Ayant peu à peu remplacé le filon de l'insécurité — longtemps porteur mais vaguement éculé —, depuis cinq ans, le thème de la petite fraude des «assistés» est récurrent dans les discours de not’ Président. De même, plusieurs fois par an, le marronnier est agité par ses collaborateurs : trouvant écho dans les médias, il stigmatise sans vergogne les assurés sociaux et les victimes de la crise.
Inlassablement, au risque de rebuter, le voici de retour sous l'impulsion de la “Droite populaire”, aile dure du parti présidentiel, sur fond d'aggravation des déficits. «Les fraudeurs, c'est un sujet qui monte. C'est normal en cas de crise, et on va mettre le paquet là-dessus», a déclaré un (ir)responsable de l'UMP sous couvert d'anonymat, peut-on lire ici. On comprend que ce courageux politicard, avouant une stratégie opportuniste digne de la com’ la plus crasse, souhaite rester incognito alors que les préoccupations de la majorité des Français sont tout autres.
Des employeurs et professions libérales intouchables
Dans un récent rapport parlementaire, le député UMP des Bouches-du-Rhône Dominique Tian, membre de la “Droite populaire” particulièrement obsédé par le sujet, a chiffré à plus de 20 milliards d'euros par an la fraude aux prestations et cotisations sociales (sur les 600 milliards brassés annuellement par la Sécu). Soit.
Sur ces 20 milliards, a précisé Xavier Bertrand, la fraude aux prestations sociales — donc, celle des particuliers — en représente près de quatre [1]. Pas besoin de sortir sa calculette : la fraude aux cotisations — donc, celle des entreprises qui arnaquent l'Urssaf — en représente quatre fois plus ! Mais Xavier Bertrand l'élude et se focalise sur les arrêts maladie... C'est également ce que va faire not’ Président des Riches, en visite aujourd'hui dans une CAF de Bordeaux afin de nous asséner sa propagande mensongère.
Sur le dada du jour (la fraude aux arrêts de travail, vraiment dérisoire), lisez ce précieux décryptage publié dans Lemonde.fr.
Et visionnez ce reportage de France 3 qui démontre que les arrêts injustifiés sont non seulement rares, mais que le refus de l'arrêt pour des motifs financiers et/ou moraux est fréquent. Un renoncement qui expose à des complications :
Pour rappel : concernant la fraude à l'assurance-maladie, sachez que les deux-tiers du préjudice sont le fait non pas des assurés mais des professionnels de santé...
Des contribuables intouchables
L'UMP insiste sur ceux qui profitent indûment du système en exagérant le phénomène pour pointer du doigt les plus démunis. Or, l'histoire économique de notre pays montre que ce n'est pas nouveau et qu'il existe toujours des «profiteurs» dans tous les milieux, qu'il s'agisse de 400 euros de RSA ou de valises de billets... Sauf que, si les pauvres sont plus nombreux dans la population, les plus riches fraudent à des niveaux bien supérieurs.
Hélas, au lieu de lutter contre la fraude fiscale qui, chaque année, prive l'Etat de plus de 40 milliards d'euros de recettes (sans compter le manque à gagner de l'évasion des plus riches, particuliers comme entreprises…), on nous agite le même épouvantail de la petite fraude des pauvres. Sauf qu'en France, la lutte contre la fraude est inversement proportionnelle aux montants qui sont en jeu : plus les pertes sont volumineuses et préjudiciables pour l'économie, moins la lutte est vigoureuse; plus les sommes sont modestes, plus l'arsenal répressif est renforcé.
En effet, dans le programme de l'UMP, il n'est pas question de recruter davantage de contrôleurs dans des organismes publics comme le Fisc, déjà miné par la baisse de ses effectifs, l'Urssaf ou l'Inspection du travail qui n'arrive plus à remplir sa mission, bien au contraire. Pourtant, c'est par là qu'il faudrait commencer si on veut récupérer un maximum d'argent !
Tant va la cruche à l'eau...
Et que dire de la lutte contre les paradis fiscaux, ridicule mantra jamais mis en application ?
Tous ces écrans de fumée et gesticulations hypocrites atteindront-ils leur but (remettre sur le trône pour cinq ans le même imposteur) ? Sérieusement, on en doute. Chaque fois que l'UMP met le sujet sur le tapis, il s'expose à ce que des journalistes — y compris institutionnels — fourrent leur nez dans ses allégations et, sans problème, les démontent. Pris à son propre piège, Nicolas Sarkozy n'est plus crédible et les idiots qui continuent à le croire sont de plus en plus rares.
SH
[1] Le rapport de Dominique Tian évalue à plus de 20 milliards d'euros par an la fraude aux prestations et aux cotisations sociales (sur un total de 600 milliards de versements Sécu). Or, si l'essentiel de cette fraude est lié aux employeurs — travail illégal ou dissimulé : entre 8 et 16 milliards de cotisations patronales et salariales non versées à l'Urssaf —, ce sont pourtant les fraudeurs aux prestations — arrêts maladie, allocations familiales ou RSA : 2 à 3 milliards — qui sont ouvertement montrés du doigt.
Une excellente enquête sur les patrons qui fraudent :
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