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Pourtant, les difficultés rencontrées sont grandes. Même si l'on n'en meurt pas, on souffre de la faim à Paris : 44% avouent n'avoir pas trouvé à manger pendant toute une journée. La préoccupation principale, en dehors de se loger et de se nourrir, c'est de rester propre (67%), se déplacer gratuitement (38%), se soigner (26%), avoir une vie sexuelle (20%) et aller aux toilettes (12%).
Contrairement à une idée répandue, a souligné le délégué général d'Emmaüs Alain Raillard en présentant les résultats du sondage, 88% des sans-abri veulent se fixer quelque part, le nomadisme n'étant un choix de vie que pour 9% d'entre eux, un phénomène que l'on perçoit surtout chez les jeunes (14%). 70% d'entre eux rêvent d'un logement privé avec un loyer et seulement 3% de personnes choisiraient, si elles en avaient la possibilité, de vivre chez un membre de leur entourage. Et les sans-abri font des démarches pour s'en sortir (47%), surtout les jeunes adultes (54%) ou ceux qui ont un emploi (57%).
Contrairement à une autre idée répandue, a souligné Alain Raillard, 78% des personnes interrogées préfèrent le centre d'hébergement d'urgence, même pour une seule nuit, à la rue. 55% des sans-abri pensent que les centres d'hébergement doivent être situés dans le centre-ville. Les lieux d'accueil, sans hébergement, mais ouverts la nuit pour se reposer ou prendre un café, sont plébiscités à 83 %. L'enquête révèle aussi un double usage : ainsi 48% des personnes interrogées estiment que se rendre dans un lieu d'accueil est la meilleure solution pour obtenir un hébergement. 43% disent préférer le 115. De même, 69% des personnes estiment qu'il est nécessaire d'ouvrir des centres d'hébergement dans chaque arrondissement.
Pour 65% des sondés, il appartient surtout à l'Etat de financer les dispositifs d'accueil mais aussi à l'Europe (40%). Enfin, 60% des sans-abri considèrent que ce sont les travailleurs sociaux qui les ont le plus aidés à s'en sortir, particulièrement les plus âgés (65%) et ceux qui ont moins d'un an de rue (66%).
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Commentaires
Et à ceux qui m'objecteraient que ces personnes sont responsables de leur état, je réponds que nous ne somme tous responsables que d'une faible part de ce qui nous arrive, y compris les plus riches héritiers… la société est plus généreuse avec les imprudents qui vont risquer leur vie en mer ou en montagne qu'avec les SDF ! Répondre | Répondre avec citation |
par Tonino SERAFINI pour Libération.
L'hiver est une saison convenue pour des reportages sur les personnes sans domicile fixe retrouvées mortes de froid dans leurs abris de fortune. La question de l'extrême précarité et de l'exclusion faute de logement est souvent envisagée à travers le prisme climatique, comme si la météo glaciale était le seul défi ou l'unique danger qu'affrontent les hommes et les femmes qui se retrouvent à la rue.
Depuis plusieurs années, un collectif des «Morts de la rue», constitué d'une quarantaine d'associations d'aide aux SDF, s'est créé pour accompagner dignement les personnes décédées vers leur dernière demeure. Ce collectif a également entrepris de recenser, dans la limite de ses moyens, toutes ces morts anonymes. «Nos données ne sont pas exhaustives : elles proviennent des associations de terrain, de signalements des gens de la rue qui s'inquiètent de ne plus avoir de nouvelles d'un des leurs et par différentes recherches auprès des pouvoirs publics ou d'articles de journaux relatant ces décès», affirme Cécile Rocca, la coordinatrice du collectif, qui a recensé 112 morts de février à octobre 2005.
Toute l'année. Premier constat : le nombre de décès répertoriés n'est pas plus important pendant les mois d'hiver qu'au printemps ou à l'automne. Pendant la période étudiée, le froid est à l'origine de la mort de cinq personnes sur les 112. Autrement dit, les SDF meurent toute l'année, de causes diverses et variées et surtout à un âge très jeune. La durée de vie de ces 112 personnes décédées est ainsi de 49 ans, alors que l'espérance de vie de l'ensemble de la population est de 77 années pour les hommes et de 84 ans pour les femmes.
Moins de 50 ans en moyenne, mais parfois avant. Parmi les décès recensés figurent «David, 31 ans», «Pompon, 38 ans», «Marco, 45 ans», «Cow-Boy, 47 ans». Avec quelques exceptions : «Papi, 63 ans» ou «Momo le Vieux, 65 ans», deux surnoms qui sous-entendent qu'à la rue, au-delà de 60 ans, on est considéré comme très vieux. La moitié des personnes décédées pendant la période de référence ont entre 30 et 55 ans, dans un pays réputé pourtant pour son système de soins et la qualité de ses hôpitaux.
Leur jeune âge montre que la rue tue lentement en usant les gens jour après jour. «Leurs conditions de vie engendrent un état d'épuisement physique et psychologique permanent. Les sans-abri sont soumis à un stress constant : ils risquent de se faire agresser pendant leur sommeil, de se faire voler leurs affaires, leurs chaussures. Ils sont tout le temps sur le qui-vive», constate le docteur Etienne Grosdidier, médecin au Samu social.
Nourriture. Ce mode de vie très précaire se caractérise aussi par des déficits nutritionnels. Selon un sondage réalisé récemment par BVA auprès des SDF fréquentant les centres d'accueil ou d'hébergement d'Emmaüs, 44% des personnes interrogées affirment qu'il leur est déjà arrivé «souvent» ou «de temps en temps» de «ne pas trouver de quoi manger pendant toute une journée» (1). Des situations rencontrées notamment en été, lorsque les dispositifs d'aide fonctionnent au ralenti, lorsque certaines associations baissent le rideau, lorsque les commerçants ou les riverains d'un quartier qui leur donnent habituellement un coup de pouce sont en vacances.
«Les pathologies liées à leurs conditions de vie commencent à se déclarer vers 40-50 ans. On constate une usure du corps liée notamment à la malnutrition», remarque Etienne Grosdidier. Dans ses consultations, il observe des carences vitaminiques multiples très profondes, y compris en vitamine C, qui n'existe plus dans la population en général. Ce qui engendre divers troubles : anémies, hémorragies, troubles neurologiques ou cardio-vasculaires. Et aussi des carences en calcium, faute de laitages. «Les fractures, les cassures de membres sont très fréquentes chez les sans-abri», racontent les médecins. «La première question que je pose à des personnes que j'examine c'est : "Comment mangez-vous ?"», affirme pour sa part Claire Schwartz, médecin chez Emmaüs. «Parfois on me répond : "Je ne mange pas le midi."»
Suivi médical. Malnutrition mais aussi dégradation du corps provoquées par l'errance, ce qui empêche toute médecine préventive ou traitements au long cours, en particulier pour les pathologies chroniques comme le diabète, l'hypertension artérielle… Alors, pour tenir le coup et lutter contre l'angoisse, les SDF surconsomment alcool et tabac… Les pathologies cardio-vasculaires, les cirrhoses précoces, les cancers ORL sont nombreux. «A 40-50 ans, ils présentent des polypathologies très évoluées et difficiles à prendre en charge du fait de leur manque de stabilité d'habitat», indique le docteur Etienne Grosdidier.
Facteur aggravant : face aux nombreuses difficultés pour survivre au quotidien, les sans-abri finissent par considérer «les soins comme quelque chose de secondaire», se désole Claire Schwartz. Ce que confirme le sondage BVA-Emmaüs. En dehors de se nourrir et de trouver un abri, les SDF répondent que le problème le plus important pour eux est de «rester propre» et «se déplacer gratuitement». La réponse «se soigner» n'arrive qu'au troisième rang.
Mis à part les maladies, les SDF meurent souvent de mort violente : parmi les décès enregistrés par le Collectif des morts de la rue, on recense notamment huit assassinats, sept personnes brûlées vives (dans des squats, des cabanes en carton), six chutes mortelles. L'impact du froid n'est donc que très marginal dans ces décès.
(1) Sondage BVA réalisé du 17 novembre au 5 décembre auprès de 401 sans-abri hébergés par l'association Emmaüs. Répondre | Répondre avec citation |