Si besoin, une petite séance de rattrapage sur cette étude qui prétend que la durée effective annuelle de travail des salariés à temps plein en France est, avec la Finlande, la plus faible d'Europe. Il est bon de savoir que COE-Rexecode est un cabinet d'études économiques proche du grand patronat, dont les adhérents sont la quasi-totalité des principales banques françaises ainsi que des groupes comme Bouygues, Areva, PSA, Lafarge ou L'Oréal.
Puis l'immédiate et très prévisible réaction de Xavier Bertrand à ces résultats contestables (et d'ailleurs contestés).
Il faut travailler davantage ? Mais comment, alors que les plans d'austérité appliqués un peu partout sont une erreur monumentale qui nous pousse au bord de la récession, que les suppressions d'emplois reprennent de plus belle et qu'en ce moment, chaque jour en France, quelque 1.000 personnes s'inscrivent au chômage ?
Travailler davantage ? La plupart de nos 20% de salariés à temps partiel — dont la majorité sont des femmes — aimeraient bien. Même chose pour les salariés à temps plein qui vont bientôt goûter aux joies d'un chômage partiel facilité...
Travailler tout court ? Parlez-en à nos 3 millions de chômeuses & chômeurs officiels.
Faire travailler davantage de monde ? Comprendre : partager la pénurie, et à vil prix. Ils nous disent que le travail n'est pas un gâteau qu'on se partage : c'est pourtant ce qu'ils sont en train de faire, à la portion congrue. Leur solution ? Mettre la gomme sur les contrats aidés avant la présidentielle pour faire sortir des statistiques quelque 250.000 chômeurs qu'on va momentanément occuper 20 heures par semaine payées au Smic ou, dans la même veine, obliger des RSAstes à travailler 7 heures. Que du jetable sans avenir, et une véritable mise à mort des 35 heures au quotidien.
Et Xavier Bertrand de rajouter : «Si malgré ce classement, la France réussit à se maintenir, c'est parce qu'il y a une formidable productivité en France. Mais la productivité ne suffit pas, il faut aussi la compétitivité. […] Les "accords compétitivité-emploi" sont aussi l'occasion de revenir sur les 35 heures». Nous y voilà !
Et que contiennent ces "accords compétitivité-emploi" ? Notamment la possibilité, pour les employeurs, de réduire à loisir la durée du travail — et donc, de la rémunération — sans modification du contrat : en cas de refus du salarié de travailler moins pour gagner moins au nom de l'adaptation de son entreprise aux aléas de la conjoncture, il sera licencié pour motif personnel et non économique, ce qui est plus difficilement contestable aux Prud'hommes (dont on rappelle que, pour les saisir, il faut désormais s'acquitter d'une contribution de 35 €).
C'est pourquoi Xavier Bertrand atteint le comble de l'ignominie quand il déclare : «Des 35 heures, on en est sortis mais pas dans toutes les têtes. Il faut en sortir sans faire payer une deuxième fois la facture aux ouvriers et salariés»... Hallucinant !
«Le "travailler plus" a toujours son sens», conclut l'hypocrite avec panache. Sauf que l'UMP ne veut pas augmenter la durée effective du travail, bien au contraire : on se dirige de plus en plus vers l'activité réduite, l'institutionnalisation de la précarité et de l'emploi en miettes qui contribuent à tirer vers le bas l'ensemble des salaires. L'UMP joue donc sur les mots car son véritable objectif n'est que l'augmentation de la durée légale du travail qui permet, par exemple, de relever le seuil de déclenchement du paiement des heures supplémentaires en cas de reprise de l'activité. Que voulez-vous, pour renouer avec la compétitivité, il n'y a pas de petites économies, et il revient aux salariés d'en payer le prix.
SH
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Commentaires
Je pense qu'on est en train de revenir progressivement et insidieusement à l'esclavage. Un esclavage politiquement correct ou le "salarié/esclave" gagne tous juste de quoi survivre.
On pourrait dire que les esclaves d'antan ne gagnait rien,mais leurs patrons leurs donnaient quand même de quoi manger et se loger. Car un esclave mort ou malade ne sert plus à grand chose. Aujourd'hui ces maigres moyens de subsistance ont été remplacés par un salaire de misère. Mais le mécanisme est le même, on garde les salariés apte au travail en leurs donnant a peine de quoi subvenir a leurs besoins de première nécessité… Autrement dit vivre pour travailler, survivre, a peine, pour que quelques uns s'en mettent plein les fouilles…
Quand diable et ce que la France se réveilleras? Quand nous nous réveillerons soudainement en plein moyen-âge ? Le gouvernement devrait être traqué et puni pour ce qu'il fait subir au peuple… Répondre | Répondre avec citation |
LE Français ne bosse pas assez. Ce constat, qui barrait la une du Figaro et des Echos le 12 janvier, a pour auteur Coe-Rexecode, un institut «indépendant des pouvoirs publics». Une solide garantie ? Selon les conclusions de ses travaux, les salariés français travaillent 225 heures de moins par an que leurs concurrents allemands.
Quelques semaines plus tôt, le 6 décembre, Libération s'appuyait au contraire sur une étude d'Eurostat, l'organisme européen de statistiques, pour démolir l'image du Teuton travailleur face à un Gaulois paresseux : selon ses chiffres, nos voisins triment en moyenne 34,5 heures par semaine, soit moins que les Français (36,6). Bref, c'est comme au loto : il suffit de lancer les boules pour récolter un chiffre différent.
Ce temps passé au boulot n'est d'ailleurs pas une donnée aussi importante que les statisticiens savants de Rexecode l'affirment. Selon les chiffres de l'OCDE, la Grèce arrive juste après la Corée dans le palmarès mondial du temps de travail (2.119 heures/an au turbin), ce qui ne l'empêche pas d'être dans la panade. A l'inverse, les pays européens du Nord, où l'on trouve, bien avant la France, le plus considérable ramassis de fainéants (Allemagne, Pays-Bas, et Danemark), ont conservé leur triple A. Décourageant.
Comme l'avait déjà fait Sarko en 2007, Copé a salué cet institut «indépendant» qui a tiré la sonnette d'alarme. En fait, Rexeco (sa première dénomination) a été créé par un président et un secrétaire général du CNPF (l'ancienne appellation du Medef). Il a ensuite fusionné avec le service de conjoncture de la chambre de commerce de Paris. Son conseil d'orientation se compose uniquement de dirigeants du Medef ou de très grosses boîtes.
Cet institut éminent n'en est pas à son premier exploit. Moins de trois semaines avant le premier tour de la présidentielle de 1981, Rexeco avait publié une étude sur l'impact de la crise économique (déjà…). D'après ses prévisions, il fallait craindre 450.000 chômeurs de plus à l'horizon 1985. Une manière délicate de conseiller aux électeurs de garder Giscard à la barre plutôt que de risquer l'aventure sociale-communiste. Les électeurs ne l'ont pas écouté et, de 1981 à 1985, il n'a été recensé que 137.000 chômeurs de plus, et non 450.000.
Aujourd'hui, c'est au secours des idées de Sarko que vole cet institut «indépendant». Attention : ça pourrait lui porter malheur.
Alain Guédé - Le Canard Enchaîné Répondre | Répondre avec citation |