«Quand on se mobilise collectivement, on peut faire reculer l’ANPE» se félicite Patrick Gimond, porte-parole de l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et précaires (APEIS) de Bègles (Gironde). Cette semaine, l’association a obtenu une victoire éclair pour une jeune chômeuse de Bordeaux, radiée par l’ANPE dans le cadre du nouveau système de sanctions entré en vigueur cet été. Virginie, trente ans, s’est retrouvée sans emploi en septembre 2004, après avoir travaillé sept ans comme surveillante dans l’éducation nationale, tout en poursuivant ses études. Elle a alors droit à 23 mois d’indemnisation et décide de préparer le concours de professeur des écoles avec le Centre national d’enseignement à distance (CNED). L’ANPE valide son projet et la laisse tranquille pendant toute l’année scolaire. Virginie échoue à l’examen et décide de le tenter une deuxième fois.
Mais, en septembre 2005, le climat a changé. Une première conseillère ANPE valide son projet, mais à l’entretien suivant, Virginie tombe sur une «conseillère terrible», qui estime «qu’elle peut parfaitement travailler tout en préparant le concours». «Elle m’a présenté deux offres d’emplois précaires pour des cours à domicile, raconte Virginie. Comme je lui expliquais que préparer ce concours, c’est du travail à temps plein, elle a fait venir la directrice d’agence qui a jugé que ma situation était inadmissible, que j’aurais dû chercher du travail dès l’année précédente. Et elle m’a annoncé qu’elle lançait une procédure de radiation.» Affolée à l’idée de perdre son allocation de 800 euros par mois, Virginie commence à chercher du travail tous azimuts et rédige un courrier à l’ANPE pour expliquer sa situation. En vain : la directrice décide une radiation de quinze jours pour «manque d’actes positifs de recherche d’emploi», qui divisera par deux son allocation en novembre.
«Cette femme m’a expliqué qu’elle n’aurait pas osé me radier deux mois comme le prévoyait l’ancien règlement, mais quinze jours, oui», se souvient Virginie. Sur son dossier, la directrice écrit : «Ne veut pas comprendre qu’elle doit travailler.» «En m’obligeant à prendre le premier boulot venu, l’ANPE m’empêchait de réussir ce concours et de faire le métier de mon choix», déplore la chômeuse. Selon le nouveau système de sanctions, elle s’expose à une nouvelle radiation de deux à six mois si elle ne se plie pas aux injonctions de l’agence.
Virginie contacte alors l’APEIS. Mardi matin, une trentaine de militants envahissent l’agence ANPE de Mériadeck à Bordeaux. «Quand ils ont été prévenus de l’occupation et de la présence de journalistes, la directrice d’agence et son supérieur sont revenus illico d’une réunion à l’extérieur, pour nous recevoir, raconte Patrick Gimond. Sans même argumenter, ils ont accepté de lever la radiation.» Virginie touchera son allocation et sera considérée comme stagiaire au CNED, ce qui la soustraira au contrôle de recherche d’emploi. «La directrice, si arrogante lors des entretiens, était toute douce, ironise Patrick. Le résultat de l’action est très positif, ça a requinqué nos militants et même des salariés de l’ANPE, qui nous ont fait comprendre qu’ils étaient d’accord avec nous.» Le militant espère que ce succès «va donner des idées à tous les chômeurs radiés qui voudraient faire quelque chose mais sont isolés».
Fanny Doumayrou pour L'Humanité.
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