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Accueil La revue de presse Au bonheur des riches

Au bonheur des riches

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Une étude de l’Ecole d’économie de Paris révèle l’envolée des revenus des Français les plus aisés depuis 1998 et fait mentir les récents travaux de l'INSEE qui avait jusqu'à présent conclu à une réduction des inégalités en France.

On subodorait que les riches se portaient plutôt bien. Même en France, pays que la droite aime caricaturer comme le dernier îlot d’Europe continen­tale qui incite nos belles fortunes à s’exiler. Grâce au travail de l’économiste Camille LANDAIS de l’Ecole d’économie de Paris, on sait désormais que les riches Français n’ont pas grand-chose à envier à leurs homologues anglo-saxons. Plus ils sont riches et plus ils s’enrichissent. Et dans des proportions inédites dans l’histoire sociale française.

Reprenant à son compte les sources fiscales déjà exploitées par l’économiste Thomas Piketty, mais cette fois sur une période récente (1998-2005), Landais s’est concentré sur l’évolution des revenus de la petite population française la plus fortunée, allant même jusqu’au 0,01% des plus riches.
Et que constate-t-il ? Un fort «accroissement des inégalités de revenus depuis huit ans». Ça n’a l’air de rien, mais c’est la première fois qu’un économiste peut établir un tel diagnostic, sachant que les travaux de l’INSEE avaient jusqu’à présent conclu à une réduction des inégalités en France. Bref, un travail universitaire qui ne tombe pas très bien pour le gouvernement de François Fillon, juste au moment où il va devoir expliquer aux députés l’impérieuse nécessité de voter des cadeaux fiscaux pour une population qui s’est déjà considérablement enrichie.

Davantage d’inégalités. Les très, très riches Français (disons les 1% les plus riches, soit un bataillon de 350.000 foyers) ont vu leurs revenus augmenter de 19% entre 1998 et 2005. Et ce chiffre explose littéralement quand on monte encore plus haut dans la hiérarchie sociale : + 32% pour les 0,1% les plus riches (35.000 foyers), et carrément + 42,6% pour le petit club des 0,01% les plus fortunés (3.500 foyers). Il semble que ces riches Français vivent sur une autre planète économique. Car, pendant la même période, le revenu moyen par foyer a connu lui une hausse modeste de 5,9%, soit une croissance moyenne annuelle de 0,82%. Soit moins que la croissance du PIB ou même du PIB par habitant.

Ce tableau remet partiellement en cause le diagnostic des inégalités françaises établi par l’INSEE. Jusqu’à présent, l’institut national se contentait de mesurer l’écart entre les 10% les plus riches avec les 10% les plus pauvres. Et que constatait l’Institut ? Une réduction importante et constante du fossé depuis la fin des années 70. Sauf depuis le début des années 2000, où la réduction semble marquer le pas. «On ne sait pas encore si cela annonce une remontée des inégalités ou juste un palier», précise Pascal Chevalier, chef de la division revenu et patrimoine de l’INSEE. L’Institut a tout de même affiné ces mesures en comparant les 5% les plus riches avec les 5% les plus pauvres. Et alors ? «On n’a rien trouvé de significatif qui prouverait une explosion des inégalités en France», poursuit Chevalier. Pour autant, l’économiste estime que les conclusions de Landais restent compatibles avec le diagnostic de l’INSEE, «simplement parce qu’on est jamais descendu dans un niveau aussi fin d’analyse chez les hauts revenus».

Salaires, revenus du capital : tout augmente. Assez classiquement, plus on est riche, plus la part de son patrimoine placé en valeurs mobilières (actions et autres produits financiers) est importante. Pour les 3.500 des plus riches, la part du revenu du patrimoine peut ainsi représenter jusqu’à 40% de leur revenu total. «L’évolution de la Bourse n’y est pour rien. Cela s’explique par le fait que les entreprises versent des dividendes de plus en plus importants à leurs actionnaires», assure Camille Landais. En sus, les très riches ont vu leurs salaires exploser sur la période : entre + 13,6% et + 51% pour le top du top de ces happy few. Deux explications justifient ce feu d’artifice. D’abord, les modes de rémunération de cette population intègrent de plus en plus de zakouski du genre bonus de fin d’année, stock-options, actions gratuites et autres joyeusetés indexées sur le cours de Bourse. L’autre élément d’explication est sectoriel : le versement des primes faramineuses de fin d’année dans le secteur financier et bancaire a boosté la moyenne des plus riches.

«Avec cette hausse des salaires, on est en train de rompre avec trente années de stabilité dans la hiérarchie des salaires en France, estime Camille Landais. Notre modèle est en train de glisser vers le modèle anglo-saxon.» Certes, on est loin des inégalités de revenus de la France des rentiers du début du siècle. Mais si on regarde ce qui a pu se passer aux Etats-Unis, estime l’économiste, il faudrait peu de temps pour retrouver de tels écarts de revenus et de patrimoine. D’ailleurs, les mesures fiscales que veut faire voter début juillet le gouvernement ne devraient pas contrarier cette course en avant des plus riches contribuables français.

(Source : Libération)

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Mis à jour ( Vendredi, 29 Juin 2007 14:37 )  

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