Face à la persistance depuis trois décennies d’un chômage de masse et au développement de la précarité de l’emploi, il est nécessaire de refonder la protection sociale et les droits des personnes sans emploi ou alternant emploi et chômage.
Le chômage est un choix de société et un outil majeur du patronat et du pouvoir pour faire pression à la baisse sur les salaires, casser les acquis sociaux. C’est pourquoi le chômage est de plus en plus mal indemnisé : moins de la moitié des demandeurs d’emploi recensés sont actuellement indemnisés, pour des durées de plus en plus courtes. Ils sont soumis au harcèlement du service de l’emploi et de l’UNEDIC pour accepter n’importe quel emploi à n’importe quelles conditions.
Face à cette offensive principalement menée par le MEDEF, nous opposons le droit à un emploi bien payé et de qualité, le droit à une garantie de revenu, et l’instauration d’une continuité des droits pour tous et toutes.
Au fil des renégociations UNEDIC, l’indemnisation s’est dégradée, les conditions pour y accéder se sont durcies, alors que la déréglementation et la précarité se sont généralisées sur le marché de l’emploi : en 1979, il suffisait pour un salarié d’avoir cotisé 3 mois pour ouvrir droit à l’indemnisation ; aujourd’hui, à l’exception des intermittents du spectacle qui peuvent encore ouvrir des droits, eux aussi diminués, sur la base de 507 heures d’emploi, toutes les personnes ayant été employées moins de 6 mois dans les 22 derniers mois demeurent exclues de l’assurance-chômage. La Convention UNEDIC 2006 et la réorganisation des filières ont entraîné l’amputation des droits de 187.000 personnes.
Alors que l’activité à temps partiel se développe, les règles de cumul allocation/salaire se durcissent. Désormais ce cumul sera autorisé à condition de ne pas dépasser 110 heures d’emploi mensuel (au lieu de 136) pour une durée limitée à 15 mois (au lieu de 18). Les chômeurs saisonniers, parents pauvres de l’assurance-chômage, ne peuvent désormais bénéficier que de 3 périodes successives d’indemnisation. En 2005, pour la première fois, les allocations chômage n’ont pas été rehaussées.
Le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle (annexes 8 et 10 de l’UNEDIC) a subi de graves atteintes, avec la suppression de la date anniversaire de recalcul des droits, la baisse de la durée d’indemnisation – 8 mois au lieu de 12 - et la «sanctuarisation» du régime -, presque plus aucune prise en compte des heures venant d’autres activités, attaques qui ont jeté dans la précarité des dizaines de milliers de personnes, dont une partie n’a pu avoir accès qu’à une allocation de fonds transitoire (AFT) dont on programme la disparition. La plate-forme commune, issue des propositions de la Coordination des Intermittents et Précaires et de la CGT, élaborée dans le comité de suivi à l’Assemblée nationale et qui a donné lieu à une proposition de loi soutenue par plus de 470 parlementaires, n’est pas même examinée par le gouvernement et les signataires des accords à l’UNEDIC, alors qu’elle est réputée plus adaptée et plus vertueuse (incitation à la déclaration, plafonnement des allocations versées en fonction des salaires perçus).
En matière de formation, l’allocation de formation-reclassement (AFR) créée en 1988 permettait aux chômeurs indemnisés de continuer à percevoir leurs allocations tout en suivant une formation d’une durée minimale de 40 heures et maximale de 3 ans. Réduite en 1997, l’AFR a été supprimée en 2001 avec la mise en place du Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (PARE). Une prise en charge des frais de formation n’est maintenant possible qu’à condition que la formation soit homologuée par l’Assedic (formations courtes et sur les métiers «en tension»).
Aujourd’hui, plus de 6 millions de personnes dépendent des minima sociaux (3,3 millions d’allocataires et leurs ayant-droits). Alors que les fraudes aux minima sociaux ne concernent que 0,00014% des allocataires et que 42,8% des dossiers RMI supportent déjà des contrôles rigoureux, la réforme en cours de ces minima a pour principales dispositions la mise en place d’amendes allant jusqu’à 4.500 euros, la création d’une Allocation Unique d’Insertion qui regrouperait le RMI, l’API (allocation de parent isolé) et l’ASS (allocation spécifique de solidarité), dont la finalité selon le gouvernement serait de «remettre l’activité au cœur de la politique sociale». Alors qu’en 1990, un RMI mensuel équivalait à 67 SMIC horaires, en 2004 il n’équivaut plus qu’à 50 SMIC horaires !
La précarité comme le chômage sont déjà majoritairement féminins. La précarité de l’emploi a considérablement augmenté et est devenue la norme pour les jeunes générations : 80% des embauches se font en CDD d’une durée moyenne d’un mois et demi. Le CNE créé en août 2005 et permettant le licenciement sans motif pendant 2 ans, c’est-à-dire le renoncement à toute revendication salariale et syndicale, a été une aubaine pour les petites entreprises (la plupart du temps en lieu et place de CDI ou de CDD) et reste accessible à toutes les entreprises de moins de 20 salariés (soit 6 millions de salariés). On dénombre 800.000 stages, pour la plupart non rémunérés et non considérés comme des contrats de travail, qui constituent autant d’emplois déguisés.
Les fins de CDD et d’intérim sont la principale cause d’entrée au chômage, devant les licenciements. Les entreprises qui pratiquent la flexibilité à tout va doivent payer pour les coûts sociaux engendrés.
Les organisations de chômeurs et de lutte contre le chômage, AC!, APEIS, MNCP, les associations de précaires, Génération Précaire et Stop-Précarité, la Coordination des Intermittents et Précaires, le Collectif National pour les Droits des Femmes, Act-Up, considèrent avec intérêt les propositions de «nouveau statut du salarié» de l’Union syndicale Solidaires, et de «sécurité sociale professionnelle» de la CGT. Elles réaffirment que tout système de protection contre les licenciements et de sécurité économique et sociale ne peut répondre aux défis de la période que s’il est ouvert à tous-tes, salariés potentiels, en poste ou non, chômeurs, primo-demandeurs d’emploi, travailleurs indépendants. Personne ne doit rester sur le bord du chemin. Le système de protection que nous réclamons doit être universel pour répondre à la balkanisation actuelle du système d’assurance-chômage (allocations Assedic «capitalisées» par filières) et à la stigmatisation des allocataires du système d’assistance (minima sociaux). Nous refusons toute logique de «workfare» (retour contraint à un emploi) ou de «learnfare» (obligation d’accepter une formation au rabais). Le niveau de revenu garanti doit permettre de vivre décemment. Aussi les associations de chômeurs et de précaires exigent-elles l’ouverture rapide de négociations pour la refonte du système d’assurance chômage, devenu totalement inadapté aux enjeux actuels, et la création de droits nouveaux pour les chômeurs et l’ensemble des salariés autour des revendications suivantes :
• L’accès de tous les chômeurs et précaires (travailleurs en emploi discontinu, étudiants, stagiaires, en temps partiel imposé, allocataires de minima sociaux dont allocataires de l’AAH - allocation d’adulte handicapé, etc…), y compris les primo-demandeurs d’emploi, à un statut de vie sociale et professionnelle garantissant dans tous les cas (licenciement, fin de CDD ou de mission d’intérim, démission…) le maintien d’un revenu individuel décent ayant pour référence le SMIC revalorisé et des droits sociaux afférents à ce statut (formation, points de retraite, progression de carrière…), et la possibilité de tout-e travailleur-se à temps partiel imposé de passer sur demande à temps plein. Ce statut de vie sociale et professionnelle devra être complété par la mise en œuvre d’un droit au logement et à la santé pour tous. Il devra permettre la libre gestion de son parcours de vie et n’être conditionné ni à des critères imposés d’employabilité ni à des démarches d’insertion forcée.
• La création d’un fonds national pour l’indemnisation et la formation, interprofessionnel et mutualisé, pour financer la mise en place du statut de vie sociale et professionnelle. Il doit être basé sur une nouvelle répartition de la richesse produite. Il sera abondé par une nouvelle forme de prélèvement social (majoré pour les entreprises qui précarisent) et par des versements de l’Etat (en partie alimentés par le redéploiement des fonds dédiés aux minima sociaux et aux aides aux entreprises). La gestion de ce fonds sera assurée par des élus des organisations syndicales, le patronat, et l’Etat, avec obligation de transparence et sous le contrôle des associations de chômeurs et de précaires, et de l’ensemble des premiers concernés.
Le 25 septembre 2006
Premiers signataires : AC!, ACT-UP, APEIS, Collectif National pour les Droits des Femmes, Coordination des Intermittents et Précaires, Génération Précaire, MNCP, Stop-Précarité, Union syndicale Solidaires.
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