois), une progression annuelle moyenne de 14% à tendance baissière, ce qui signifie que les opportunités d'activité réduite "longue" diminuent.
Clairement, ce mois de juillet est le pire depuis octobre 2009. Pourtant, l'Acoss nous avait vanté les bons chiffres des embauches sur la période... Si les diverses statistiques autour de la "création d'emplois", qu'elles émanent de l'Acoss, de Pôle Emploi ou de l'Insee, sont toujours optimistes — question de rassurer les plus crédules — alors que le mode de recensement de ces "créations de postes" est purement quantitatif et non qualitatif (une déclaration = un emploi, point barre), les chiffres du chômage, eux aussi incomplets et/ou tronqués, démentent les belles annonces.
En juillet, Pôle Emploi n'a collecté que 281.300 offres (+2,1% sur un an) où prédominent les jobs précaires. Dans une étude, Pôle Emploi a noté que le volume des offres collectées a baissé de 9% entre 2008 et 2010, tandis que celui des offres en CDI chutait de 15% (il est dommage qu'on n'en sache pas plus sur la proportion des CDI dans le total…). Après une telle saignée, la pente est forcément dure à remonter.
Si les emplois saisonniers n'ont pas fait illusion en juillet, il y a peu de chances qu'ils y parviennent en août. Les perspectives restent sombres.
Un noyau dur d'exclus de l'emploi qui s'étoffe et durcit
Le nombre de chômeurs de longue et de très longue durée des catégories ABC, qui s'élève à 1.703.200 avec les DOM (+9,7% sur un an), représente le tiers du total des inscrits à Pôle Emploi (ABCDE France : 4.986.500, soit +3,2% sur un an). Il convient d'y ajouter quelque 205.000 seniors "dispensés de recherche", non catégorisés, ainsi que quelque 340.000 chômeurs de catégorie E (en contrats aidés, proposés en priorité à ces publics) : dès lors, on dépasse 40% de l'ensemble.
Le nombre des chômeurs qui sont sur le carreau depuis 2 à 3 ans a augmenté de 27,7% sur un an, et celui des inscrits depuis plus de 3 ans de 19,3%. Se constitue donc un noyau grandissant de personnes très "éloignées de l'emploi", pour ne pas dire "exclues durablement", dont les chances de retrouver une vie normale s'amenuisent. La pauvreté les guette, si elle ne les a pas déjà terrassés.
Quant à l'ancienneté moyenne des inscrits en catégories ABC, elle ne cesse de battre des records et s'élève à 453 jours. La moyenne d'inscription des demandeurs d'emploi sortis de ces catégories, elle, stagne à 250 jours.
Par rapport à juin, on note un généreux apport de 12.600 seniors de 50 ans et + dans les catégories ABC. Fin juillet, on en compte 810.400 rien qu'en métropole (+14,7% sur un an) dont 421.000 sont des femmes (+15,8%).
Pour tout savoir en détail => La note DARES/Pôle Emploi de juillet à télécharger en pdf
Radiations administratives et dématérialisation ?
On note que ce motif de sortie — dont la progression annuelle s'élève à 7,2% alors que celle du total des inscrits, toutes catégories confondues, est de 3,2% — a bondi de 25,1% sur le mois.
Doit-on y voir un lien avec la dématérialisation du courrier opérée par Pôle Emploi depuis fin juin ? Plusieurs témoignages nous ont offert un aperçu des conséquences néfastes liées à cette "innovation"...
Voici l'évolution du nombre des «radiations administratives» depuis le début de l'année : 48.900 en janvier, 44.000 en février, 45.000 en mars, 48.100 en avril, puis 36.800 en mai (-23,5%), 38.300 en juin (+4,1%) et… 47.900 en juillet (+25,1%). On pourrait en conclure que, le mois dernier, les radiations administratives ont subitement repris du poil de la bête pour retrouver leur niveau habituel après le décrochage inexpliqué de mai et de juin. Le phénomène est suffisamment étrange pour nourrir la suspicion. Nous surveillerons de près son évolution dans les mois qui suivent.
Sinon, en incluant les «cessations d'inscription pour défaut d'actualisation» (+4,3% sur le mois) et les mystérieux «autres cas» (-1,9%), on totalise 301.900 personnes ainsi sorties des listes. Comme le fait remarquer notre ami Patdu49, ces trois motifs représentent à eux seuls 64,3% du total des sorties, alors que les 99.900 reprises d'emploi déclarées (-3,2% sur un an) ne pèsent que 21,3% : pourtant, elles sont les plus légitimes.
Où sont les formations et les emplois aidés ?
Si l'on suit l'évolution des effectifs de la catégorie D — celle des demandeurs d'emploi non disponibles car en arrêt maladie ou en maternité (moins de 37.000), mais surtout en stage, formation ou convention de reclassement — depuis janvier, on note une baisse régulière (variation annuelle : -11,3%). De 249.100, on est descendus à 224.300. Là aussi, on peut se questionner.
Pour la catégorie E, celle des demandeurs d'emploi non disponibles car en contrat aidé, on note la même anomalie : de janvier à juin, ses effectifs ont oscillé entre 350.400 et 352.600 puis, en juillet, il sont descendus à 348.700 ! Mais on sait que le gouvernement s'apprête à en débloquer 270.000 : de quoi finir l'année en beauté...
Car Xavier Bertrand persiste et signe : il compte faire passer le taux de chômage sous la barre des 9% d'ici Noël, on se demande comment. Pour Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis AM, «la seule possibilité d'amélioration des chiffres — et c'est ce qu'il va être intéressant de suivre —, c'est la gestion administrative des inscrits à Pôle Emploi : vous pouvez durcir les conditions, demander aux personnels de faire un peu plus de zèle dans le contrôle, etc. On a souvent vu cela par le passé — même si je ne dis pas que cela va se faire !» No comment…
SH
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