Demain, notre Premier sinistre doit dévoiler son tour de vis budgétaire visant à réduire la dette publique afin de "rassurer les marchés". Or, nous savons d'avance que ses mesures seront totalement ineptes.
Selon les économistes et parlementaires avisés des commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat, il faudrait tout de suite dégager au moins 10 milliards d'euros pour que la France conserve son "triple A" et ramène son déficit à 5,7% en 2011. Mais pour l'instant, on n'en évoque que "3 à 4 milliards" en préparant les esprits à un nouveau coup de rabot sur les niches, tandis que les plus fortunés pourraient devoir mettre la main à la poche via une taxe exceptionnelle, 100% hypocrite. Et pour ramener comme convenu le déficit à 4,6% en 2012, un effort supplémentaire d’"une dizaine de milliards" devra être fourni l'année prochaine… autrement dit : après moi le déluge !
Un «important gisement d'économies encore exploitable»
Pourtant il est possible, TOUTE DE SUITE, de dégager près de 20 milliards d'euros «sans effet dommageable à long terme sur l'économie française», selon les experts de Natixis que l'on ne peut taxer de gauchistes et qui ont identifié 17 dispositifs fiscaux inopérants. Parmi eux, la TVA réduite à 5,5% sur les travaux de rénovation et sur la restauration ou le crédit d'impôt sur l'emploi à domicile (jugés «peu légitimes»), ainsi que la défiscalisation des heures supplémentaires ou le prêt à taux zéro («générateurs d’effets d’aubaine importants» et «contraires aux objectifs poursuivis par les pouvoirs publics : plein emploi et régulation des prix des logements»).
Notez bien la conclusion de Natixis : «En raison de l'important gisement d'économies encore exploitable, la consolidation budgétaire française semble tout à fait réalisable.»
De son côté, le citoyen Xavier Denamur, qui se présente comme un «restaurateur appartenant aux 0,01% des Français les plus riches» dans une savoureuse lettre ouverte à Nicolas Sarkozy publiée sur Eco89, explique en quatre points comment récupérer au minimum 14 milliards d'euros : ses arguments sont on ne peut plus sensés, et finement étayés. On vous conseille de les lire.
Nous, à Actuchomage, proposons à Monsieur Fillon de récupérer immédiatement 15 milliards d'euros en supprimant, par exemple, les dispositifs suivants :
• la TVA sur la restauration (plus de 3 milliards/an)
• la défiscalisation des heures supplémentaires (4,5 milliards/an)
• la "niche Copé" (22 milliards dilapidés sur trois ans)
Les deux premières n'ont pas donné les effets escomptés, voire ont été contreproductives, et la troisième est un cadeau fiscal aux entreprises du CAC40 et aux fonds d'investissement de type LBO éminemment scandaleux.
Les «intangibles» de l'UMP
On le voit, la France a peut-être une dette, mais elle a des idées !
Hélas, tous ces dispositifs coûteux, "peu légitimes" et/ou "peu efficaces", profitent essentiellement au socle de l'électorat de Nicolas Sarkozy — restaurateurs, professions libérales, grands patrons, grosses fortunes… — et nous n'avons aucun mal à comprendre que son gouvernement n'ait pas l'intention d'y revenir, surtout à 8 mois des présidentielles. De même, l'emploi a bon dos, Nicolas Sarkozy ayant exclu de toucher aux niches qui seraient, soi-disant, "à son service"… quand bien même est-il avéré que leur impact est quasi nul, voire nocif.
Pour ne pas fâcher tout ce beau monde, comme l'écrivent Les Echos, «la solution de facilité est donc celle, déjà utilisée, du "coup de rabot" général — la baisse uniforme du plafond de toutes ces "dépenses fiscales" : une demi-mesure paresseuse, qui évite de s'interroger sur leur légitimité». Sans compter que, «dès qu'il a créé une niche, l'Etat devient un payeur passif, vulnérable à tous les abus et montages d'évasion fiscale»...
Il y a de la marge !
Sauf erreur, le coût des niches fiscales, sociales et autres «dispositifs dérogatoires» (60 milliards) accordés aux entreprises — surtout les plus grosses — s'élève à plus de 170 milliards d'euros par an, et celui des niches fiscales accordées aux particuliers — surtout les plus aisés — à plus de 65 milliards d'euros.
Il y a donc de la marge, et Natixis a tout à fait raison : «la consolidation budgétaire française semble tout à fait réalisable». Car on pourrait aussi décider d'aligner la taxation des revenus du capital sur celle du travail et créer des tranches d'imposition supplémentaires.
Profitant de l'ignorance de la majorité des Français en matière d'économie, on nous agite l'épouvantail de la dette, la perte de notre "triple A" et la supposée obligation d'inscrire une «règle d'or» dans notre Constitution afin de nous faire accepter une politique de rigueur qui ne se justifie absolument pas. Car la France n'a pas un problème de déficit, mais plutôt un (grave) problème de fiscalité. Une réforme, une vraie, s'impose.
SH
Post-scriptum : Rappelons qu'entre 1981 et 2011, la dette publique est passée de 21% à 82% du PIB, et que 75% de sa hausse s'est creusée sous une gouvernance de droite, Balladur et Sarko en tête, à grands coups de cadeaux fiscaux aux plus riches.
De même, on nous dit que le stock de notre dette publique s'élève à 1.640 milliards d'euros, soit environ 85% de notre PIB annuel. Or, selon Jean-Luc Mélenchon, «pour être honnête et comparer ce qui est comparable, il faudrait plutôt rapporter le stock de dette au PIB en tenant compte de la durée de vie de la dette» (de la même façon qu'on ne mesure pas la solvabilité d'un particulier en rapportant le total de ses dettes — pour l'achat d'une voiture, d'un appartement… — à ses revenus d’une seule année). «Selon la statistique du Trésor Public, explique Mélenchon, la durée de vie des titres de la dette française est en moyenne de 7 années et 31 jours. Donc, on doit rapporter les 1.640 milliards de dette totale aux 14.000 milliards d'euros environ que produira le pays en sept ans. Dans ces conditions, le stock de dette représente 12% du PIB cumulé pendant 7 ans. Ce stock de dette n'est donc pas un réel problème.»
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