Selon les chiffres provisoires diffusés ce matin par le ministère de l'Emploi, la création d'emplois salariés dans le secteur concurrentiel au 3e trimestre 2006 a notablement molli : + 0,1% soit 14.500 postes. Depuis la "reprise" entamée au deuxième trimestre 2005, la France a continué de créer des emplois dans le secteur privé au rythme de 0,9% soit 131.900 postes sur un an mais la courbe a nettement ralenti ce trimestre, en particulier dans le secteur tertiaire qui inclut l'intérim : la performance est quatre fois inférieure au trimestre précédent (+ 0,2% soit 58.200 postes) où le travail temporaire avait largement joué "les pompiers de l'emploi".
La décomposition par secteur d'activité accentue les inquiétudes car non seulement l'industrie reste sur la mauvaise pente (77.600 postes en moins cette année… au total 2,17 millions de destructions d'emplois nettes dans l'industrie manufacturière depuis 1974), mais la majeure partie des créations d'emploi du 3e trimestre 2006 sont à mettre au compte du BTP où une baisse de régime est attendue par plusieurs économistes...
Les «experts» se réveillent
"Mou", "intrigant"… Les économistes n'ont pas manqué de réagir aujourd'hui, même s'ils n'attendaient pas de miracle après la déception réservée par les chiffres du PIB à savoir une croissance zéro au 3e trimestre : Thierry Breton peut, lui aussi, jeter sa boule de cristal. "Les entreprises ont mis les deux pieds sur le frein (de l'embauche) au deuxième trimestre et sont instantanément ajustés à la conjoncture, même dans le secteur des services", relève Nicolas Bouzou, économiste chez Asteres. La perspective d'un fléchissement de croissance en 2007 ajoute aux craintes pesant sur "le cercle vertueux" de la baisse du chômage, dans lequel notre Jean-Louis Borloo national assurait récemment que la France était rentrée !
"Une question s'impose : comment le chômage peut-il baisser aussi fortement avec si peu de créations d'emploi ?", s'interroge enfin Marc Touati, économiste chez Natexis Banques populaires. Certaines explications, à ce que certains de ses confrères qualifient de "trou statistique", est à chercher du côté de la démographie, des départs en retraite et de l'emploi aidé : "Seul un tiers de la baisse du chômage est dû à de véritables créations d'emplois. Les deux autres tiers sont dus au papy-boom, à la plus grande rigueur dans la comptabilisation du nombre de chômeurs, et au traitement social du chômage au travers des emplois subventionnés, des stages, contrats de formation, etc…", estime-t-il.
"On se laisse un peu griser par une baisse du chômage extraordinaire et on pense que ces chiffres correspondent à des créations d'emploi mais en réalité, ils tiennent au fait que la population active progresse moins qu'au début des années 2000", juge de son côté Eric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Economiste : une sacrée bonne planque ?
Vu le temps qu'ils ont mis à se poser les bonnes questions, on se demande comment ces économistes justifient leur salaire. Seule leur explication sur le traitement social du chômage est juste, même s'ils ne pipent mot sur cette nouvelle forme de sous-emploi forcé dont l'instabilité et la faible rémunération contribuent aux inégalités en France, a pourtant affirmé Jacques Delors dans sa présentation du dernier rapport du CERC sur l'emploi et les revenus.
Mais pour le reste, c'est zéro pointé !
Ils continuent de se tromper quand ils disent que le papy-boom contribue à la baisse du chômage alors qu'il n'en est rien : sur les 600.000 départs annuels à la retraite actuels et escomptés pour les années à venir, seul un tiers des postes seraient visiblement maintenus, les autres ayant été supprimés ou délocalisés. Pour un tiers des entreprises, le papy-boom est surtout une occasion rêvée de réduire les effectifs.
Leurs élucubrations sur "la plus grande rigueur dans la comptabilisation du nombre de chômeurs" sont particulièrement indignes quand on sait que les chômeurs officiels de catégorie 1 ne représentent que 57% de tous les inscrits à l'ANPE, que 60% des 1,26 million de RMIstes ne pointe pas à l'ANPE et que les 47% de demandeurs d'emploi qui ne sont pas indemnisés par l'assurance-chômage demeurent également invisibles.
Quant à la progression de la population active, on voit que l'INSEE est revenu sur ses prévisions de 2001 et qu'elle continuera d'augmenter jusqu'en 2014...
Je ferais bien économiste, moi !
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