Entretien avec Kristian Weiss, auteur du rapport «Le beurre et l'argent du beurre», publié hier par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL).
Le taux moyen de l'impôt sur les sociétés dans les pays riches a chuté de 45 à 30% depuis vingt ans. Pourquoi ?
A cause de la concurrence fiscale entre les Etats et du vent de libéralisme, qui voit l'Etat comme un ennemi. C'est manifeste depuis vingt ans, mais ça s'accélère singulièrement depuis les années 2000. C'est lié à l'accélération de la mondialisation, au désir d'attractivité d'investissements directs étrangers des gouvernements. «Dans ce monde, il n'y a rien d'assuré que la mort et les impôts», avait dit Benjamin Franklin. Pas pour les multinationales. Si l'impôt sur les sociétés continue à descendre à cette allure, leurs taux atteindront 0% au milieu du siècle...
Elles gagnent sur tous les tableaux : elles bénéficient aussi des dépenses de l'Etat (santé, éducation, infrastructure) et plaident pour davantage de dérégulation.
C'est l'ironie de l'histoire. D'un côté, pousser les gouvernements à baisser la fiscalité, de l'autre se servir des investissements publics du gouvernement pour rester compétitives. D'un côté, dire qu'il faut moins de taxes pour être compétitifs et embaucher, de l'autre, partager les profits entre actionnaires... De 2001 à 2003, les 275 plus grosses firmes américaines ont fièrement dit à leurs actionnaires avoir dégagé 1,1 milliard de dollars de bénéfices avant impôt. Mais elles n'en ont déclaré que la moitié. Et les 25 sociétés qui ont engrangé les deux tiers des avantages fiscaux concédés de 2001 à 2003, ont réduit leurs investissements de 27%.
Le moins disant fiscal, c'est le beurre, l'argent du beurre et les fesses de la crémière.
La crémière, c'est un peu le salarié... Les niveaux d'emploi sont historiquement bas, et les gains de productivité profitent aux actionnaires au détriment des travailleurs. Cela ne bénéficie pas non plus aux pays en développement : le montant de l'argent perdu dans les paradis fiscaux chaque année est six fois plus élevé que le montant pour financer l'enseignement primaire universel ! Ce laisser-faire fiscal, ajouté aux méthodes comptables innovatrices, entraîne un nivellement vers le bas. Ce qu'il faut, c'est du courage politique et une volonté claire de groupes d'Etats pour s'opposer. L'idéal ? Fixer au niveau mondial un niveau plancher de l'impôt sur les sociétés, et créer des autorités fiscales régionales et mondiales représentant les intérêts des citoyens.
(Source : Libération)
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