Si le secteur financier anglo-saxon (y compris la filiale britannique d'Axa) déplace ses activités depuis de nombreuses années en Inde, ce type de transfert était impensable dans l'Hexagone, tant la santé des assureurs et des banquiers y est florissante.
Dévoilé en juin, le projet "Ambition 2012" d'Axa France vise à réaliser des "performances" supérieures à celles de la profession. La firme profite notamment du "papy boom" pour réorganiser ses effectifs : 4.500 de ses 14.000 salariés devraient partir d'ici à six ans. Un tiers ne sera pas remplacé. Sur les 3.000 embauchés, la moitié le sera en France, l'autre au Maroc.
Tous les syndicats demandent le retrait de ce projet avant la réunion du comité d'entreprise, le 12 octobre. Mais la direction avance deux arguments pour justifier son choix : une économie de 75 millions d'euros par an, et une meilleure qualité du service grâce à des horaires étendus.
Elle attribue sa décision à l'échec de la négociation avec les centrales syndicales "sur la flexibilité du travail". "Aujourd'hui, faute d'accord, nous ne pouvons pas ouvrir nos plateformes téléphoniques au-delà de 17h30, jusqu'à 20 heures, et pas le samedi", déplore Alain Roubin, directeur du développement social. "On ne nous a jamais présenté la flexibilité comme une alternative à la délocalisation", rétorque Maurice Zylberberg (CFDT).
Pour les syndicats, ce transfert ne doit pas être "présenté comme une évidence", surtout au vu de l'importance des bénéfices du groupe. Les 3.000 embauches peuvent être réalisées en France. De plus, cette mesure ternit l'image d'entreprise citoyenne dont se prévaut Axa. "Au contraire, affirme M. Roubin, il est sage que, malgré nos bons résultats, nous envisagions le futur pour sécuriser l'emploi de nos salariés."
Cette décision intervient dans un contexte de concurrence accrue. "Axa est dans une logique de reconquête de parts de marchés. Il l'a fait dans un premier temps en segmentant son offre, explique Cyrille Chartier-Kastler, vice-président du cabinet de conseil Solving, il s'attaque maintenant aux tarifs, en faisant baisser ses coûts. Beaucoup a été fait. La délocalisation leur permet d'aller au-delà." Selon lui, ses concurrents se poseront tôt ou tard la question de la délocalisation.
La décision d'Axa est aussi commentée dans le monde bancaire, où les délocalisations restent limitées aux emplois très qualifiés, donc aux plus gros salaires, dans la banque d'investissement, à Londres. A en croire les banques - qui, toutes, créent des emplois en France -, aucun projet de délocalisation d'emplois peu qualifiés dans des pays en développement n'est à l'étude. "Nous sommes au contraire en relocalisation d'emplois, fait-on valoir chez BNP Paribas, 10.000 personnes en France travaillent pour nos activités internationales !" Chaque année depuis trois ans, la banque crée 1.000 emplois net.
Ainsi la banque de détail, un métier de proximité, serait par nature moins délocalisable que l'assurance, une activité plus industrielle. "Nous n'employons pas de télé-opérateurs dans nos centres d'appel, précise BNP Paribas, mais des banquiers recrutés en contrat à durée indéterminée, qui pourront poursuivre leur carrière en agences."
Ce discours est contredit par les économistes, pour qui les délocalisations constituent le corollaire de la mondialisation. "La compétition est internationale et entraîne une comparaison des coûts salariaux. Les délocalisations vont se mutiplier", estime Olivier Pastré, professeur à l'université de Paris-VIII. Il se dit favorable à "des délocalisations bien menées, qui ne détruisent pas d'emplois en France mais en créent dans les pays du Sud".
Pour Lionel Fontagné, chercheur au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), "les entreprises qui ne délocaliseront pas seront moins compétitives et perdront des emplois". "C'est une nouvelle organisation du travail, dit-il, bonne pour les entreprises mais avec un coût social important pour les emplois non qualifiés."
(Source : Le Monde)
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