Le 24 octobre dernier, les 320 salariés de Thomé-Génot (équipementier fabriquant de pôles d’alternateurs pour batteries de voitures, sous-traitant des sous-traitants automobiles Valeo et Visteon) sont entrés en résistance à l'annonce de la liquidation judiciaire de leurs ateliers de Nouzonville, dans les Ardennes. On n'ignore plus leur combat depuis que 240 CRS ont chargé leur usine vendredi, alors que ces ouvriers sans défense occupaient les lieux pour réclamer 30.000 € de prime de licenciement afin de pallier la défaillance de leur repreneur, un fonds d'investissement américain… "On veut cette somme parce que nos deux managers, eux, ils se sont payé des salaires de 30.000 € par mois pendant des mois et des mois", a justifié leur délégué CFDT Pascal Crépin. "On a été lésés par les pouvoirs publics et c’est pour ça qu’ils doivent trouver le moyen de nous payer", estime leur délégué FO Éric Claus.
Au premier jour des négociations avec une représentante du gouvernement, l'inter-syndicale CFDT-CGT-FO du personnel a maintenu sa demande d'une prime "supra-légale" sans condition, après avoir toutefois revu son montant à la baisse : 25.000 € par personne.
"L'Etat et le Conseil général sont prêts à apporter une aide financière, mais cette somme n'est pas suffisante par rapport à ce qu'ils demandent", a indiqué la Préfecture qui a ajouté : "L'aide ne sera versée qu'à condition que les salariés rentrent dans le CTP".
Effectivement, Charleville-Mézières et sa région (13% de chômage) sont l'un des sept "bassins d'emplois" test pour expérimenter le Contrat de transition professionnelle de Jean-Louis Borloo, dispositif de reclassement passé en force (c'est-à-dire à la dernière minute et sans concertation dans le cadre d'un projet de loi sans rapport direct avec la mesure) par le gouvernement en début d'année. Celui-ci consiste à verser 80% du salaire brut pendant un an au bénéficiaire qui s'engage à chercher un emploi, suivre une formation ou faire preuve de mobilité, en échange d'un suivi renforcé. En dépit du rejet des partenaires sociaux et de l'UNEDIC, Jean-Louis Borloo compte progressivement substituer le CTP à la CRP (Convention de reclassement personnalisé), autre dispositif douteux déjà entré en vigueur depuis juin 2005.
Un but avéré : escamoter des statistiques les chômeurs fraîchement licenciés
L'Etat propose un "CTP avec un ticket d'entrée à 8.000 €" et "6.000 € en ticket de sortie avec un emploi", a détaillé un porte-parole de l'intersyndicale CFDT. Mais les Thomé-Génot demandent "20.000 € pour tout le monde avec ou sans CTP, et 5.000 € pour celui qui prendra le CTP".
Le bras de fer se poursuit, les salariés souhaitant l'entrée dans la négociation du Conseil régional : son président PS Jean-Paul Bachy a soutenu lundi leur demande d'une prime de 30.000 €. Entre 100 et 150 personnes se sont rassemblées mardi matin devant la Préfecture en brûlant des pneus, sans bloquer l'entrée du bâtiment.
Le Contrat de Transition Professionnelle, tout comme la Convention de reclassement personnalisé, n'offre rien de plus solide que le dispositif classique (PARE - Plan d'aide au retour à l'emploi), mais il a l'immense avantage de transformer le nouveau demandeur d'emploi en «salarié en transition» (doux euphémisme !) qui va le propulser directement en catégorie 4 - stagiaires de la formation professionnelle, non comptabilisés dans les statistiques du chômage. Ainsi, des dizaines de milliers de licenciés n'apparaissent pas dans les chiffres officiels. Ce chantage à la CTP dans le conflit Thomé-Génot est symptomatique du mépris des pouvoirs publics face à la détresse des privés d'emploi dont on bafoue la dignité, au nom des "bons résultats" du gouvernement.
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