"Le problème a commencé au début de cette année, au printemps", témoigne Jaroslaw Olesinski, un petit entrepreneur de maçonnerie à Varsovie, "tout d'un coup, j'ai perdu la moitié de mon équipe. Ils sont tous partis travailler à l'étranger et c'était les meilleurs". "Ceux qui sont restés sont moyens, ils sont peu qualifiés, on cherche des nouveaux depuis six mois mais on ne trouve pas", se désole-t-il.
Fin 2005, il a signé toute une série de contrats pour cette année, en pensant qu'il disposerait d'environ 30 maçons. Il n'en a actuellement qu'une quinzaine. Il n'a donc pas pu respecter les délais prescrits. "En conséquence, j'ai écopé de pénalités", explique-t-il.
Jaroslaw Olesinski a lui-même travaillé onze ans en Autriche, lorsque la Pologne était encore communiste. Depuis des décennies, les Polonais ont toujours été une main-d'oeuvre recherchée dans le bâtiment, surtout qu'ils acceptaient très souvent de travailler au noir. Mais le phénomène s'est accéléré avec l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne en mai 2004. Selon le syndicat de la construction Budowlani, environ 100.000 professionnels sont partis à l'étranger depuis. Les principales destinations sont l'Irlande et la Grande-Bretagne, où les Polonais peuvent légalement travailler, mais aussi l'Allemagne, où domine encore le travail au noir, en raison des actuelles restrictions pour les citoyens des nouveaux pays de l'UE.
Chez As-Bud, l'entreprise de Jaroslaw Olesinski, les salaires sont plutôt bons pour la Pologne, 2.000 zlotys nets d'impôt soit 500 euros par mois. Mais en Irlande ou en Grande-Bretagne, de bons professionnels peuvent espérer gagner au moins 5 fois plus. Maçons, plombiers ou électriciens ont d'autant moins peur de partir qu'ils sont assurés de retrouver facilement à tout moment un emploi en Pologne. La plupart ne se sentent pas liés à leur entreprise, car une bonne partie des employeurs polonais ont l'habitude de mettre leurs ouvriers au chômage, arrivé le mois de novembre.
La semaine dernière, dans un hôtel du centre de Varsovie, près de 8.000 personnes ont défilé dans une bourse de l'emploi organisée par l'agence publique irlandaise FAS, qui proposait 400 postes, tous dans le bâtiment. Parmi eux, Tomasz Kostrewski, un plombier de 32 ans, espérait faire partie des élus. "J'ai du travail ici, mais je cherche un meilleur emploi à l'étranger", a-t-il expliqué. "On peut vivre ici avec l'argent que je perçois mais ce n'est pas si facile d'avoir un bon niveau de vie". Comme beaucoup, il ne pense pas à un exil définitif. "Je veux juste gagner un peu plus d'argent puis revenir avec cela en Pologne".
Mais avec une telle offre de candidats, les employeurs irlandais peuvent se permettre de choisir les meilleurs. C'est un problème pour les patrons polonais, car ceux qui partent en premier sont ceux qui savent parfaitement lire les plans et maîtrisent des techniques compliquées. "Ceux qui restent sont souvent des alcooliques, il m'est arrivé plusieurs fois d'avoir un ouvrier pendant seulement un mois, une fois sa paie touchée, on ne le revoyait plus", affirme Jaroslaw Olesinski.
Le patronat ne voit guère d'autre solution que d'ouvrir la porte aux Ukrainiens, déjà nombreux à travailler clandestinement.
Le syndicat Budlowani estime lui, que, faute de pouvoir s'aligner sur les salaires irlandais, les entreprises polonaises pourraient retenir leurs ouvriers en les gardant l'hiver. Il propose que soit mis en place un système déjà en vigueur dans plusieurs pays européens : en été, les ouvriers travailleraient beaucoup sans être payés en heures supplémentaires, en revanche, ils seraient payés sur toute l'année.
(Source : Voila.fr)
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