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ASS : 3.800 sanctions en un an !

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La réforme du contrôle des demandeurs d'emploi, entrée en vigueur le 2 août 2005, n'a surtout pas épargné les plus démunis des chômeurs indemnisés puisque 17% des sanctionnés sont des allocataires de l'ASS (allocation spécifique de solidarité = 14,25 € par jour). Des punitions scandaleuses appliquées envers des individus qui n'ont déjà pas les moyens de vivre.

Selon un article des Echos paru mardi et qui estime que les sanctions sont plus nombreuses mais "plus justes", le renforcement du contrôle des chômeurs et son système de gradation des sanctions (1) a entraîné le quasi-doublement (+ 96,3%) des pénalités prononcées à l'encontre des allocataires de l'assurance-chômage depuis sa mise en œuvre. Pourtant, à ce jour, la DGTEFP (Direction générale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle) ne recense au total que 1,08% de "manquements" aux obligations du demandeur d'emploi : être en recherche active, suivre les propositions de l'ANPE, etc… Ce qui est fort peu.

Tant d'efforts pour de si petites économies laisse songeur, d'autant plus que visiblement les services de l'Etat ont du mal à suivre... En attendant, l'impact moral et financier sur ces chômeurs pénalisés est d'une ampleur certaine. Les Echos notent que peu d'entre eux (13%) osent contester les sanctions en commission tripartite. Si le Ministère du travail justifie ce faible score par "la plus grande justesse des décisions", il manque curieusement de psychologie : en général, plus on vous met la tête sous l'eau, moins on a d'énergie pour se défendre et la pente devient très glissante.

Qu'un demandeur d'emploi percevant une allocation supérieure au Smic ne fasse pas ce qu'il faut pour retrouver du travail, cela mérite sûrement un rappel à l'ordre, puis une sanction. Le salarié qui perd son emploi subit déjà une baisse importante de son pouvoir d'achat qui l'oblige à réajuster ses frais et modifier son train de vie : si son allocation lui permet encore de s'en sortir, il doit consacrer une part de son budget à ses obligations de recherche. Mais quand le demandeur d'emploi se retrouve dans une situation financière difficile, comment lui reprocher de ne pas joindre les deux bouts ? Et quand l'ANPE le contraint à participer à des ateliers inutiles puis à accepter un poste qui ne lui convient pas, quelle est la limite entre le manquement simple et l'obligation arbitraire ?

Dynamiser, ou enfoncer ?

Parmi les 23.000 chômeurs ainsi épinglés, on compte 3.800 allocataires de l'ASS. "Seulement", estiment Les Echos dans leur article ! Beaucoup trop, quand on sait que ces personnes vivent avec 430 € par mois… mais Les Echos en ont-ils seulement l'idée ?

Donc, le contrôle se focalise sur les privés d'emploi de longue durée dont le "manque de dynamisme" est flagrant. Avant de savoir pourquoi ces personnes sont restées aussi longtemps sans retrouver de travail, personne ne se souvient qu'entre 2001 et 2003 les destructions d'emplois ont fait rage : pour ceux et celles qui ont été licencié(e)s à cette époque, si par malheur la limite d'âge était dépassée - aujourd'hui, 38 ans - et le parcours trop "atypique", il n'y avait aucune chance de sortir de ce piège. Sauf, peut-être, d'accepter un emploi sous-dimensionné avec un salaire au Smic (et c'est bien vers cela que l'on tend). Alors on cherche, on cherche, en vain, on accumule les réponses négatives, le temps passe et on devient "inemployable". Arrive la fin de droits et l'ASS : la perte de revenu est immense, on ne s'achète plus de viande rouge ou de vêtements, on n'a même plus d'argent pour s'acheter des timbres, de l'encre, du papier et des enveloppes. On continue à envoyer des candidatures et puis un jour, on lève le pied parce qu'on en a marre de toute cette comédie et qu'on a envie d'aller enfin se faire plaisir chez le coiffeur ou se racheter des slips neufs.

C'est là qu'on décide de vous contrôler. Pas de pitié : vous aurez beau dire que votre loyer équivaut à votre ASS + l'APL, que vous bouffez parce que votre mère pioche dans son compte sur livret, que vous êtes Bac + 2 avec 20 ans d'expérience et qu'un job au Smic ne règlera rien car qu'il vous faut un vrai emploi pour sortir de l'assistance... vous n'avez pas rempli vos obligations, et la sanction tombe !

345 € pour se remotiver

A quoi cela sert-il de réduire de 20% une ASS à 430 € pendant deux mois ? Le contrôleur, qui ne s'est pas senti coupable d'appliquer une règle aussi absurde qu'injuste, croit-il que le chômeur découragé qu'il vient de punir va retrouver le moral pour retourner "se vendre" sur un marché du travail qui le rejette depuis des années ? Avec quoi va-t-il payer ses prochaines factures de téléphone et d'électricité ?

On pense à l'expérience de Milgram où des sujets comme vous et moi, soucieux de bien suivre les instructions données par un décideur en blouse blanche, n'ont pas hésité à infliger des décharges électriques mortelles à de faux élèves pour les punir quand ils ne répondaient pas correctement aux questions posées. Comment les individus peuvent-ils concilier les impératifs de l’autorité avec la voix de la conscience ? Où commence la responsabilité individuelle ? Quelles sont les limites de l’obéissance ? Je pose la question à tous ces contrôleurs munis d'un nouveau pouvoir, eux-mêmes contrôlés par leur hiérarchie : alors que l'emploi stagne et que 70% des offres sont précaires, est-ce en s'acharnant et en humiliant à ce point les plus exclus des exclus qu'on fera reculer le chômage ?

(1) Le contrôleur peut choisir de réduire le montant et/ou la durée des allocations. Les sanctions les plus fréquentes sont la réduction de 20% des allocations pendant deux mois (premier manquement). Mais elles peuvent aller jusqu'à 50% (récidive) et six mois. Sur un an, il y a eu 1.300 suppressions définitives.

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