François Fillon semble bien décidé à profiter de l'«état de grâce» et de la campagne des législatives pour avancer sur les dossiers sensibles. Invité hier matin de RTL, le Premier ministre a remis les pieds dans le plat sur la réforme des retraites, en expliquant que la persistance des régimes spéciaux dont bénéficient les salariés d'entreprises publiques comme EDF, GDF, la RATP ou la SNCF est «l'injustice la plus criante». «Nous avons dit que nous engagerions la réforme des régimes spéciaux en 2008, au moment du réexamen de la réforme de 2003. Donc la réforme des régimes spéciaux est pour 2008», a-t-il martelé. Un engagement confirmé par Nicolas Sarkozy aujourd'hui dans son entretien au Figaro.
Toujours dans la perspective du réexamen de la réforme de 2003, Fillon a prévenu que le gouvernement serait «intraitable» et mettrait «la pression sur les entreprises pour qu'elles gardent leurs salariés jusqu'à la retraite», menaçant «d'instaurer des obligations» et d'augmenter les cotisations.
Pénibilité. «On ne peut pas, comme le font les entreprises à juste titre, réclamer l'allongement de la durée de cotisation pour la retraite pour tous les Français et, en même temps, considérer qu'à partir de 50 ans on coûte trop cher et on ne peut plus exercer une activité», a encore expliqué Fillon sur RTL. Et «si les entreprises ne comprennent pas qu'il faut qu'elles changent leur logiciel de direction des ressources humaines et qu'elles gardent les salariés jusqu'à l'âge de la retraite, il y aura une augmentation des cotisations retraite», a-t-il averti.
Mardi, syndicats et patronat avaient, après de longs mois de blocage, un peu avancé dans la négociation ouverte en 2005 sur la pénibilité au travail. Pour la première fois, le Medef a accepté d'envisager un départ à la retraite avant 60 ans pour les salariés «qui, pendant un certain nombre d'années, effectuent des travaux pénibles qui, dans certains cas, ont des conséquences sur leur état physique au moment où ils atteignent l'âge de la retraite», selon la définition de Denis Gautier-Sauvagnac, chef de file de la délégation patronale.
Annuités. Cette négociation étant sortie de l'impasse, Fillon saisit l'occasion pour évoquer l'échéance de l'année prochaine sur la réforme des retraites. Pour faire bonne mesure, il rappelle au patronat ses engagements sur l'emploi des seniors, et aux syndicats, sa volonté de faire rentrer les régimes spéciaux de retraite dans le droit commun des autres salariés. Lesquels pourraient voir, en 2008, leur durée de cotisation passer à 41 annuités, quand les cheminots peuvent partir à taux plein à 50 ou 55 ans.
«Pour nous, il est clair que derrière la question du service minimum en cas de grève, le gouvernement vise notre régime de retraite», s'indigne Didier Le Reste, secrétaire général de la CGT-Cheminots, «et il veut faire comme Margaret Thatcher avait fait pour les dockers, les mineurs et les cheminots : limiter d'abord le droit de grève pour s'attaquer ensuite à la protection sociale des salariés».
«Ligne blanche». L'ensemble des syndicats, reçus à tour de rôle par le ministre du Travail Xavier Bertrand, ont déjà prévenu qu'ils ne laisseraient passer aucune entorse au droit de grève. C'est «une ligne blanche à ne pas dépasser», assure le leader de la CGT Bernard Thibault.
L'insistance mise par le gouvernement pour que le service minimum soit en place avant la fin de l'année 2007 inquiète néanmoins les cheminots. Réformer en 2008 les régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP sera évidemment plus facile si une obligation de service minimum peut éviter la paralysie totale des transports publics en cas de grève, comme celle qui avait fait céder Alain Juppé en 1995.
(Source : Libération du 07/06/07)
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