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Comptes de la Sécu : un budget insincère

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Le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand, se félicite du déficit 2006 de la sécurité sociale qui ne serait «que» de 9 milliards d’euros, soit bien moindre que lorsque le gouvernement faisait pire...

Le gouvernement de MM. Sarkozy et Bertrand promet donc que nous en aurons bientôt fini avec le déficit de la Sécurité sociale. Et comme il s’agit de prévisions, et de prévisions à long terme, on peut être certains que personne ne le réfutera.

Certes, la Sécurité sociale a perdu 11,9 milliards d’euros en 2005 et perdra sans doute 9 milliards en 2006. Mais en 2007, c’est promis, elle ne perdra «que» 8 milliards. En 2009, elle sera à l’équilibre. Et en 2010, elle sera excédentaire de 50 milliards !

Comment les croire alors même que la Cour des comptes et la majorité sénatoriale prédisent la poursuite des déficits ? Ces belles prévisions nous en rappellent d’autres. En 1993, Edouard Balladur condamnait la gestion de Pierre Bérégovoy et promettait un assainissement rapide du système. En 1995, Alain Juppé mettait la France dans la rue pour tailler le régime à la hache. En 2004, la grande réforme Douste Blazy devait restaurer l’équilibre dès 2007. Et c’est toujours pour demain que tout ira mieux, tandis que la prise en charge des moins favorisés ne cesse de reculer.

On pourrait croire à une sorte de fatalité. Les Français vivent de plus en plus vieux. Les thérapies les plus coûteuses deviennent des services de masse. Nous consommons de plus en plus de soins. Le déficit se creuse, ce serait fatal. Il n’en est rien !

L’histoire de ce déficit est éloquente. Il dérape au cours de la dernière année du gouvernement Bérégovoy (1993). Le système connaît de telles oscillations : la «Sécu» est très dépendante des cotisations salariales et donc de l’emploi. La droite, malgré les promesses de Balladur, creuse le déficit annuel jusqu’à 11 milliards d’euros en 1995. Alain Juppé le réduit un peu, mais sa réforme s’essouffle. Seule la gauche, grâce au contrôle des dépenses, mais surtout à la croissance et à l’emploi, équilibre les comptes et les ramène à l’excédent.
Chirac, de retour aux affaires, relâche immédiatement l’effort, casse la croissance, et réintroduit un déficit abyssal. Entre 2002 et 2006, MM Raffarin et Villepin ont creusé le déficit cumulé de plus de 50 milliards d’euros. A titre de comparaison, entre 1945 et 1992, le déficit cumulé de la Sécurité sociale n’avait pas dépassé les 10 milliards d’euros.

En cette année électorale, on peut comprendre que le gouvernement ne soit pas pressé de faire connaître ce fiasco. Mais là, les choses vont vraiment très loin.

Le budget présenté en octobre dernier multiplie les dissimulations et les manipulations, à tel point que non seulement les socialistes, mais aussi l’UDF, le rapporteur UMP au Sénat et la Cour des comptes ont été obligés de contester vigoureusement le plan de financement. La Cour des comptes a même qualifié l’amélioration constatée en 2005 de «trompe l’œil».
Outre les hypothèses qui fondent ces prévisions, discutables par nature (notamment en matière de croissance), le gouvernement a multiplié les expédients qui dissimulent le problème et même l’aggravent. L’exemple de «la soulte» de la Poste est particulièrement éclairant. Comme EDF, la Poste bénéficie aujourd’hui d’un régime spécial de retraites qui va lui coûter cher à partir de 2030. L’Etat propose tout simplement de transférer ces retraites au régime commun de la Sécurité sociale, moyennant le paiement d’une soulte par la Poste. Il prend une dette considérable pour améliorer sa trésorerie 2007-2009 ! Que voilà une grande ambition politique ! Quel un bon usage de l’argent du contribuable ! Evidemment, dans une optique de privatisation, on peut comprendre l’intérêt d’alléger la poste d’une dette. Ce projet a pour l’instant été retiré, mais pour combien de temps ?
Le projet de financement contient de nombreux autres exemples de tels tours de passe-passe.

Devant de tels dérapages, il est permis de s’interroger. Faut-il y voir une simple question d’incompétence, ou doit-on craindre une intention plus grave ?

La droite a pris l’habitude de taxer la gauche de laxisme, sans être démentie. De nombreux Français, d’ailleurs, pensent qu’au fond, la gauche sait répartir les fruits de la croissance mais qu’une bonne cure de droite permet, de temps en temps, de remettre les fondamentaux économiques dans le bon sens. L’expérience montre qu’il n’en est rien. Serions-nous donc meilleurs gestionnaires ? On peut le penser. Mais on peut faire une hypothèse plus politique.
Si la droite a longtemps défendu la prudence économique, un mouvement inverse s’est engagé aux Etats-Unis à partir des années 80. David Stockman, directeur du budget de la Maison Blanche sous Reagan, mit alors en œuvre une stratégie d’accroissement des déficits de l’Etat, destinée à rendre obligatoire un désengagement de certaines politiques, notamment sociales. Il appelait cette stratégie «starving the beast» (affamer la bête). Un Etat endetté, c’est l’obligation de se désengager, providence pour les libéraux et surtout pour les assurances privées. La droite serait-elle en train de nous faire la même chose ? Son bilan en matière de santé, de retraites, de dépenses sociales permet de poser la question.

Voilà donc où nous en sommes. La consternante gestion de la Sécurité sociale en vient à menacer sa pérennité. Est-ce que ce laxisme correspond au moins à une amélioration de la qualité des soins ? Bien au contraire, la réforme de Douste Blazy se révèle chaque jour un peu plus injuste et un peu plus inefficace. Mais ceci est une autre histoire ...

(Source : Betapolitique)

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Mis à jour ( Lundi, 19 Mars 2007 19:08 )  

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