Chaque trimestre, via son Enquête Emploi, l'Insee dévoile le taux de chômage officiel du pays au sens du BIT. Celui de fin mars vient d'être publié : c'est 9,6% en métropole et 10% avec les DOM. Nous ne nous éterniserons pas sur ce fait, estimant que ces taux sont non seulement l'arbre qui cache la forêt, mais que la barre symbolique des 10% de chômage en métropole sera vite franchie.
Ce qui nous intéresse ici, c'est la fiabilité des chiffres. Car, comme nous l'avions relayé ici en février puis en mars, la majorité des 1.000 enquêteurs et enquêtrices de l'Insee réalisant ce travail en continu dans des conditions indignes ont mené une grève dure et massive qui en a, inévitablement, affecté le résultat.
En effet, de février à avril, au lieu de saisir normalement les données fraîchement recueillies auprès de leurs panels (aussi appelés «aires emploi»), afin de marquer leur combat, les grévistes ont systématiquement coché dans leurs questionnaires la case «IAJ pour cause de grève» (IAJ = Impossible A Joindre). De quoi fausser lourdement les calculs. Pourtant, les chiffres de mars ont été publiés comme si de rien n'était... Pour retomber sur ses pattes, l'Insee a-t-il cantonné son étude aux données fournies par des non grévistes ?
Le mouvement s'est adouci mais persiste, avec des «IAJ pour cause de grève» qui continuent d'apparaître dans nombre de questionnaires, de surcroît retenus jusqu'au dernier moment afin d'en retarder l'exploitation. Depuis le 6 mai, les grévistes attendent que le ministère de l'Économie et des Finances, dont l'Insee dépend, soit réorganisé pour reprendre les négociations; mais ils restent mobilisés et prêts à durcir à nouveau leur action.
Ils espèrent aussi que le nouveau ministre du Travail Michel Sapin, qui avait tenté une déprécarisation des vacataires (loi Sapin n°2001-2 du 3 janvier 2001), ira jusqu'au bout sur ce sujet. Car le contingent d'enquêteurs de l'Insee est à 80% féminin, à temps partiel en CDD ou en «CDI pigiste» avec une couverture sociale minimaliste; le salaire médian pour leur activité est de 850 € brut par mois, sur lequel elles doivent avancer tous leurs frais.
Donc, les chiffres du premier trimestre sont faussés et ceux du deuxième trimestre, quoique dans une moindre mesure, le seront aussi. Nous écrivons à l'Insee pour leur demander comment ils ont mené leur affaire.
SH
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