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Sondage : comment inciter les chômeurs à retravailler ?

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Encore un sondage où un "échantillon représentatif de la population française" est invité à projeter ses angoisses contre ceux qu'on a privés d'emploi. C'est LH2-Louis Harris qui s'y est collé cette fois-ci pour 20 Minutes et RMC, à l'occasion de l'entrée en vigueur au 1er octobre de la "prime de retour à l'emploi" destinée aux minima sociaux qui retrouvent le chemin du boulot.

Inciter les chômeurs à accepter un emploi : cette seule formulation insinue qu'ils refusent de travailler, ces fainéants, ces assistés, pendant que les autres bossent !
Au rayon "Y'a qu'à, faut qu'on", on constate que :

• 74% des personnes interrogées se déclarent favorables à une incitation financière pour encourager les chômeurs à plus de mobilité géographique, contre 24% qui y sont opposés et 2% qui ne se prononcent pas…
Mais pourquoi inciter des chômeurs à quitter leur ville, leur famille et le peu de vie sociale qu'il leur reste, puisqu'il y a des demandeurs d'emploi partout en France et que les employeurs n'ont que l'embarras du choix ??? Pourquoi un recruteur lillois ferait-il venir un comptable marseillais alors qu'il y a sûrement des comptables disponibles et compétents dans le Nord ? Le vrai problème n'est pas la mobilité des chômeurs, mais cette pénurie d'emplois organisée qui est réelle et massive.

• 55% des interrogés sont opposés à l'idée que l'on diminue le montant des allocations chômage, contre 43% qui le souhaiteraient…
Quand on sait que l'allocation moyenne est de 800 € et de 47,8% des chômeurs ne sont pas indemnisés du tout, demandons à ces 43% s'ils accepteraient de vivre dans les mêmes conditions. On peut juste leur souhaiter qu'ils perdent aussi leur emploi pour comprendre enfin ce qu'est le chômage et la pauvreté, car considérer les chômeurs comme des brebis galeuses est en soi un déni de réalité.

• Pour inciter les chômeurs à accepter un emploi, 74% des sondés estiment qu'il faudrait une meilleure adaptation des offres d'emploi aux souhaits des chômeurs (24% sont contre) alors que 67% pensent qu'il faudrait faire "comme en Allemagne : supprimer les allocations chômage après trois offres refusées" (contre 32% qui y sont opposés)…
Ces Français, aussi contradictoires que bien-pensants, accepteraient-ils eux-mêmes n'importe quel emploi n'importe où, à n'importe quel salaire ? Savent-ils seulement que 70% des offres actuelles sont des contrats précaires ? Et que savent-ils du Plan Hartz VI et des jobs à 1 euro de l'heure ? Accepteraient-ils à 45 ans d'aller trimer pour le Smic avec un Bac+2 et 20 ans d'expérience professionnelle ? On en revient au même constat édifiant sur la bassesse humaine : ce qui n'est pas bon pour moi l'est suffisamment pour les autres !

• 61% des sondés aimeraient "que l'on récompense financièrement le chômeur qui accepte une proposition d'embauche" (38% sont contre)…
C'est du gadget : pas besoin de "récompenser" un chômeur - toujours suspecté de fainéantise - qui a retrouvé un emploi digne de ce nom, c'est-à-dire procurant un vrai salaire qui lui permette de (re)vivre. Il y a là un amalgame fâcheux avec toute cette pléthore d'emplois plus ou moins précaires et payés au Smic qui sont le gros des os à ronger que l'on propose aujourd'hui aux demandeurs d'emploi et qui, effectivement, n'incitent pas à retravailler puisqu'un temps partiel au Smic ne permet pas plus de s'en sortir !!! N'ignorant pas la situation du marché de l'emploi, c'est surtout pour l'acceptation de ces boulots-là que le gouvernement sort sa carotte avec une dérisoire "prime de retour" alors que la meilleure façon de réguler le chômage et d'assainir les comptes publics, c'est de créer des emplois de qualité et bien rémunérés.

• Sur les modalités de versement de l'allocation chômage, 48% des sondés estiment qu'il faudrait "verser des allocations chômage équivalentes au dernier salaire mais sur une courte période", et 48% pensent au contraire qu'il faudrait "verser des allocations chômage moins importantes mais sur une période plus longue"…
Question esbroufe qui ne règle en rien le problème : on focalise sur la manière de "gérer" les victimes tandis que l'on évite pendant ce temps de se pencher sur les véritables causes et les vrais responsables du fléau : notre système économique et tous ses acteurs/dirigeants, qui le génèrent et s'en nourrissent. L'économiste René PASSET a dit à juste titre que les licenciements sont devenus une composante essentielle de la productivité des entreprises : les salariés passés chômeurs sont bien des agents actifs de cette productivité, qu'il faut donc récompenser et payer correctement.

• Parmi les "solutions" prioritaires envisagées pour lutter efficacement contre le chômage :
- "baisser les charges des entreprises" arrive en tête des propositions avec 47%,
- "responsabiliser davantage les chômeurs" avec 39%,
- "mettre en place une concurrence totale entre l'ANPE et des entreprises privées" avec 33%,
- "développer la formation continue" avec 32%…
Alors que la Cour des comptes vient d'épingler les politiques d'allègements de charges depuis 1993 qu'elle juge très coûteuses, incontrôlées et non évaluées quant à leurs véritables effets sur l'emploi, la majorité des ignares sondés place cette option en premier tandis que la plus essentielle arrive en dernier : la formation professionnelle continue pour tous. Et en passant on en remet une couche sur le "chômeur irresponsable" comme si, une fois de plus, il était la cause du chômage de masse alors qu'il en est la victime. Et encore une petite pique pour le Service public de l'emploi, lui aussi parfait bouc émissaire alors que ce ne sont ni l'ANPE ni l'Assedic qui créent les emplois dans ce pays.

La doxa est affligeante : rien de neuf de ce côté-ci, et le "diviser pour mieux régner" - largement utilisé par Nicolas Sarkozy qui en sait long sur la bêtise populaire - est un vieux principe qui fonctionne toujours. La peur du chômage vire à la peur du chômeur (ce que je ne veux pas devenir), la problématique collective du chômage se transforme en échec individuel (c'est de sa faute, à moi ça n'arriverait pas), les projections sont déformées et les responsabilités inversées. Comme l'écrivait Henry David Thoreau : "Il y a 999 défenseurs de la vertu pour un seul homme vertueux. La loi n'a jamais rendu les hommes un brin plus justes, et par l'effet du respect qu'ils lui témoignent, les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commissaires de l'injustice."

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Mis à jour ( Vendredi, 29 Septembre 2006 20:23 )  

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