Philippe Caré s'est attaché un public bien à lui. Il remplit les amphis des grandes écoles avec des anciens élèves. Mais pas ceux des promotions récentes, non : les quinquas, sortis trente ans plus tôt, persuadés que leur diplôme leur fournirait un viatique éternel… jusqu'à ce que, pour la première fois de leur vie, ils découvrent la réalité du chômage. La route est encore longue pour eux et ils ont épuisé une grande partie de leurs munitions. L'enjeu est de réussir la soudure d'une quinzaine d'années, entre la survenue du licenciement et les soixante et quelques ans de l'âge de la retraite à taux plein.
Une vision globale de cette période est nécessaire. Il faut aller plus loin que les trois premières années durant lesquelles le demandeur d'emploi perçoit 66% de son ancien salaire net. Car une fois épuisé ce stock, il faut alors survivre pendant douze ans avec les 14,51 € quotidiens de l'allocation spécifique de solidarité (ASS). Pour ne pas arriver à cette extrémité, plusieurs précautions doivent être prises en amont. En commençant par savoir à quel âge on pourra effectivement se retirer de la vie active (1). L'âge est généralement plus proche de 65 que de 60 ans. Ensuite, il convient d'étudier tous les moyens de rapprocher cette date libératoire : le rachat de trimestres, par exemple. Cette précaution est sûrement plus pertinente que la tentation de profiter de ses indemnités pour repeindre son appartement ou changer de voiture (2). Parallèlement, tout devra être mis en oeuvre pour retarder au maximum le jour où les Assedic cesseront leur indemnisation.
En fait, la panoplie sociale française est riche en la matière. Mais encore faut-il la connaître et la mettre astucieusement à profit. Fondateur du cabinet Noémia, Philippe Caré pilote individuellement les cadres un peu perdus. Ou bien il agit préventivement dans les entreprises. L'audit social commence par déterminer la date du début de prise en charge par les Assedic. Car cela ne va pas commencer le jour de l'inscription au chômage. Si l'indemnité de licenciement a été supérieure au montant prévu par la convention collective, un délai de carence est observé. Il est de 75 jours calendaires au maximum, auquel il faut ajouter une carence forfaitaire de 7 jours ainsi que le solde de congés payés. Après, débute l'indemnisation. Pendant 1.095 jours, elle représentera 66% de l'ancien salaire net.
Les premiers temps de cette période sont souvent consacrés à se faire plaisir. Ensuite, chacun se met à chercher un nouveau job équivalent pour la rémunération et la fonction au poste précédent. Tout cela est humain (2). Simplement, il faut savoir que le temps passe vite. Les meilleures années d'indemnisation s'épuisent plus rapidement que souhaité, alors que l'échéance fatidique peut être retardée si ces 36 mois sont entrecoupés de périodes de CDD ou de missions d'intérim. Voire de petits jobs, de vacations de chargés de cours, ou de temps passé bénévolement dans une association (3).
L'exercice en vaut d'autant plus la peine que les Assedic ont prévu dans ce marathon une première pause. Comme l'explique Philippe Caré, «dès lors qu'un chômeur parvient à l'âge de soixante ans et demi avec en réserve encore 12 jours d'indemnisation, il est embarqué, jusqu'à ses 64 ans accomplis, au taux plein de couverture chômage». Par rapport à l'ASS, le différentiel passe du simple... au décuple ! Voilà qui mérite réflexion.
Sur l'instant, il peut être tentant de refuser un travail socialement moins gratifiant que le précédent. Mais vu l'état du marché de l'emploi pour les quinquagénaires, c'est courir le risque d'arriver rapidement à la fin de ses droits. En se projetant dans l'avenir, on arrive à la conclusion qu'il vaut mieux oublier son ego, si ce sacrifice (4) permet de préserver sur la durée l'essentiel de son pouvoir d'achat.
(Source : Les Echos)
(1) NDLR : Ils sont drôles, aux Echos, car ce n'est pas le salarié âgé qui choisit de se retirer de la vie active mais plutôt son patron qui décide de s'en débarrasser !!! Il faut en finir avec cette imposture.
(2) NDLR : Même envers les quinquas, le spectre du chômeur-profiteur persiste. On se demande ce qui est le plus "humain" : penser à se la couler douce après avoir longtemps travaillé puis s'enquérir d'un poste à fonction et salaire acceptables, ou foutre à la porte ses vieux collaborateurs pour les remplacer par des plus jeunes moins chers.
(3) NDLR : Faux ! Travailler bénévolement pour une association est considéré comme une entrave à la recherche "réelle et sérieuse" d'un emploi, et n'a aucune valeur aux yeux de l'Assedic.
(4) NDLR : Aujourd'hui, ce sont tous les chômeurs qui ont "oublié leur ego" et se "sacrifient" au nom de la compétitivité. Rares sont ceux qui échappent au déclassement professionnel, à la déqualification, au sous-emploi et à la sous-rémunération.
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