Une justice trop favorable aux salariés ? Les conseils de Prud’hommes se retrouvent eux aussi dans le collimateur de Rachida Dati. Dans sa vaste refonte de la carte judiciaire, la ministre de la Justice englobe ces tribunaux pas comme les autres. Leur seul champ de compétence : le monde du travail. Les conseils de Prud’hommes, composés à parts égales de salariés et d’employeurs, élus tous les cinq ans, jugent les litiges survenus dans les entreprises de droit privé. Cette juridiction sociale, particularisme français, concerne 16 millions de salariés et 1,2 million d’employeurs. Plus de 200.000 affaires y sont traitées chaque année.
Deux conseils sur trois supprimés ?
Il existe en France 271 conseils de Prud’hommes soit, en moyenne, presque trois par département. C’est sans doute trop pour Rachida Dati. Le 27 juin 2007, prononçant son discours sur la refonte de la carte judiciaire, la garde des Sceaux a très brièvement évoqué le sort qui pourrait être réservé aux Prud’hommes : «Il nous faudra déterminer à partir de quel niveau on estime qu’un conseil de Prud’hommes doit être redéployé. L’objectif à atteindre n’est pas systématiquement un seul conseil de Prud’hommes par département. Il convient en cette matière également d’éviter tout schéma figé.» Bref, il n’est pas certain qu’on supprime deux conseils sur trois, mais ce n’est pas exclu non plus. La menace est dans l’air.
Dans sa logique de réduction de la fonction publique et des services publics, le gouvernement pourrait tailler dans le vif la justice prud’homale. Il caresse l’idée de supprimer des tribunaux civils alors pourquoi pas, dans la foulée, des conseils de Prud’hommes ? Pourtant, ceux-ci ne coûtent pas très cher et souffrent même d’un manque de greffiers, de moyens matériels. Le conseil de Paris, le plus important de France, fonctionnait avec 175 agents administratifs. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 136. À Créteil, les effectifs sont passés de 22 à 16.
Les réductions budgétaires ne sont peut-être pas la seule explication aux menaces qui pèsent sur les Prud’hommes. Selon les statistiques de 2004, les salariés représentent 98,9% des plaignants contre à peine 1,1% de patrons. Dans la grande majorité des affaires, le plaignant estime qu’il a été victime d’un licenciement abusif… et le conseil de Prud’hommes lui donne raison. Et lorsque le patron condamné fait appel, le second jugement confirme le premier dans 70% des cas. La Place Vendôme est-elle en train de s’attaquer à la justice prud’homale parce que ses jugements n’ont pas l’heur de plaire ? Cette opération, plutôt sous-jacente pour le moment, va-t-elle de pair avec les assauts contre le Code du travail et le droit de grève ? Déjà les élections prud’homales, prévues pour décembre 2007, ont été repoussées à décembre 2008.
Un simulacre de concertation
Déjà, en 2005, le rapport Desclaux suggérait une suppression des conseils de Prud’hommes les moins sollicités. Il est vrai que celui de Bédarieux, dans l’Hérault, n’a traité que 23 conflits du travail en 2003. En certains endroits, la moyenne annuelle ne dépasse pas la cinquantaine d’affaires. En revanche, le conseil de Paris a été saisi 21.313 fois en 2003. Certains conseils ont trop de dossiers, d’autres n’en ont pas assez. D’où l’idée d’un redécoupage géographique pour mieux répartir les affaires tout en préservant le nombre de conseils et une justice de proximité. Malheureusement, la concertation sur la refonte de la carte judiciaire lancée par le ministère a toutes les apparences d’un simulacre : elle est censée se tenir pendant l’été et s’achever dès le 30 septembre !
La CGT a écrit à Rachida Dati pour demander que les confédérations syndicales prennent toute leur place dans cette concertation. Pour Philippe Masson, responsable du collectif droits et libertés à la CGT, «on est encore complètement dans le flou».
(Source : L'Humanité)
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