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Chômage de masse et crise du recrutement ?

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Les départs en retraite ne sauveront pas la France du chômage : bien que nous l'affirmons depuis des lustres, ce n'est pas nous qui le disons cette fois-ci mais un rapport très sérieux du Centre d'analyse stratégique (CAS, ex Commissariat général du Plan).

Le propos est direct : tant que les entreprises ne changeront pas leurs habitudes de recrutement, les départs massifs à la retraite des "papy-boomers" ne feront pas, à moyen ou long terme, baisser mécaniquement le chômage français.
Certes, "à court terme", l'arrivée en fin de carrière des générations du baby-boom "peut faciliter" cette baisse, mais "ces transformations ne seront peut-être pas aussi spectaculaires que ce que l'on pouvait croire il y a encore quelques années". Pour le CAS, "il n'y a pas de lien mécanique, à moyen ou long terme, entre le volume de la population active et le taux de chômage" et "à long terme, le niveau du chômage peut être considéré comme indépendant de l'évolution de la population active, le vieillissement de la population active pouvant même conduire à une hausse du chômage", avertissent les auteurs du rapport pour qui "un scénario noir n'est pas à exclure"...

Jean-Louis Borloo avait raison !

Le CAS envisage donc dans les dix prochaines années la coexistence d'un chômage de masse (notamment parmi les peu diplômés) et des difficultés de recrutement dans certains métiers ou bassins d'emploi. Ainsi, au mois d'octobre, quand Jean-Louis Borloo avançait qu’"on peut avoir un chômage de masse et connaître une crise du recrutement, ce n'est pas incompatible", figurez-vous qu'il disait vrai. Mais quand il envisageait cette crise du recrutement dès 2008, n'allait-il peut-être pas un peu vite en besogne ?

De moins en moins de jeunes diplômés et de plus en plus de seniors sur le marché du travail, des chômeurs qui n'ont pas accès aux zones géographiques où l'on recrute ou qui ne sont pas qualifiés pour les métiers proposés : le CAS prévoit un profond bouleversement des équilibres. A moins de l'importer (pour pas cher, c'est fort possible…), les entreprises n'auront pas d'autre choix que de s'adapter à la main d'œuvre disponible alors qu'aujourd'hui, c'est la main d'œuvre qui subit les exigences - de plus en plus démesurées et injustifiées - des recruteurs. Finis les stéréotypes, finie la discrimination, finie la déqualification ? Si le CAS vise juste et que les entreprises tiennent compte de ses préconisations, qu'il sera bon de voir le vent tourner !

De la responsabilité des entreprises

Le CAS évoque "un symptôme de myopie" des entreprises, "souvent prises dans des temporalités et des contraintes externes qui ne leur permettent pas d'anticiper à moyen terme leur avenir" et qui "peuvent conduire à des comportements routiniers en matière de recrutement et d'organisation du travail".
Les tensions prévues dans les dix années à venir devraient en inciter certaines "à développer leurs propres politiques de formation et de fidélisation de la main d'œuvre", notamment pour parer au manque attendu de débutants diplômés. Des effort devront être faits "pour éviter la fuite des salariés" et "améliorer l'attractivité des métiers peu qualifiés". Les employeurs "devront être en capacité d'accueillir et former sur le tas des personnes moins diplômées et/ou moins immédiatement opérationnelles qu'auparavant", ce qui suppose que "les critères de sélection, aujourd'hui très centrés sur les niveaux de diplômes, fassent davantage référence à des compétences." ... Enfin !

Et la formation professionnelle ?

Reste à se demander pourquoi Jean-Louis Borloo, connaissant les faits, n'a pas une seule fois mis la gomme sur la formation professionnelle durant son mandat : préférant rétablir un traitement social du chômage qui vernisse ses chiffres, il a, lui aussi, succombé à la courte vue. Pourtant l'enjeu est de taille, et la formation continue est plus que jamais une arme précieuse pour anticiper sur ces bouleversements qui menaceront non seulement notre économie, mais aussi notre paix sociale. La rendre plus accessible, mieux adaptée, plus systématique et plus qualifiante n'est donc pas une priorité ? Souhaitons alors que le prochain ministre soit véritablement décidé à creuser cette piste.

=> Le rapport du CAS, intitulé "Les métiers en 2015" et réalisé avec la DARES, dresse également une liste des emplois de demain : à lire en commentaire.

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Mis à jour ( Dimanche, 31 Décembre 2006 03:37 )  

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