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Les chômeurs ne «passent» pas à la télé

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Sur tous les plateaux où l'on cause chômage, il n'y a jamais de chômeurs. Ou alors ils font tapisserie, le montage se chargeant de leur couper le caquet s'ils osent dévier de leur cas personnel - ô doux frisson de tragédie télégénique… - pour aborder le terrain politique et économique : trop dérangeant !

On ne recense qu’1,8 million de salariés syndiqués mais ce sont leurs organisations majoritaires qui siègent à l'Unedic, là où elles décident du sort des chômeurs qui sont au moins 4 millions, abandonnés, méprisés par ces syndicats (1) et dont les associations de défense (2) n'ont pas droit de cité. Il en est de même à la télévision : des animateurs consensuels, des politiques à l'abri du besoin, des "experts" journalistes, des "experts" sociologues ou économistes, des "philosophes" ex soixante-huitards et autres écrivains de passage - toujours les mêmes dans leurs petits chaussons - qui sont conviés à parler à leur place. Jamais on ne les invite, jamais on ne leur donne la parole. Tout se disserte et se conclut sur leur dos, sans aucune légitimité.

Qui veut-on ménager ? Le privé d'emploi fait-il peur parce qu'il est le reflet inquiétant de ce que le téléspectateur lambda ne veut pas devenir ? Parce qu'il pourrait déstabiliser un homme politique traité en vedette ? Ou parce qu'ils sont trop bêtes, ces losers, pour s'exprimer eux-mêmes sur la problématique du chômage dans les émissions dites "sérieuses" ?

Un «bon chômeur» est-il un chômeur invisible qui se tait et subit, comme il doit accepter n'importe quel boulot ? Privé de travail = privé de télé ?

Du Grand Guignol à l'info

Certains talk-shows tentent de rendre le chômeur "présentable". Par exemple chez Delarue où parfois on fait pleurer dans les chaumières avec des pauvres, ça change des peines de cœur et des tragédies familiales. Le 28 septembre 2005, "Ça se discute" s'interrogeait : Pauvreté, sommes-nous tous à l'abri ? en recevant des témoins soigneusement mis en scène pour être rendus sympathiques. Trois heures d'enregistrement, mais deux heures d'émission : faut pas déborder, rester inoffensif, sinon le montage s'en charge pour vous. Un pauvre qui réfléchit trop, un chômeur qui dénonce, ça fait désordre.
Il y a, bien sûr, les journaux télévisés qui parfois, au gré de l'actualité, distillent quelques secondes d'antenne à des privés d'emploi. Là aussi, sur une demi-heure d'enregistrement le résultat est affligeant et les banalités sont de mise - mais pas l'info - et le style "micro-trottoir" reste le plus usité car il ne faut pas froisser l'idéologie dominante. Il y a même France 2 qui, dans un grand élan de propagande anti-chômeurs en plein JT de 20H, a récemment interviewé un certain Thierry F., profiteur de l'Assedic vingt ans durant. Courageux, il n'a pas témoigné à visage découvert… comme c'est crédible !

Alors, il y a bien eu François DESANTI (3) qu'on a pu voir l'année dernière à "C dans l'air" (France 5), un vrai chômeur militant qui sait de quoi il en retourne et à qui on ne la raconte pas. Il serait même passé mardi 31 octobre chez Fogiel (M6) face au soi-disant économiste Jacques Marseille : dommage, je l'ai loupé ! J'aurais bien voulu voir comment un «pro» comme lui s'en est sorti face à l'animateur le plus superficiel et le plus impoli du PAF. A-t-il réussi à finir ses phrases, à leur tenir tête ? Parfois, lorsqu'on est en direct et qu'on a si peu de temps pour s'exprimer, adieu la courtoisie : il ne faut vraiment pas laisser la parole à l'autre. Belle expression de la "démocrassie grand public" chez les pipoles.

Le chômeur, Arlésienne du PAF

Comme on le voit, les vrais chômeurs à la télé, ça reste furtif ou exceptionnel, ça nourrit le scoop ou la sensation, rien de profond, rien de tangible. A quelques mois des élections on parle de chômage à longueurs d'antennes, mais les véritables protagonistes du drame social, enjeu de 2007, sont honteusement mis à l'écart.

Culture zapping oblige, la plupart des émissions fait dans le court, l'expéditif, le fourre-tout : impossible de creuser sérieusement un sujet aux implications aussi vastes. Donc on fait semblant, ou alors on évite. Quand elles sont tournées "dans les conditions du direct", ces émissions de débat sont aussi lissées, retouchées au photoshop audiovisuel qu'un spot de pub. Côté long et plus fouillé, jamais Christine Ockrent, Arlette Chabot, Yves Calvi ou même Serge Moati n'oseraient recevoir de vraies victimes du chômage face à des cravateux et des nantis abonnés au ronron habituel : ils sont trop installés pour déranger et, là aussi, gare aux découpes !

(Peut-être un soir de semaine chez Taddeï ? C'est du direct, et on ne vous coupe pas la parole. Mais c'est une émission culturelle : le chômage n'intéresse pas les bobos.)

Comme quoi, sur certains sujets sensibles nous sommes loin, très loin de la réalité à la télé. Les médias officiels et les hommes politiques devraient vraiment, vraiment se méfier du silence des chômeurs car en démocratie - la vraie -, l'illégitimité et le mensonge par omission, au bout d'un moment, ça ne passe plus.

(1) Sauf la CGT-Chômeurs, qui n'a de toutes façons pas pu prendre la parole au dernier congrès de la CGT à Lille.
(2) Notamment AC!, l'APEIS et le MNCP, exclues des réunions de travail de l'Unedic et du "dialogue social" en général.
(3) Secrétaire général du Comité national des privés d’emplois CGT.

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Mis à jour ( Mardi, 07 Novembre 2006 04:17 )  

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