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Contrairement aux deux dernières décennies du siècle précédent, l'intensité du travail perçue par les salariés français semble s'être "stabilisée" depuis quelques années, et ce malgré l'avènement - tant décrié - des 35 heures.
• La pression liée à la demande des clients recule d'un petit point : en 2005, 53% des salariés estiment que leur rythme de travail est imposé par "une demande extérieure à satisfaire immédiatement" contre 54% en 1998 (ils n'étaient que 28% en 1984).
D'ailleurs, ils toujours plus nombreux à exercer en contact avec le public : 54% en 2005 contre 44% en 1998. Mais ils estiment subir moins de tensions avec celui-ci - ou même avec leurs collègues - qu'il y a sept ans. Notons qu'en 1991, ces "tensions" n'étaient signalées que par 34% des salariés.
Le sentiment de travailler dans l'urgence s'est également renforcé : de plus en plus de salariés (60% en 2005 contre 56% en 1998) doivent "fréquemment abandonner une tâche pour une autre plus urgente", notamment parmi les cadres, les professions intermédiaires et les employés administratifs, même s'ils semblent en être moins "perturbés", selon l'étude.
• La polyvalence imposée diminue. Elle est aussi un peu mieux vécue et même jugée "positive" par plus de 7 personnes sur 10, contre plus de 6 sur 10 en 1998. Pourtant les marges de manœuvre des salariés dans leur travail ont légèrement reculé, notamment pour les femmes à qui on continue d'accorder moins d'autonomie qu'à leurs homologues masculins.
• La pénibilité physique recule alors qu'elle augmentait sans cesse depuis 1984. Moins de salariés - 69% en 2005 contre 72% en 1998 - font état d'au moins un effort physique conséquent dans leur travail.
• Sous l'effet de la réduction du temps de travail, les horaires sont mieux formalisés et contrôlés par l'entreprise à travers le développement des horloges pointeuses ou des signatures de registres. Ils sont aussi devenus plus prévisibles, et permettent un repos hebdomadaire de 48 heures consécutives à davantage de salariés.
Mais le recours aux "horaires atypiques" s'est développé et intensifié dans toutes les catégories. La proportion de salariés travaillant la nuit (parmi lesquels toujours plus de femmes) ou le dimanche a continué de croître, et de plus en plus de salariés déclarent pratiquer ces horaires "habituellement".
Régression pour les ouvriers
Globalement, leurs conditions de travail sont de plus en plus dures. Sur fond d'organisation en flux tendu et d'automatisation accrue, le travail à la chaîne progresse (11% des ouvriers en 2005 contre 10% en 1998) : plus d'un ouvrier sur quatre voit son rythme de travail imposé par une cadence automatique d'un produit ou d'une machine, et quatre ouvriers sur dix ont leur rythme dicté par des normes ou des délais à respecter en une heure au plus. La pénibilité physique s'est aussi aggravée : 50% des ouvriers qualifiés et 54% des non qualifiés subissent quatre types de pénibilités ou plus, contre 47% et 52% en 1998. Le port de charges lourdes, les mouvements douloureux ou fatigants ainsi que les secousses et vibrations ont continué à augmenter.
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Commentaires
Le soir venu, chaque salarié est fatigué après sa journée de travail. C’est une lapalissade, le travail fatigue ! Le besoin de se reposer après l’effort physique ou intellectuel ne peut pour autant être classé au registre de la pénibilité. D’où une certaine difficulté à définir non seulement les termes mais surtout les réalités de ce que cela recouvre.
L’allongement de la vie – s’il est réel – n’est pas de même qualité pour tous. Globalement, on vit plus vieux et en meilleure santé. Mais si l’on examine l’espérance de vie des ouvriers et des employés, des cadres et des professions particulièremen t exposées aux risques sanitaires et aux maladies professionnelle s, force est de constater des écarts parfois importants. À 60 ans, l’espérance de vie d’un ouvrier serait de 15 ans tandis qu’un cadre bénéficierait de 5 années supplémentaires . Sans oublier l’état de santé et la manière dont les uns et les autres peuvent envisager leur vie de retraité.
Tristes réalités. Actuellement, grâce à l’enquête Sumer (Surveillance médicale des risques), qui porte sur 56.000 salariés interrogés par 1.800 médecins du travail entre 2002 et 2003, nous connaissons mieux quelques tristes réalités qui confirment toutes les enquêtes, notamment celles menées sur le terrain par la CFDT. 27% des salariés travaillent debout en permanence, 13% sont contraints de porter des charges lourdes, 18% doivent supporter un environnement sonore de plus de 85 décibels. 37% sont exposés à l’inhalation de produits chimiques et environ un salarié sur 10, à cause de gestes répétitifs, est susceptible de contracter une maladie des articulations, du type troubles musculo-squelettiques (TMS).
Projections macabres. Dans chaque secteur d’activité, des salariés peuvent être considérés comme exposés à des maladies graves. C’est par exemple le cas des ouvriers agricoles qui travaillent avec des pesticides. C’est aussi le cas des ouvriers qui respirent des poussières, et tout particulièremen t des poussières de bois, qui provoquent 40 fois plus de cancer des sinus ou du nez chez les ébénistes et les menuisiers. Sans occulter le drame de l’amiante, aujourd’hui reconnu par tous : quelque 25% des hommes retraités auraient été exposés au cours de leur vie professionnelle à l’amiante qui est responsable d’un cancer professionnel sur deux. Si l’on en croit certaines projections macabres, dans les vingt ans qui viennent, entre 50.000 et 100.000 personnes seront atteintes et décéderont d’un cancer contracté dans le cadre professionnel.
François Daniellou, professeur d’ergonomie et co-auteur du livre "Le Travail intenable", écrit : «On estime à environ 7.500 le nombre annuel de décès dus à des cancers professionnels. Pour le seul régime général de la Sécurité sociale, celui des décès liés à des accidents du travail s’élève à 700, et celui des accidents de trajet à 600. Ces chiffres sont à comparer avec les 5.000 décès liés à des accidents de la circulation et aux 1.100 homicides.» Si l’on examine les statistiques des invalidités, le résultat n’est guère plus encourageant : «En 2003, il y a eu 48.774 accidents graves conduisant à une invalidité partielle, contre 45.254 en 1999. »
Concernant les maladies professionnelle s, en 2003, on en comptait 35.000 dûment reconnues, dont 15.700 ont conduit à des invalidités partielles. En 1999, soit quatre ans auparavant, il y avait 16.700 maladies professionnelle s dont 6.400 avaient abouti à une invalidité.
Moins dramatique mais très handicapant : les douleurs lombaires. La Commission européenne a publié une étude qui révèle qu’un salarié européen sur trois souffre du mal de dos, un sur quatre de douleurs cervicales et de l’épaule.
Le stress, enfin, toucherait 29% des salariés et l’intensificati on du travail (recherche systématique de gains de productivité) serait la cause de nombreuses pathologies dont certaines graves.
Les coûts du stress. D’après une étude de l’université de Bourgogne, les pathologies dues au stress coûteraient en France la bagatelle de 413 millions d’euros en soins et de 279 millions d’euros en arrêts maladie. Le stress génère des maladies du rythme cardiaque, des troubles neurologiques et du sommeil.
Dans certains secteurs, chez IBM par exemple, le stress serait une maladie contagieuse à laquelle succomberaient 44% des salariés.
L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) définit en trois catégories la pénibilité au travail :
• les efforts physiques répétés (port de charges lourdes, postures pénibles, déplacements importants)
• l’exposition à un environnement agressif (chaleur, bruit…)
• les contraintes liées aux rythmes du travail (trois-huit, travail à la chaîne, etc…).
C’est dans ce contexte – lors de la réforme sur les retraites qui tenait naturellement compte de l’allongement de la durée de la vie –, qu’a été abordée la question des inégalités (non seulement l’espérance de vie mais aussi la pénibilité du travail). Il est juste d’envisager des mesures particulières pour celles et ceux dont on reconnaît que la souffrance et la pénibilité ne peuvent se conjuguer avec un allongement du temps de travail.
La loi, votée en août 2003, prévoyait d’ailleurs que les organisations professionnelle s et syndicales engagent dans un délai de trois ans, une négociation interprofession nelle sur «la définition et la prise en compte de la pénibilité» (art. 12). Parallèlement, une autre négociation s’engageait sur les maladies professionnelle s et les accidents du travail.
Une négociation enlisée. La négociation sur la pénibilité devait débuter dès avril 2004. Le patronat a, semble-t-il, voulu jouer la montre, puisque ce n’est qu’en février 2006 que cette négociation a commencé avec l’objectif de parvenir à un accord interprofession nel qui ouvre la voie à des accords de branche. Dès le début des discussions, les partenaires ont constaté de réels points de divergence sur la définition de la pénibilité. La CFDT a d’entrée clairement exposé les priorités. D’abord, «améliorer les conditions de travail de tous les salariés pour faire disparaître ou réduire les pénibilités, suivre les parcours professionnels et traiter la situation des travailleurs déjà atteints, notamment par des départs anticipés, s’attaquer aux effets du travail de nuit, du travail à la chaîne, des ports de charges et de l’exposition au bruit et aux produits toxiques». Il s’agit avant tout de prévenir pour éviter des départs en retraite anticipés trop nombreux.
Mais lorsque la pénibilité est établie et que les mesures préventives ne suffisent pas, la CFDT considère qu’il faut une réparation. Le Medef entend ce discours et n’est pas hostile au fait que des gens usés par le travail, après un certain âge et sous certificat médical, soient dispensés de recherche d’emploi. Mais, pour le patronat, il n’est pas question de reconnaître l’usure au travail et encore moins d’aborder l’éventualité d’une cotisation supplémentaire qui, selon lui, alourdirait le coût du travail.
Pour la CFDT, le volet prévention est inséparable du volet réparation. Il s’agit de reconnaître l’usure prématurée au travail et de considérer ces situations comme devant ouvrir des droits pour le salarié, notamment une cessation d’activité prise en charge par la solidarité nationale d’une part, et l’entreprise d’autre part. On ne peut que remarquer une certaine incohérence patronale lorsque, d’un côté, des entreprises mettent en préretraite des salariés, manière d’appliquer une gestion prévisionnelle des emplois, et, de l’autre côté affirmer dans les médias qu’il faut maintenir les salariés dans l’entreprise le plus longtemps possible.
La CFDT était cohérente lorsqu’elle a revendiqué et obtenu le départ en retraite des salariés qui avaient commencé à travailler très jeunes et avaient effectué des carrières longues. Elle est cohérente lorsqu’elle œuvre pour améliorer les conditions de travail afin de permettre à plus de travailleurs de rester dans l’entreprise après 50 ans. Cohérente encore lorsqu’elle revendique la cessation d’activité prématurée pour ceux et celles dont les métiers sont pénibles.
Devant l’attitude patronale, la CFDT se mobilise pour qu’enfin cette négociation, qui traîne en longueur, puisse aboutir dans l’intérêt bien compris des salariés et des entreprises.
Le 16 janvier, mobilisation CFDT
Une journée d’action, le 16 janvier, avec une CFDT mobilisée pour voir aboutir la négociation sur la pénibilité aujourd’hui en panne, puisque le patronat n’avance aucune proposition. Dans chacune des régions, la CFDT tiendra des réunions, meetings, délégations auprès du Medef. À Reims, au Parc des expositions, la CFDT organise un grand rassemblement de militants des régions environnantes (Nord-Pas-de-Calais, Île-de-France, Lorraine, Picardie). François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, et Jean-Louis Malys, secrétaire national, prendront la parole. Répondre | Répondre avec citation |
Merci,
ndubosclard Répondre | Répondre avec citation |
Effectivement, nous en parlons très souvent sur ce site et son existence est rentrée dans nos mœurs… tout comme nous ne nous demandons plus ce qu'est l'INSEE.
DARES = Direction de l'animation et de la recherche des études et des statistiques du ministère du Travail.
Voilou ! Répondre | Répondre avec citation |