L'inflation des diplômes et la montée du chômage alimentent le malaise des étudiants chinois.
Dans l'indolence des chaudes nuits d'été, les quartiers populaires de Zhengzhou, chef-lieu de la province du Henan (centre), sont encombrés de cantines en plein air où filles et garçons s'enivrent à la bière bon marché en engloutissant des poignées de cacahuètes aux épices. Les étudiants fêtent la fin de l'année scolaire, l'obtention de leurs diplômes, ou le début d'un premier emploi. "On est un peu inquiet, dit un étudiant en informatique, ce n'est vraiment pas facile de trouver un bon travail."
Mi-juin, la grande avenue qui traverse le quartier était le siège d'une violente émeute. Une jeune étudiante qui vendait sur le trottoir des accessoires de mode pour arrondir ses fins de mois est rossée par des gardes municipaux. Un étudiant s'interpose et sera neutralisé par la police arrivée aussitôt sur place. Des centaines d'étudiants accourent, prévenus par SMS, et finiront par incendier la voiture des gardes municipaux.
Signe que l'incident fut pris au sérieux en plus haut lieu, le gouvernement dépêcha Li Changchun, le chef de la propagande centrale, à Zhengzhou : il visita les universités et leur ordonna de mieux traiter les étudiants des milieux défavorisés. Car pour la nouvelle génération d'étudiants, largement apolitique et amnésique (beaucoup ne savent rien des événements de Tiananmen), l'étincelle qui pourra mettre le feu aux poudres de la contestation est avant tout économique : l'expansion tous azimuts des inscriptions dans l'enseignement supérieur, le renchérissement des études combinés à la baisse des salaires d'embauche et la hausse du chômage, créent un cocktail explosif, alors même qu'une partie des diplômés du supérieur sont issus de familles accédant pour la première fois à ce niveau d'éducation.
A Zhengzhou, nombre d'étudiants viennent de l'intérieur de la province, et le diplôme est vu comme un passeport pour les villes côtières, plus riches. "Il y a trop de diplômés dans le Henan, et pas assez de travail", dit Zhang Ke, 23 ans. Diplômée en 2006 de l'école normale de Zhoukou, une ville au sud de la province, la jeune fille, dont les parents sont paysans, a passé plusieurs mois à Shanghaï de petit boulot en petit boulot. "Il faut deux ans d'expérience, sinon on ne gagne pas plus de 150 € par mois", dit-elle. Elle s'est donc inscrite à la rentrée à l'université des langues étrangères de Xi'an, chef-lieu de la province du Saanxi (nord-ouest), pour acquérir un diplôme plus coté.
En Chine, ils sont ainsi près de 5 millions à être diplômés cet été, soit 20% de plus que l'an dernier et cinq fois plus qu'en 1998. Malgré la forte croissance économique, plus du tiers risquent de ne pas trouver d'emploi. Quasiment gratuites il y a dix ans, les universités coûtent rarement moins de 400 € par an pour les seuls frais d'inscription, et du double au quintuple pour les nouveaux instituts quasi privés aux pratiques commerciales peu scrupuleuses dont les familles font les frais.
"Il y a quatre ou cinq ans, les diplômés pouvaient vite gagner de 300 à 500 € par mois dans les grandes villes. Aujourd'hui, les jeunes ont plus d'attentes et veulent tous aller dans les métropoles. La compétition fait baisser les salaires de départ", explique Liu Xiaowen, de l'Académie des sciences sociales de Shanghaï. Les mésaventures de diplômés devenus caissiers d'autoroute ou employés des pompes funèbres ont défrayé la chronique à Shanghaï. (...)
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