«Comme si la mort au travail était une mort acceptable», écrit la sociologue Annie Thébaud-Mony dans son livre "Travailler peut nuire gravement à votre santé". Pour cette directrice de recherche à l'INSERM, ce «cynisme industriel peut être classé au rang des crimes contre l'humanité».
Retour avec elle sur les publics les plus touchés par ces atteintes à la santé et à la dignité. Tous invisibles.
Les employés de la sous-traitance. «La sous-traitance, c'est transformer le travail en une prestation de service. Le travail disparaît. Et les travailleurs aussi, qui n'ont aucun moyen de négocier leurs conditions de travail. Il n'y a plus de lien entre le donneur d'ordre et les salariés qui exécutent en bout de chaîne. On emploie des intérimaires, on louvoie souvent avec les normes de sécurité. En sous-traitant l'entretien des cuves pas exemple, le donneur d'ordre, EDF, se débarrasse de la responsabilité de la santé de ces travailleurs exposés aux rayons ionisants.»
Les femmes. «Elles aussi "disparaissent" souvent, leur travail étant assimilé au travail domestique. Or, les travaux d'entretien, les soins aux personnes, emplois souvent peu qualifiés et précaires, cumulent les risques. Alors que les risques chimiques des métiers industriels, souvent masculins, sont désormais bien étudiés et répertoriés, les secteurs majoritairement féminins n'ont fait l'objet que de très peu d'études. On trouve ainsi jusqu'à quatorze produits cancérogènes dans le chariot d'une femme de ménage nettoyant les bureaux. A l'hôpital, on sait bien que les infirmières des services de radiothérapie ou de chimiothérapie sont amenées à approcher des substances cancérigènes. Mais celles-ci ne rentrent pas dans les tableaux énumérant les toxiques qui donnent droit à être indemnisé.»
Au-delà de nos frontières. «On a vu avec l'affaire du Clemenceau que la mort au travail se délocalise. 15% des travailleurs de la plage d'Alang sont atteints de maladies liées à l'amiante. Ils démantèlent les bateaux pieds nus, sans protections... Mais les pays riches y envoient leurs bateaux à désamianter parce que ça coûte moins cher...»
Un tribunal pénal sur le travail. «J'en appelle à la création d'un tribunal pénal international sur le travail. Si le droit pénal ne joue pas son rôle, nos sociétés risquent la privatisation de la santé des travailleurs. Celle-ci devient la propriété de leurs employeurs. En ce qui concerne l'utilisation de produits toxiques au travail, la mise en danger de la vie d'autrui par l'employeur est délibérée et consciente. C'est un calcul cynique : les dégâts sur la santé ne se verront que dans dix, vingt ou trente ans. L'employeur ne sera pas inquiété.»
(Source : Libération)
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