Après être passé sous les 2 millions en mai, les chiffres du chômage de juillet pourraient passer sous un nouveau prétendu seuil historique, celui de 8%. Mais ces performances ne sont qu'illusion.
Comme le rappelle l’INSEE, le taux de chômage publié n’est pas conforme à la méthodologie habituelle. Il est donc dénué de signification. Une information fournie discrètement par l'INSEE dans sa note de conjoncture de juin, et passée curieusement inaperçue, le confirme clairement : l’Enquête Emploi a mesuré un taux de chômage de 9,4% pour le 1er trimestre 2007. Rappelons que cette enquête est la seule source qui permette de calculer le chômage au sens du BIT. Celui-ci se situe donc au moins 1 point au dessus des proclamations gouvernementales.
Des chiffres toujours provisoires. L’INSEE et la DARES ont publié fin juillet un chiffre du chômage pour juin 2007 qui s’établissait à 8%. Il ne serait pas surprenant que les chiffres de juillet passent sous cette barre symbolique et soient donc l’occasion pour le gouvernement de se réjouir à nouveau d’une baisse qui serait effectivement «historique» si elle n’était illusoire...
Depuis le printemps, les chiffres officiels sont publiés accompagnés d’un avertissement rappelant qu’ils ne sont pas conformes à la méthodologie habituelle : la direction de l’INSEE n’a pas encore recalé les estimations provisoires sur les résultats de l’Enquête Emploi de 2006. Si elle l’avait fait, le taux de chômage fin juin 2007 s’établirait officiellement à 8,9%.
Sanctions et radiations record. Cependant, la réalité est probablement encore moins brillante : la dérive des chiffres de l’ANPE, liée à la gestion «active» de la liste que mène sa direction depuis mi-2005, s’est vraisemblablement poursuivie, entraînant mécaniquement dans sa dérive le taux de chômage publié par l’INSEE. Le suivi mensuel des demandeurs d’emploi a poursuivi sa montée en charge, ainsi que le renforcement des contrôles. Une étude de l'Unedic sur le contrôle de la recherche d'emploi en 2006, encore étrangement confidentielle, montrerait, selon Les Echos du 26/07/07, un triplement des sanctions à l’initiative des Assedic suite à la réforme Borloo-Larcher de 2005. Les statistiques de l'ANPE confirment que le risque de radiation des demandeurs d’emploi a atteint un niveau record début 2007.
Comme ACDC l’a expliqué en détail dans sa note n°2 ("Chômeurs et chiffres sous pression", janvier 2007), cette hausse des radiations ne concerne ni des chômeurs qui ont retrouvé un emploi, ni des «faux» chômeurs qui ne rechercheraient pas réellement un emploi. Elle est au contraire le signe d’une politique qui pousse les chômeurs à la résignation et au découragement en privilégiant le contrôle, et un semblant de suivi au détriment de la formation et de l’accompagnement. Voyant moins d’intérêt à rester inscrit, d’autant que les droits à indemnisation du chômage ont été fortement réduits, le demandeur d’emploi renonce plus souvent à maintenir son inscription… tout en restant chômeur.
Désinscriptions en masse. C'est ainsi que la proportion de chômeurs non inscrits à l’ANPE a substantiellement augmenté. C’est ce que révélait l’INSEE dans son point de conjoncture de juin en livrant les résultats de l’Enquête Emploi pour le premier trimestre 2007. Selon cette enquête, le taux de chômage était même de 9,4% au premier trimestre : «Au premier trimestre de 2007, et en attendant la révision des données de l'enquête à l'automne 2007, le taux de chômage s'élèverait à 9,4% selon l'Enquête Emploi (données corrigées des variations saisonnières), soit le même niveau qu'au quatrième trimestre 2006. [...] L'écart constaté en 2006 entre l'Enquête Emploi et les données de l'ANPE continue donc de s'accroître début 2007. [...] Le taux d'inscription des chômeurs à l'Agence a diminué régulièrement, d'environ 0,75 point par trimestre, depuis la mi-2005. Ce taux serait ainsi passé de 82% au second trimestre de 2005 à 77% au premier trimestre de 2007. Ceci explique une partie des écarts entre l'évolution des demandeurs d'emploi à l'ANPE et celle des chômeurs BIT.»
L'INSEE confirme donc ainsi le bien-fondé de nos analyses, en attendant l'inévitable recalage à la hausse annoncé pour novembre.
2,27 millions de chômeurs invisibles. Rappelons enfin que l’indicateur officiel sur le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE n’a lui-même aucun intérêt puisqu’il se limite à compter le nombre de personnes recherchant un contrat à durée indéterminée à temps plein, et n’ayant pas exercé de petits boulots de plus de 78 heures dans le mois. Or, depuis des années, le marché du travail est devenu précaire, les temps partiel, les contrats à durée déterminée et l’intérim monnaie courante, poussant les demandeurs d’emploi à multiplier les petits boulots. Fin juin 2007, ce n’est donc pas 1.962.700 demandeurs d’emploi (de catégorie 1) qui étaient inscrits à l’ANPE, mais 3.197.500 (dans les catégories 1, 2, 3, 6, 7 et 8), sans même compter les catégories 4 et 5 (près de 400.000), les dispensés de recherche d'emploi (418.000), les chômeurs des DOM (220.000)... Là encore, on ne peut prétendre que l’indicateur n’a pas changé depuis des années, alors que les «DEFM de catégorie 1» ne représentent plus que 61% des inscrits au lieu de 90% au début des années quatre-vingt.
L'illusion demeure. La ministre Christine Lagarde a annoncé que les publications officielles présenteraient désormais les catégories 4 et 5 à partir des chiffres de septembre. C'est un premier pas qui demeure tout à fait insuffisant, puisque le chiffre officiel que le gouvernement continue d'annoncer restera basé sur la seule catégorie 1.
A la suite des Etats généraux des chiffres du chômage et de la précarité, nous demandons la publication trimestrielle du taux de chômage BIT selon l'Enquête Emploi et l'élaboration d'indicateurs annuels de précarité et d'emploi inadéquat qui permettraient de décrire et de mettre en débat les évolutions récentes du marché du travail. Le président Sarkozy, dans sa lettre de mission adressée à la ministre Lagarde, lui demande de mettre en place des «indicateurs de résultats» permettant de décrire «notamment la baisse du chômage et, plus encore, l'augmentation du taux d'emploi dans toutes les catégories de la population en âge de travailler et la baisse de la précarité du travail». Nous ne savons pas si le chômage baisse, et nous sommes certains que la précarité augmente (cf. les records historiques de l'intérim). Mais il est en effet urgent de créer des indicateurs pertinents.
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