Bien que les seuls chiffres de l'ANPE ne soient pas fiables, on voit qu'ils continuent d'être annoncés chaque mois pour redorer le blason d'un gouvernement qui patine... Et, dans le détail, on s'aperçoit que la réactivation des contrats aidés n'est pas étrangère à ces résultats, puisque Bercy a réinjecté une rallonge de 560 millions d'euros afin de maintenir jusqu'à fin décembre le rythme qui avait été imposé par Jean-Louis Borloo.
En 2006, on en recensait déjà 358.000 (dont une grosse partie dans l'Education nationale, saignée par les suppressions de postes). On ne cesse de le dire ici : ces contrats coûtent une fortune à l'Etat, maintiennent leurs "bénéficiaires" dans la pauvreté et l’assistanat, tandis que les seuls à en tirer un large bénéfice sont les employeurs.
La France, abonnée au Smic
Tel est le constat de Guillaume Duval dans l'excellent magazine Alternatives Economiques :
(...) « Afin de favoriser la création d'emplois peu qualifiés en plus grand nombre pour lutter contre le chômage de longue durée des personnes sans qualification [NDLR : et là nous mettons un bémol, car les contrats aidés sont aussi imposés à des personnes qualifiées], les gouvernements qui se sont succédés depuis vingt ans ont multiplié les exonérations de charges sociales à proximité du Smic. Cette politique a eu un grand succès : on a créé en France beaucoup d'emplois mal payés ces dernières années.
Mais elle a eu de nombreux effets pervers. Sur les 27 pays de l'Union européenne, 21 ont un Smic, ainsi d'ailleurs que les Etats Unis. Et contrairement à une idée reçue, le Smic français n'est pas le plus élevé : il est inférieur à ses équivalents belge, néerlandais, irlandais ou encore britannique. Mais, parmi tous ces pays, la France présente un profil très particulier : avec 15% de Smicards, elle est de très loin le pays où le pourcentage de salariés "abonnés" au salaire minimum est le plus important. Au Royaume-Uni, par exemple, seuls 2% des salariés touchent le Smic et les proportions sont analogues dans la plupart des autres pays riches. Le seul pays qui se rapproche de la France sur ce plan, c'est la… Bulgarie. La France est aussi, pour cette raison, le pays d'Europe où la distribution des salaires est la plus concentrée vers le bas de l'échelle. D'où évidemment l'extrême sensibilité de la question du pouvoir d'achat chez les salariés. »
Grâce au chômage de masse, depuis trente ans, la précarité a explosé et les salaires ont baissé. Aujourd'hui (et la plupart des salariés qui ont perdu leur emploi s'en aperçoivent avec amertume), s'il semble plus facile de trouver du travail qu'il y a cinq ans, retravailler signifie : renoncer à gagner correctement sa vie.
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Commentaires
Les trappes à bas salaires sont l'un des effets pervers de la politique systématique de dégrèvement des cotisations sociales. Tous les gouvernements qui se succèdent depuis Edouard Balladur, inventeur de la chose, pratiquent les exonérations de charges sociales sur les bas salaires afin d'inciter à embaucher des emplois peu qualifiés. Et de fait, on embauche des salariés peu qualifiés autour du Smic, on crée beaucoup d'emplois mal payés, et d'une certaine manière on déqualifie le travail. On tasse la qualification du travail français vers le bas.
Comme ces salariés ont fort heureusement droit à la protection sociale mais que les patrons ne payent pas de cotisations pour eux, il faut bien que ce soient les cotisations sociales sur d'autres catégories qui compensent. Disons que grosso modo ce sont les cadres qui payent une part de la protection sociale des non cadres. De fait, il existe bien une progressivité de la cotisation sociale, due aux dégrèvements de charges concédés aux patrons. Et, du fait de la forte progressivité des cotisations sociales autour du Smic, un employeur y regarde à deux fois avant d'augmenter un salaire, car le coût du travail augmente proportionnelle ment plus vite. Conclusion : lorsqu'on est au Smic, on a de grandes chances d'y rester !
Autre conséquence, l'augmentation du nombre de salariés payés au Smic, cette politique d'aide systématique aux bas salaires a un deuxième effet pervers : la surqualificatio n. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y a pas que des gens peu qualifiés qui occupent ces postes eux-mêmes peu qualifiés, mais aussi diplômés, qui les occupent faute de mieux. Alternatives économiques a publié dans son dernier numéro un tableau remarquable fait par Eurostat, l'organisme statistique des communautés européennes, montrant que la France est le pays de l'OCDE comportant le plus de Smicards : 15%. Dans tous les pays riches - Grande Bretagne, Etats-Unis, Pays Bas, Belgique etc… - la proportion de Smicards est de 1 à 2% seulement. Du coup la France est un pays égalitaire, mais où les revenus sont concentrés dans le bas de l'échelle, avec un Smic plus faible qu'ailleurs (le Smic français est plus faible que le Smic anglais par exemple). Décidément, la politique d'allègement des charges sociales est à revoir ! Répondre | Répondre avec citation |