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Nouveau bras armé du gouvernement pour faire pression sur les chômeurs et propager l'optimisme gouvernemental (notamment à travers les déclarations de son directeur Christian Charpy, bien connu pour son positivisme), l'Agence nationale pour l'emploi poursuit son constat d'une "embellie" sur le marché de l'emploi et note même... un recul de la précarité !
Pour ce deuxième trimestre, l'ANPE indique une forte progression des "emplois durables" : 400.275 de ces offres ont concerné des CDI ou des CDD de plus de 6 mois, soit une hausse de 11,96% sur un an. Les CDI, qui auraient progressé de 6,49% sur un an, représentent désormais 69,1% des offres d'emplois durables, tandis que les recrutements pour une période inférieure à un mois connaîtraient un important recul de 16,6% par rapport au deuxième trimestre 2005 !
70% des offres restent précaires
Vu comme ça, on se croirait au paradis... Notons tout de même que les "emplois durables" ne représentent que 42% des offres de l'ANPE (400.000 sur près de 940.000), et qu'il faut donc ramener la proportion des CDI à son juste taux, c'est-à-dire 69% de 42% donc 30% des offres.
=> N'oublions pas non plus que le CNE est comptabilisé dans les CDI alors que, pendant deux ans, le salarié est maintenu dans la précarité.
=> Rajoutons à cela les fameux "contrats aidés" qui sont généralement conclus pour un minimum de 6 mois (mais dans des conditions particulièrement misérables) et donc considérés comme des "emplois durables" par l'ANPE…
=> De même, ce revirement de tendance contredit les récentes observations de l'ACOSS qui stipulaient qu'en 2005 la part des CDD a représenté 78% des "intentions d'embauche" des entreprises, et que les contrats courts (moins d'un mois) recensés en représentaient 51%. Certes, on connaît la valeur indicative des extrapolations de l'ACOSS, qui ont essentiellement servi au mensonge gouvernemental sur le CNE au vu de ses résultats définitifs. Mais il demeure stupéfiant que la précarité régresse à ce point d'une année sur l'autre alors qu'elle est une tendance lourde depuis des lustres.
L'ANPE indique également que les offres d'emplois qualifiés (cadres, agents de maîtrise et techniciens) ont augmenté de 3% au deuxième trimestre, les agents de maîtrise connaissant la plus belle progression avec une hausse de 16,3%. Comme au premier trimestre, les secteurs qui ont proposé le plus d'opportunités d'emplois sont la distribution et la vente avec plus de 117.645 offres, les services aux particuliers et aux collectivités (agents d'entretien, aides aux personnes âgées…) avec 106.251 offres, et les services administratifs et commerciaux (104.039 offres).
Quid des salaires ? Quid de la moyenne d'âge des heureux recrutés ?
Quantité et qualité à nouveau au rendez-vous : qui ose croire à ce miracle ?
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Commentaires
Comme un vrai conte de fées. Il a suffi d’un indicateur quelque peu favorable pour que le gouvernement se mette à voir la vie économique et sociale en rose. Le 11 août, l’INSEE annonçait un rebond inattendu de la croissance : le produit intérieur brut a progressé de 1,1% à 1,2% au deuxième trimestre, contre 0,5% dans les trois premiers mois de l’année. Aussitôt, les grandes orgues de la propagande ministérielle se déchaînent. En résumé, à écouter le locataire de Bercy, Thierry Breton, et le ministre du Budget, Jean-François Copé, la France verrait le bout du tunnel. «Tous les feux sont au vert», exulte Breton, pour qui «l’économie française va bien, va très bien». Sans l’ombre d’un doute, il décèle une «tendance lourde» dans cet indice de croissance, comme dans les derniers chiffres sur les créations d’emplois, promettant «plus de 200.000» postes supplémentaires au total fin 2006. Et, bien sûr, il voit dans ces résultats le triomphe de la politique gouvernementale . Ne reste plus à un Jean-François Copé non moins autosatisfait qu’à réclamer, pour la pérennité de cette heureuse tendance, «que la gauche ne gagne pas l’élection présidentielle» . Confirmation, si l’on en doutait, que la campagne pour 2007 est bel et bien engagée et que, dans ce cadre, pour certains, tout fait ventre, y compris les extrapolations les plus hasardeuses.
Décélération au 4e trimestre ?
Que valent les chiffres brandis comme autant de trophées par M. Breton ? La performance «tout à fait exceptionnelle» (dixit le ministre) d’un PIB en hausse de 1,1% est en réalité en ligne avec la progression enregistrée dans l’ensemble des pays de la zone euro (plus 0,9%) et reste deux fois moindre que la croissance mondiale. Et peut-on sérieusement conclure au «retour d’une croissance solide», durable, à partir de la tendance observée sur un trimestre seulement ? La Commission européenne prévoit déjà une décélération au 4e trimestre, accentuée début 2007. Et nombre d’économistes listent les facteurs d’incertitude pour la période à venir : ralentissement de l’économie américaine, hausse des prix du pétrole, augmentation annoncée de la TVA en Allemagne en janvier prochain, qui impactera la consommation dans ce pays et ne laisserait pas indemnes ses partenaires…
L’INSEE doit rendre publiques aujourd’hui les composantes de ce rebond de l’économie française au deuxième trimestre. Selon toute vraisemblance, la consommation des ménages a joué, comme en 2005, un rôle moteur essentiel. Il faut cependant la mauvaise foi du ministre du Budget pour y voir «le fruit des mesures prises en faveur du pouvoir d’achat». M. Copé en cite deux, le relèvement du SMIC et la revalorisation de la prime pour l’emploi, qui ne peuvent avoir joué en faveur de la croissance en avril-mai-juin, et pour cause : la première date du 1er juillet, la seconde interviendra en septembre.
Le pouvoir d’achat recule de 0,4%
Les derniers chiffres officiels sur l’évolution des salaires discréditent un peu plus le discours ministériel : le salaire mensuel de base a progressé de 0,5% au deuxième trimestre, et, compte tenu de l’inflation, le pouvoir d’achat a reculé de 0,4% par rapport au trimestre précédent. Le regain de la consommation s’explique probablement, comme ce fut le cas en 2005 selon une étude récente de l’INSEE, par un recours accru des Français à leur bas de laine et à l’endettement, solutions forcément de court terme. Et, dans un contexte d’atonie des salaires, le train de hausses de prix de la dernière période, en particulier des carburants, de l’électricité, du gaz et des loyers, le moteur consommation risque fort de s’essouffler.
«Il y a de la croissance en 2006, et c’est pour cela que le chômage baisse», martèle encore le ministre de l’Économie. L’INSEE, dans sa dernière note de conjoncture, présente les choses un peu différemment. Prévoyant près de 200.000 créations de postes cette année, l’Institut de la statistique souligne le rôle de l’emploi aidé (politique d’abord dénigrée par le gouvernement avant d’être reprise en grand sous l’égide de Borloo), en forte progression dans le secteur non marchand. Dans le secteur privé, 76.000 postes seraient créés, guère plus qu’en 2005 (63.000). Peut-on vraiment s’emballer devant de telles perspectives sachant que le sous-emploi frappe en France quelque 4 millions de personnes ? Sachant aussi la nature très précaire d’un grand nombre de ces nouveaux jobs, en particulier dans le secteur des services à la personne.
Le déficit commercial se creuse
Dernier indicateur mentionné pour créditer la thèse d’une «tendance lourde» à la reprise : les «records» atteints par les exportations (+ 7,4% au premier semestre). Problème : les importations, elles aussi, augmentent fortement, et le déficit commercial se creuse. Un phénomène qui, analyse la CGT, «traduit la faiblesse du tissu productif pour répondre à la demande adressée aux entreprises», «résultat de plusieurs années d’insuffisance, voire de baisse des investissements productifs, de fermetures de sites, de délocalisations ». La preuve, dernièrement, par SEB qui, après avoir fermé plusieurs sites dans l’Hexagone, rachète une entreprise chinoise. Dans une étude publiée vendredi, l’INSEE confirme le diagnostic : en 2005, la production manufacturière a «marqué le pas» (plus 0,3%), «les ventes de l’industrie française occupent sur le marché domestique une place déclinante et perdent du terrain face à la concurrence étrangère».
Ces nombreuses fausses notes n’empêchent pas le ministre de l’Économie de proclamer la réussite de sa politique fondée sur la «maîtrise des déficits publics et le désendettement qui, dit-il, créent la confiance, condition préalable à la croissance». Et M. Breton d’en profiter pour confirmer le prochain durcissement de cette thérapie : le gouvernement veut réduire de 1% en volume les dépenses de l’État dans le prochain budget, ce qui serait sans précédent, et annoncerait des lendemains douloureux dans les nombreux domaines en mal d’investissemen ts publics. La seule confiance ainsi générée est en réalité celle des marchés financiers qui prospèrent chaque fois que l’argent est détourné de dépenses utiles, sociales, publiques, et orienté dans le grand chaudron de la spéculation financière. Pour ce qui est des salariés, comme le note la CGT, «la confiance ne viendra que d’une amélioration réelle de l’emploi, des salaires et du pouvoir d’achat», seule à même, avec une relance de l’investissemen t productif, d’enclencher «une croissance solide». Sur ces plans, les réalités vécues par la grande majorité de nos concitoyens comme l’ensemble des indicateurs montrent qu’on est loin du compte.
Yves Housson pour L'Humanité Répondre | Répondre avec citation |
A découvrir sur le Petit observatoire du recrutement de notre ami Olivier.
De septembre 2005 à septembre 2006 (sources ANPE et DARES)
Progression de tous les types d'offres : + 0,3%
Progression des "emplois durables" : - 2,6%
Progression des emplois "occasionnels" : + 13,4% Répondre | Répondre avec citation |